« Pas de chance pour ma rentrée 2014, le trafic épouvantable en ce jeudi soir à São Paulo ne me permet pas d'arriver à l'Espaço das Américas sufisamment à l'avance pour me garantir une position honorable dans la « Bud-zone », la plus proche de la scène : la galère me paraît assurée, alors que je me faisais une joie de revoir - après leur set explosif à Lollapalooza 2013 - l'un de mes groupes préférés de la dernière décennie. Bon, dans la queue de plusieurs centaines de personnes qui serpente autour de la salle, je prends mon mal en patience, ravalant ma rancoeur, me disant pour me consoler que la grande époque de QOTSA est derrière nous, le dernier album (« ... Like Clockwork ») marquant un virage, certes osé, mais pas vraiment convaincant vers un rock plus léger et moins exigeant... Et puis, comme souvent, une fois dans la grande salle déjà bien remplie, j'arrive à m'immiscer sur la gauche, et à atteindre la barrière,  plus ou moins dans la même position que pour le mémorable concert du Boss il y a un an. Cool !

20h50 : alors qu'aucune première partie n'était annoncée, on a la surprise de voir entrer sur scène un drôle de gugusse au look grunge-chauve (à moins que ça ne soit hard-surf), mais muni d'une sorte de banjo rectangulaire qui m’a tout l'air furieusement artisanal. Quand il se présente, je réalise qu’il s’agit ni plus ni moins que d’Alain Johannes, collaborateur occasionnel de QOTSA, avec sa guitare dite « cigar box ». Alain est forcément bien accueilli par le public de fans de QOTSA,... mais commencent alors 40 minutes d’ennui, un ennui qui dégénère en souffrance indécente. Car si Alain a une voix plutôt correcte, son jeu de euh... guitare "primitif", sans rythme ni grâce, fatigue très vite, au long de chansons informes qui semblent toutes construites (?) de la même manière, même lorsqu’il nous annonce des « reprises », inconnues et inaudibles. Vraiment éprouvant, sur la durée.

Et il faudra encore attendre jusqu'à 22h10 pour que la bande de Josh Homme (...qui m'a paru amaigri, cette fois) attaque São Paulo avec un impeccable ...Millionnaire, suivi d'un roboratif Noone Knows dont on ne se lasse décidément pas. Je suis vraiment bien placé sur la gauche, sous la sono : ce sera, je me rends compte, la première fois que je verrai un set de Queens Of The Stone Age depuis la gauche de la scène, avec une vue bien dégagée sur Troy Von Leeuwen et Dean Fertita qui, il faut bien le dire, font une bonne partie du show à eux deux, alors que Homme est comme toujours sur la droite, moins facile à photographier avec les lumières compliquées qui ont toujours caractérisé les sets du groupe. Le son est parfait, très fort, très clair, très compact, idéal pour retranscrire la dureté et le tranchant du groupe, même si, du côté gauche, la voix et la guitare de Homme sont, logiquement, un peu sous-mixées. Le public de la Bud-Zone, forcément vu le prix du ticket, est largement blanc, plutôt trentenaire, et très mixte, prouvant que QOTSA ratisse désormais bien plus large que sa base initiale de stoners / drogués / fans de heavy metal (bien peu de cheveux longs dans la salle, ce qui en même curieux, vu la passion du Brésil pour le metal !)... Malgré le niveau élevé d’excitation générale, tout le monde se tiendra tranquille, dansant et chantant dans l’allégresse, comme toujours au Brésil. Conditions idéales donc pour jouir d’une nouvelle soirée extraordinaire avec Joshua Homme...

... Sauf que non, pas tout-à-fait : une fois passé My God Is The Sun, qui ne dépare pas au milieu de la galerie des grands singles du groupe, un Smooth Sailing pas très intéressant fait retomber la tension. Comme je m’y attendais après la vision du triste enregistrement « Live In Los Angeles », les titres de « ... Like Clockwork », pour euh... intéressants qu’ils soient, introduisent un autre esprit au milieu de la setlist, et systématiquement désamorcent la machine. C’est évidemment un avis personnel, mais c’est en tout cas la première fois qu’un concert de QOTSA n’est pas « terrassant » de bout en bout : on dira ce qu’on voudra, mais les « moments – piano » de ...Like Clockwork ou de The Vampire of Time and Memory en ouverture de rappel, ce n’est plus le groupe qu’on aimait et qui faisait parfois presque peur à force de radicalisme abstrait ! Même le rigolo If I Had a Tail aurait plus sa place au milieu de la set list des Eagles of Death Metal...

Bon, n’exagérons pas non plus, les grands moments ne manqueront pas ce soir, avec le bonheur retrouvé de Feel Good Hit of the Summer, intelligemment transpercé par une psalmodie droguée et « morrisonienne » (une petite reprise de Depeche Mode, a priori), le fun pur et dur et speedé de Little Sister, l’acidité cruelle de Sick Sick Sick, et évidemment, en final parfait, A Song For the Dead, qui permettra d’ailleurs de considérer que Jon Theodore, pour être moins physiquement impressionnant, a désormais bien repris les baguettes abandonnées par Joey Castillo. Josh a été égal à lui-même, félin et brutal à la fois, traînant cette sorte d’ennui élégant qu’on lui connaît, répétant comme toujours sans grande conviction des phrases faussement sympathiques à l’attention du public en transe (« ce qui a commencé à São Paulo se termine à São Paulo »... je suppose qu’il faisait référence à la tournée « ... Like Clockwork » débutée à Lollapalooza 2013...).

Oui, les guitares ont tonné et tranché vif, les chansons les plus « pop » ont fait chanter tout le monde (Go With The Flow, forcément !), et on peut dire que QOTSA est entré avec classe dans sa phase « middle of the road ». Et tant pis pour ceux qui, comme moi, regretteront un peu l’extrémisme de naguère... »

Les musiciens de QOTSA sur scène :

Josh Homme : lead vocals, guitar, piano

Troy Van Leeuwen : guitar, lap steel, keyboard, backing vocals

Michael Shuman : bass guitar, keyboard, backing vocals

Dean Fertita : keyboards, guitar, percussion, backing vocals

Jon Theodore : drums

La setlist du concert de QOTSA :

You Think I Ain't Worth a Dollar, but I Feel Like a Millionaire (Songs For the Deaf – 2002)

No One Knows (Songs For the Deaf – 2002)

My God Is the Sun (… Like Clockwork – 2013)

Smooth Sailing (… Like Clockwork – 2013)

Monsters in the Parasol (Rated R – 2000)

I'm Designer (Era Vulgaris – 2007)

I Sat by the Ocean (… Like Clockwork – 2013)

…Like Clockwork (… Like Clockwork – 2013)

Feel Good Hit of the Summer (Rated R – 2000)

(with Never Let Me Down Again snippet by Depeche Mode)

The Lost Art of Keeping a Secret (Rated R – 2000)

If I Had a Tail (… Like Clockwork – 2013)

Little Sister (Lullabies to Paralyze – 2005)

Fairweather Friends (… Like Clockwork – 2013)

Make It Wit Chu (Era Vulgaris – 2007)

I Appear Missing (… Like Clockwork – 2013)

Sick, Sick, Sick (Era Vulgaris – 2007)

Mexicola (QOTSA – 1998)

Go With the Flow (Songs For the Deaf – 2002)

Encore:

The Vampyre of Time and Memory (… Like Clockwork – 2013)

Do It Again (Songs For the Deaf – 2002)

A Song for the Dead (Songs For the Deaf – 2002)