Kasabian / Miossec / FFS / Benjamin Clementine - Vendredi 28 Août 2015 - Rock en Seine, Parc de St Cloud
« Mon premier Rock en Seine. Mon dernier peut-être parce que, nonobstant le beau temps, la bonne ambiance et tout et tout, ce ne sont pas les meilleures conditions pour écouter la musique que l'on aime vraiment... au milieu d'un public qui s'en fout un peu, qui discute un peu trop quand il faudrait un peu de silence. Bref, un grand festival où il vaut mieux ne pas trop se focaliser sur les artistes un peu intimistes...
... comme Benjamin Clementine par exemple. En plein jour (il est un peu plus de 18 heures quand j'arrive à la Scène de la Cascade, ralenti par la fouille à l'entrée du Parc, et Clementine, qui a débuté son set officiellement depuis une petite dizaine de minutes, est en train de terminer le superbe Condolence), et devant un public pas forcément concerné, il est difficile pour notre grand et beau black préféré de 2015 de communiquer pleinement la magie - pourtant indiscutable - de sa musique. Le fait qu'il soit assis pendant la totalité de son set au piano n'aide pas non plus à créer une vraie communication avec le public, avouons-le. Les chansons s’enchainent dans le plus grand calme, et la voix impressionne… sans vraiment séduire. Bien que conservant leur durée pas très raisonnable, les titres ont même l'air un peu bâclés (je pense par exemple à un London départi cet après-midi de sa "facilité tubesque") : est-ce la liberté que Clementine prend avec le matériau de base, ou bien est-ce que, réellement, cette musique n'est pas faite pour un tel cadre ? Est-ce le soleil, le public clairement en dilettante, ou bien un Clementine lui-même assez "strange" (même s'il semble que cela soit sa nature...) avec son look improbable (grand manteau vert, torse nu dessous) en décalage avec l'exercice délicat de la prestation live en festival ? Toujours est-il que mon attention, comme celle de tous ceux qui m'entourent, visiblement, faiblit peu à peu, et que les applaudissements sont plus de politesse que d'enthousiasme. Pire, alors que le set n'est prévu que pour durer 50 minutes, voilà que Benjamin s'absente pendant un moment interminable, laissant son batteur achever notre patience avec un solo (!) déstructuré et assez ridicule : du grand n'importe quoi pour un concert qui va achever de se déliter sur les deux derniers titres, les moins accrocheurs (ou en tout cas les moins connus du grand public). Il faudra revoir cela dans une vraie salle, mais ça a aura été une vraie déception pour moi (... sans même mentionner la disparition de la spectaculaire coupe de cheveux Grace Jones !).
Mon premier Rock en Seine. Sûrement pas mon dernier, parce que c'est - comme on le l'avait promis - incroyablement facile de se glisser devant, tout près de la scène, pour voir son groupe préféré en profitant des mouvements d'un public impatient d'aller voir un autre groupe sur une autre scène dès qu'un set se termine...
Me voici donc quasi au premier rang devant la Scène de la Cascade pour assister au concert qui a vraiment motivé ma présence aujourd'hui : FFS. Et disons le tout de suite, devant un public conquis et enthousiaste, Franz Ferdinand et les Sparks vont donner un concert parfaitement jubilatoire (qui restera a priori le grand moment de cette première journée de Rock en Scène !), bien supérieur à celui du Bataclan il y a quelques semaines. On sent le « groupe » beaucoup plus rôdé, tandis que l’enthousiasme et la joie qui éclataient sur scène au Bataclan sont plus présents que jamais ; mais c’est sans doute le public, qui semblait connaître mieux l’album, et qui était (logiquement) massivement fan de Franz Ferdinand, qui fait la différence, portant le set à un niveau d’incandescence qui est la marque des grands événements. La set list également fonctionnait idéalement : un peu plus courte, dépouillée des titres (légèrement) plus faibles de l’album, et incluant un « classique » supplémentaire de chaque groupe (Achoo de Sparks dans une version « turbo » qui aurait ravi Tony Visconti, et Walk Away de Franz Ferdinand, forcément impeccable), soit de quoi donc satisfaire tout le monde… sauf un excité derrière moi qui a passé tout le concert à réclamer à grands cris Jacqueline, preuve qu’il ne manque pas de gens pour encore penser assister à un set classique de Franz Ferdinand, malgré les avertissements – et en français – de Alex Kapranos en début de concert.
Impossible cette fois de souligner les points forts du concert, tant l’excellence a régné tout au long de la courte heure du set : même le moment théâtral et fantaisiste de Collaborations don’t Work est passé comme une lettre à la poste, grâce à la bonne humeur générale ! When Do I get to Sing My Way a été par contre partiellement gâché par une poignée de pogoteurs fous assez déplacés à ce moment-là, qui ont semé le chaos et un début de panique au milieu de la foule, mais globalement l’ambiance est restée festive de bout en bout, jusqu’à l’explosion finale de Take Me Out – tout le monde changé en petits pois mexicains – et le bonheur de hurler ensemble « Piss Off ! » au monde entier, tandis que Nick McCarthy effectuait son traditionnel mais impressionnant crowd surfing sans manquer un seul accord. Sinon, je signalerai aux vrais amateurs de Sparks que le « Ron Moment » du jour - sur le final de l'irrésistible Number One Song In Heaven, tandis que le groupe tout entier se déchaine aux percussions - a été particulièrement jouissif, Ron ayant – pour une fois – lui-même beaucoup de mal à conserver son sérieux. Bref, pour reprendre les propos d’une très jeune fille littéralement en larmes à la fin, nous étions tellement, mais tellement heureux d’avoir vu ça !
Mon premier Rock en Seine. Où je découvre qu’il y a aussi de mauvais sets à Rock en Seine, et que l’on peut aussi y manger des sandwiches à la raclette après avoir écouté du folklore breton…
J’ai retrouvé Virginie et Clément à la fin du set de FFS, et nous nous concertons pour savoir où aller maintenant, en attendant l’heure de Kasabian, qui clora cette première journée de Rock en Seine. Miossec à la Scène de l’Industrie ou Offspring sur la Grande Scène ? Offspring paraît a priori plus prometteur, mais plus nous approchons (en pataugeant pas mal dans la boue restant du déluge qui s’est abattu sur Paris la veille), plus ce que nous entendons nous refroidit : des clichés « punk américains », du gros son caricatural, un manque flagrant d’énergie, tandis que sur les écrans géants, on est obligé d’admettre que le temps a fait son œuvre sur les musiciens. On se rabat donc sur Miossec…
… Sauf que ça sera Miossec ET Offspring en même temps, vu l’orientation inappropriée de la Scène de l’Industrie et le niveau sonore des Américains, recouvrant régulièrement le son plus maigrelet du groupe du Breton ! C’est quand même assez désolant, d’autant que, maudissant régulièrement les « vieux punks » et leurs « skates », Miossec semble s’obstiner à maintenir un climat intimiste, et ne lancera que peu son groupe à l’assaut des cimes sonores. Voici donc un contexte assez déprimant, mais ce ne sera pas le plus grave : car en fait, Miossec, que je n’ai pas revu personnellement sur scène depuis ses débuts (et une prestation assez regrettable à Strasbourg où il avait abondamment insulté les Alsaciens, ce qui n’est pas le mieux pour se mettre le public dans sa poche), reste un chanteur horriblement limité et un personnage finalement peu sympathique sur scène, avec son « humour » (??) assez pitoyable. Incapable de chanter ses propres chansons - la voix est inexistante, le ton est souvent faux, le résultat est accablant - Miossec ne peut que faire le malin en se riant (??) de Offspring ou des statues du parc (pourquoi ? j’avoue que je n’en sais rien). Curieusement, avec son feutre, son physique émacié, sa posture perpétuellement voutée, et son orchestre un poil "classique" (cordes, contrebasse), Miossec me fait penser à un Leonard Cohen, mais un Cohen à qui il manque la sagesse des années - remplacée par la brûlure des excès d'alcool ? - et, justement, la voix. Je frissonne de tristesse sur une version lamentable de Regarde Un Peu la France, un morceau que je me souviens avoir beaucoup aimé, à l’époque de "-boire-". Je dois par contre reconnaître, par honnêteté, qu’il y a eu au cours du set quelques moments intéressants, comme A l’Attaque, morceau pendant lequel Miossec réussit enfin à nous faire passer quelque chose de sa rage, de son malaise. J’ai toutefois eu l’impression que le set fut écourté, sans doute du fait de l’impossibilité de rivaliser avec Offspring, et nous n’eûmes droit qu’à une seule chanson en rappel, Brest, qui aura sans doute contenté les nombreux Bretons présents. Personnellement, je me serai déjà rabattu sur mon sandwich à la raclette (pas très bon non plus).
Mon premier Rock en Seine. Et cela une année où il n’y a aucune tête d’affiche indiscutable comme c’est d’habitude le cas… Kasabian a été programmé pour clôturer cette première journée, alors qu’il s’agit quand même d’un groupe pas si célèbre que cela en France, et il y a une certaine incertitude quant à leur capacité à relever le défi…
Alors que Clément, Virginie et moi avons réussi à nous placer sans aucune difficulté au premier rang, sur la droite de l’immense Grande Scène, devant la sono, Kasabian déboule à 23h00, avec cinq minutes d’avance sur le programme, sur des chants aux sonorités africaines : Tom Meighan et Sergio Pizzorno sont visiblement pressés d’en découdre, et de prouver qu’ils sont bien désormais au sommet. Tom a son look habituel de laddie très casual, mais il est impossible de ne pas noter les kilos en plus et les cheveux en moins : petite barbe et lunettes noires, Tom reste toutefois égal à lui-même, même s’il nous a paru nettement, mais nettement moins arrogant qu’auparavant. Au contraire, l’une des caractéristiques les plus agréables de ce set de près de 1h30 sera la bonne humeur et la sympathie qui se dégagera du groupe, et en particulier de l’amitié chaleureuse, évidente, entre Tom et Sergio (c’est assez rare dans un groupe bicéphale pour le signaler !). Sergio, vêtu d’une combinaison moulante noire portant un squelette stylisé, les cheveux longs pris dans un bandeau, semble lui au contraire éternellement jeune, et en tous cas bien plus forme qu’à une époque (une meilleure hygiène de vie ?) : ce sera lui ce soir qui fera vraiment le show. Sinon, comme toujours avec Kasabian, on a Ian Matthews, le batteur enrobé à la frappe colossale, pachydermique, et Jay Mehler le second guitariste virtuose qui étoffe remarquablement la musique, et est responsable de l’aspect le plus « rock » du set. Les autres musiciens sont un peu plus discrets, mais contribuent à créer cette musique désormais monstrueuse qui va soulever ce soir le public au-delà de toute attente…
Car le show de ce soir est littéralement dantesque, que cela soit en termes de niveau sonore que de beats irrésistibles, chaque chanson devenant une sorte de monstre techno / dance auquel il est impossible de résister. Le cerveau martelé par la pulsion de la basse et les assauts soniques de la batterie, tout le monde danse dans la tourmente électronique. Oui, Kasabian, bien loin désormais de ses débuts brit pop dans la foulée d’Oasis, est un groupe complètement MODERNE, offrant une version décomplexée de dance music, passée au filtre de l’éternel rock psychédélique : « LET’S GO FUCKING MENTAL !!! » clame Tom, et les dizaines de milliers de spectateurs en face de lui opinent avec enthousiasme, avant de sauter sur place comme des déments. Les hits se succèdent sans répit, nous rappelant que Kasabian a aujourd’hui derrière lui une discographie que bien des groupes plus célébrés par la critique bien-pensante peuvent lui envier : de Bumblebeee en introfracassante(extrait de l’excellent « 48:13 » mal reçu en France), à Club Foot (les débuts, il y a déjà plus de dix ans) en passant par l’inusable Shoot the Runner, la décharge électrique ne faiblit pas. Une réserve cependant, les versions technoïdes d’aujourd’hui laminent évidemment la beauté mélodique de certains morceaux…
… Mais Tom et Sergio ne sont pas tombés de la dernière pluie, et savent comment contourner l’obstacle de nos dernières réticences : voici un break pop, avec le kinksien Thick as Thieves, enchaîné avec une version réussie du People are Strange des Doors, histoire de nous rassurer… Kasabian n’a pas complètement tourné le dos à la pop psychédélique.
Nous voilà prêts pour la dernière ligne droite, et cette fois, le bonheur ne sera obscurci d’aucun nuages : Treat et Switchblade Smiles confirment la grandeur de « 48 :13 », tandis que l’inépuisable Fire fédère forcément la foule et amène des sourires sur tous les visages.
Rappel parfait : après l’excellent Stevie (pour moi le meilleur titre du dernier album), voici venu le temps de Vlad the Impaler ! C’est parfait, c’est la pleine lune ce soir, il y a un mec aux allures de vampire bien déchiré qui fait le clown sur la scène (on me dira plus tard qu’il s’agissait de Noel Fielding, un « humoriste » anglais… d’accord !), et tout le monde s’en fout, puisqu’on est tous en train de danser et de brailler. On se quitte sur LSF, et un joli moment presque intime qui voit Sergio et Tom assis sur les escaliers de la scène, se renouvelant leurs vœux d’amitié éternelle. L’arrogance des débuts effacée par l’expérience, Kasabian se distingue aujourd’hui par la force de leur « vision » d’une musique vraiment populaire brisant les barrières entre rock et électro, et par leur indiscutable talent à composer de grandes chansons.
Belle conclusion pour cette belle journée… Il ne nous reste maintenant qu’à galérer pendant une paire d’heures pour rentrer chez nous, dans l’indifférence assourdissante des transports en commun et des taxis parisiens qui ne semblent pas percuter qu’il y a des milliers d’usagers et / ou de clients perdus dans la nuit de St Cloud. »
La setlist du concert de Benjamin Clementine :
Nemesis (At Least For Now – 2015)
Condolence (At Least For Now – 2015)
Winston Churchill’s Boy (At Least For Now – 2015)
Adios (At Least For Now – 2015)
London (At Least For Now – 2015)
Drum Solo
Beady Buses (new song)
I Won't Complain (Cornerstone EP – 2014)
La setlist du concert de FFS :
Johnny Delusional (FFS – 2015)
The Man Without A Tan (FFS – 2015)
Police Encounters (FFS – 2015)
Achoo (Sparks cover)
Do You Want To (Franz Ferdinand cover)
Collaborations Don't Work (FFS – 2015)
Walk Away (Franz Ferdinand cover)
When Do I Get to Sing "My Way" (Sparks cover)
Call Girl (FFS – 2015)
So Desu Ne (FFS – 2015)
The Number One Song in Heaven (Sparks cover)
Michael (Franz Ferdinand cover)
This Town Ain't Big Enough for Both of Us (Sparks cover)
Dictator's Son (FFS – 2015)
Take Me Out (Franz Ferdinand cover)
Piss Off (FFS – 2015)
La setlist du concert de Miossec :
Bête, comme j'étais avant (Ici-bas, ici même – 2014)
Nos morts (Ici-bas, ici même – 2014)
Répondez par oui ou par non (Ici-bas, ici même – 2014)
La fidélité (Baiser – 1997)
Le Plaisir, les Poisons (Ici-bas, ici même – 2014)
Regarde un peu la France (Boire – 1995)
Le défroqué (Brûle – 2001)
À l'attaque ! (Ici-bas, ici même – 2014)
A Montparnasse (Finistériens – 2009)
La Mélancolie (L’étreinte – 2006)
Des touristes (Ici-bas, ici même – 2014)
Encore:
Brest (1964 – 2004)
Que devient ton poing quand tu tends les doigts (Boire – 1995)
La setlist du concert de Kasabian :
Bumblebeee (48:13 – 2014)
Shoot the Runner (Empire – 2006)
Eez-Eh (48:13 – 2014)
Underdog (West Ryder Pauper Lunatic Asylum – 2009)
Days Are Forgotten (Velociraptor! – 2011)
Club Foot (Kasabian – 2004)
Re‐Wired (Velociraptor! – 2011) - World Up! Outro
Thick as Thieves (West Ryder Pauper Lunatic Asylum – 2009)
People Are Strange (The Doors cover)
Treat (48:13 – 2014)
Switchblade Smiles (Velociraptor! – 2011)
Pinch Roller (Kasabian – 2004)
Empire (Empire – 2006)
Fire (West Ryder Pauper Lunatic Asylum – 2009)
Encore:
Stevie (48:13 – 2014)
Vlad the Impaler (with Noel Fielding) (West Ryder Pauper Lunatic Asylum – 2009)
Praise You (Fatboy Slim cover)
L.S.F. (Lost Souls Forever) (Kasabian – 2004)