Alexandra Savior - Jeudi 27 Avril 2017 - Nouveau Casino (Paris)
« Ce qui est drôle, c'est que je devais être ce soir à l'Elysée Montmartre pour assister au grand retour de J&MC, et que je me retrouve sur un coup de cœur au Nouveau Casino pour découvrir une nouvelle venue, Alexandra Savior, sorte de Lana del Rey portée par l'ami Alex Turner. Et que finalement, je me sens plus excité par cette perspective que par l'idée de revoir la sale tronche des frères (ennemis) Reid... que j'aurai de toute manière l'occasion d'écouter à Rock en Seine fin août !
Beaucoup de monde quand j'arrive au Nouveau Casino (superbe petite salle que je n'ai pas fréquentée depuis un mémorable concert des Fleshtones en juin 2009… !), juste au moment de l'ouverture des portes. Pas de problème néanmoins pour me faufiler au premier rang sur la droite. Impeccable !
20h10 : des petits Français répondant au nom de VedeTT, ça ne fait pas a priori trop envie, mais quarante minutes plus tard, après un concert tour à tour captivant, excitant et surprenant, j'ai changé d'avis : VedeTT, c'est très bien. Ça a commencé de manière soft, voire même romantique, comme du Cure susurré (jolie voix du bassiste moustachu, à la douceur séduisante) et envoûtant, avec des arpèges de guitare délicats. Puis au troisième morceau, le guitariste encapuchonné a commencé à lancer des déflagrations qui ont rendu tout cela encore plus intéressant. Au point que j'ai ressenti une certaine frustration devant des morceaux qui ont tendance à être un peu courts, à s'interrompre alors que la musique est encore en train de monter en puissance. Puis, surprise, VedeTT annonce une chanson « qu'on a peut-être déjà entendu, lors d'un mariage par exemple » : et voilà un slow, un vrai, en français, estampillé salles de bal de campagne de mon adolescence. C'est assez surprenant de trivialité bien sentie, et ça devient jouissif quand la guitare explose à la fin. On enchaîne avec un autre titre en français, introduit avec prudence par le chanteur, vu son titre mal à propos ces derniers temps : Tuer les Gens... VedeTT évoque alors un peu Daniel Darc quand il se laissait aller à faire un peu de bruit, autant dire que j'aime bien. On termine le set par des morceaux costauds en anglais, assez puissants, et encore un fois sans doute trop retenus, avant une jolie conclusion en forme de berceuse goth. La boucle est bouclée, et on a entendu un excellent groupe français ce soir.
A noter pour mémoire que bassiste et guitariste ont la particularité de tenir leurs instruments très haut, ce qui n’est pas si courant que cela, et leur confère un air un peu emprunté des plus sympathique. Et que, ayant croisé le chanteur-bassiste dans le couloir à la sortie, ces jeunes gens talentueux et à suivre sont originaires d’Angers.
21h10 : après un changement rapide de matériel, la petite Alexandra Savior s’avance vers nous, entourée d’un quatuor guitare / basse / claviers / batterie assez anonyme. Alexandra est certes une très jolie blonde aux yeux bleus et au visage innocent, mais ce qui frappe surtout c’est la manière voûtée dont elle se tient sur scène, son pied micro étant pour le coup réglé très bas. Elle attaque avec Frankie, extrait de son premier et nouvel album – comme d’ailleurs, logiquement, l’intégralité de la setlist de ce soir -, et on réalise que cette posture curieuse qu’elle adopte lui permet de se dissimuler partiellement derrière ses longs cheveux, mais également d’évoquer une sorte de créature vaguement enfantine et maléfique qui serait une sorte de double d’elle-même venant hanter régulièrement les chansons.
Car, si l’on remarque immédiatement qu’Alexandra n’a pas tout-à-fait la richesse vocale d’une Lana del Rey à laquelle on la compare parfois, comme cette dernière, elle cherche à créer vocalement une sorte d’univers cinématographique : la différence est que, si Lana louche clairement vers David Lynch, Alexandra semble plutôt vouloir nous terroriser avec un univers de serial killers et de démons de série B. Posture, regard halluciné ou pervers, et par ci par là un cri suraigu, on est bel et bien dans une théâtralisation un peu affectée : la langueur d’Alexandra n’est pas tant sensuelle ou décadente que le signe d’une sorte d’hallucination fantastique qu’elle cherche à transmettre.
Tout cela est original, et finalement assez prenant, sauf qu’on réalise très vite les deux faiblesses du set : d’abord le fait que cette affectation devient très vite trop systématique pour ne pas engendrer un certain ennui, voire une petite irritation ; ensuite, et c’est plus grave, la réalisation qu’il y a dans le répertoire d’Alexandra peu de chansons vraiment notables. Bones, Mirage et M.T.M.E. sont clairement les morceaux les plus saisissants, qui sortent un peu de l’ambiance vaporeuse qui tend à uniformiser « Belladonna of Sadness ». Ils sont malheureusement tous joués en début de set, ce qui nous laisse ensuite avec des morceaux pas trop passionnants, qui font peu à peu retomber l’intérêt des spectateurs…
Ce qui fait que quand Alexandra nous lance, mi sincère, mi-joueuse : « Mais qu’est-ce que vous faites ici ce soir ? Vous ne savez pas que Jesus and Mary Chain jouent à Paris ce soir ? », on doit être plus d’un dans la salle à se poser la même question…
Il n’y a finalement pas grand-chose de plus à dire d’un set qui ne durera – heureusement ? – que 45 minutes, et qui ne se ressaisira qu’à la toute fin, quand Alexandra conclura son étrange Mystery Girl par des cris stridents évoquant une folie furieuse qu’on n’aura quand même pas vraiment ressentie auparavant.
On aurait tous, je pense, bien aimé que Alexandra ait la politesse de nous offrir un petit rappel, peut-être une reprise comme le font en général les jeunes artistes débutants… Mais non, le set aura bien pris ainsi fin de manière très abrupte, augmentant la vague impression de déception de la soirée.
Bref, il est loin d’être certain que la jeune Américaine, malgré une belle voix, aille très loin sur ce chemin certes original, mais finalement peu convaincant, qu’elle a choisi. »
La setlist du concert d’Alexandra Savior :
Frankie (Belladonna of Sadness – 2017)
Bones (Belladonna of Sadness – 2017)
Mirage (Belladonna of Sadness – 2017)
M.T.M.E. (Belladonna of Sadness – 2017)
Girlie (Belladonna of Sadness – 2017)
Audeline (Belladonna of Sadness – 2017)
'Til You're Mine (Belladonna of Sadness – 2017)
Risk
Cupid (Belladonna of Sadness – 2017)
Vanishing Point (Belladonna of Sadness – 2017)
Mystery Girl (Belladonna of Sadness – 2017)