Morcheeba - Mercredi 14 Juillet 2010 - Sala Heineken (Madrid)
« Est-ce qu'on va voir du papier peint en concert ? Question existentielle qu'on est un peu obligé de se poser pendant qu'on attend, Inés et moi, Morcheeba dans la Sala Heineken, en compagnie d'une poignée sympathique de fans de chill out (garglll!), de lesbiennes et de Français... (Comme quoi Morcheeba doit être plus populaire en France qu'en Espagne...!). J'avoue que la musique de Morcheeba a enchanté de nombreuses journées de mon existence, avec ses atmosphères raffinées et ses mélodies qui tirent facilement vers le sublime... Et pourtant il m'a toujours été impossible de prendre au sérieux ce qui ressemble plus à une décoration - parfaite mais au luxe un tantinet superflu - de notre vie qu'à une véritable "bande son" qui toucherait à quelque chose d'essentiel en nous. Ce n'est certainement pas leur dernier album, assez faible, "Blood Like Lemonade", qui m'a motivé en ce 14 juillet de « fêtnat » à assister à ce set, c'est plutôt l’annonce du retour - inattendu - de Skye, la chanteuse à la voix enchantée, au sein du groupe...
La Sala Heineken se remplit lentement, l'attente est longue, 1h30, sans première partie, mais Morcheeba entre en scène quelques minutes avant l'heure : c'est plutôt plaisant de découvrir un "vrai groupe", le duo Ross Godfrey (uniquement à la guitare ce soir) - Skye - au premier rang, avec quatre musiciens additionnels, un bassiste dragueur à gauche et les trois autre derrière, pour les appuyer (rappelons que le frangin Godfrey, n’est pas musicien au sens propre du terme et ne tourne donc pas…). C'est moins plaisant de se rendre compte que le son est complètement pourri (je me dis que c’est assez fréquent à la Sala Heineken), à la fois un peu trop fort - noyant la voix de Skye la plupart du temps - et creux, sans tessiture, réduisant les mélodies subtiles de Morcheeba à des parodies un peu grimaçantes. Je ne mentionnerai même pas la lumière, très basse et à contre-jour, empêchant systématiquement toute photo correcte. Et le concert commence, mal, très mal même : des versions bêtement "musclées", « boostées » pour la scène des classiques des premiers albums, une voix régulièrement inaudible, une absence totale d'âme : je suis parti pour m'ennuyer ferme ce soir. Paradoxalement, ce sont les morceaux du nouvel album qui passent le mieux, Even though nous fait enfin dresser l’oreille, bien, Blood Like lemonade en rajoute une couche. Malheureusement, Part of the Process puis Slow Down seront littéralement horribles, mal jouées, inaudibles, inécoutables.
J'en ai presque envie de quitter la salle, sans même mentionner les propos démagogues de Skye sur la marijuana et l'alcool, histoire de caresser la jeunesse "hippie" de Madrid dans le sens du poil : "allez les gars, on se défonce tous en chœur" ! Même si on sait que Morcheeba est un groupe construit à la gloire du cannabis (Skye se fera d’ailleurs allumer un gros pétard sur scène par Ross, un pétard envoyé par l’un des spectateurs), ça reste à mon avis parfaitement pitoyable... comme d’ailleurs la quasi-totalité de la bouteille de tequilla que s’enfilera Ross pendant le set… Alors, et Skye, me direz-vous ? En ce qui concerne sa voix, il est indiscutable que, lorsqu’on l’entend, elle est superbe. Pour le reste, la donzelle, mal habillée (elle nous dit s’être fait elle-même sa robe, et ça se voit..) souffre du syndrome irritant de l’Anglaise nunuche et timide, visiblement mal à l’aise sur scène, alignant rires nerveux et propos anodins, ce qui, à son âge, est un peu moins charmant que chez… disons, Lily Allen. Du coup, sa beauté et sa classe interpellent moins qu’elles ne le devraient…
Et puis, et puis, quand on a touché le fond, quelque chose se passe : une superbe version de Crimson, avec une intervention éblouissante de Ross à la guitare, va remettre le concert sur les rails. Morcheeba semble s'être enfin trouvé, et nous avoir trouvés en même temps, du coup... Car à partir de là, tout le reste de la soirée va être quasiment impeccable : le très beau Beat of the Drum, la seule vraie perle du nouvel album, permet un singalong sympa (les mecs d'abord, les filles ensuite), et puis le rappel étincelle, avec un I Am The Spring parfait en simple duo (pas sur la set list, a priori rarement joué), suivi par Be Yourself, et Rome enfin, en crowd pleasers funky et joueurs. A la fin Ross se lâche dans le « noise » avec sa guitare, et c'est très bien comme ça, il a fini par se passer quelque chose dans ce concert.
1 h 40, dont 1 h loupée et 40 minutes plaisantes, c'est moins que j'espérais mais c'est mieux que rien (mieux que le papier peint !). Skye m'a finalement assez énervé ce soir, avec sa timidité et son manque de charisme, et ses essais de flamenco ne m'ont pas particulièrement impressionné. Ross a sauvé la soirée avec son numéro hendrixien (avec les dents, si, si), et a (enfin) élevé la musique éthérée de Morcheeba vers quelque chose de physique, de tangible, de... presque charnel.
Un roadie sympa me donne la set list, dehors la nuit est plus douce que ces deux dernières semaines (à peine 30 degré à 23 h 15, ça fait du bien...). Au final, je trouve que Morcheeba et moi, on se sort plutôt bien de cette première rencontre, non ? »
La setlist du concert de Morcheeba :
Moog Island (Who Can You Trust? – 1996)
Friction (Big Calm – 1998)
Never an Easy Way (Who Can You Trust? – 1996)
Otherwise (Charango – 2002)
Even Though (Blood Like Lemonade – 2010)
The Sea (Big Calm – 1998)
Blood Like Lemonade (Blood Like Lemonade – 2010)
Part of the Process (Big Calm – 1998)
Slow Down (Charango – 2002)
Crimson (Blood Like Lemonade – 2010)
Trigger Hippie (Who Can You Trust? – 1996)
Beat of the Drum (Blood Like Lemonade – 2010)
Blindfold (Big Calm – 1998)
Encore:
I Am the Spring (Blood Like Lemonade – 2010)
Be Yourself (Fragments of Freedom – 2000)
Rome Wasn't Built in a Day (Fragments of Freedom – 2000)