FFS - Vendredi 27 Juin 2015 - Bataclan (Paris)
« Bon, ne lésinons pas pour une fois sur les superlatifs : FFS, c'est l'événement de l'année Rock 2015, ni plus ni moins. L'un des meilleurs groupes de l'histoire du Rock (et pas seulement du "rock déviant", ha ha), Sparks, se mariant (ne parlons pas de collaboration, puisque FFS le clame haut et fort : "les collaborations, ça ne marche pas ; nous ne sommes pas des collaborateurs !") avec les Grands Ducs de la pop à guitares du XXIe siècle, Franz Ferdinand ! Et avec un (premier) album impeccable, contre toute attente, en plus. Pas question donc de louper le concert au Bataclan, et de ne pas être au premier rang.
Arrivée à 15 heures, mince ! il y a déjà un groupe de gens qui squattent l'entrée... plus qu'à prendre mon mal en patience, un bon bouquin à la main, alors que Paris transpire sous les 30 degrés d'un été qui a démarré au quart de tour. Ron et Russell débarquent, petit signe de la main aux fans, bon... Alex est beaucoup plus affable, quelques minutes plus tard : il s'attarde un moment avec les jeunes filles en transe, un petit mot gentil, un sourire pour chacune (et chacun, quand même !). Sympathique, le Kapranos !
Clément et Virginie arrivent à 18 heures, Clément me raconte le set quasi légendaire déjà de FFS à la Maison de la Radio pour la Fête de la Musique. Ça promet pour ce soir. Ron et Alex donnent une interview à la terrasse du Café du Bataclan, à quelques mètres de la queue, où la tension monte. 19 heures, les portes ouvrent dans un chaos total, je reconnais bien la France après tant d'années passées à l'étranger ! Mais bon, j'assure le premier rang, bien sur la droite certes : mais la barrière est installée assez loin de la scène, pour permettre le passage des caméras, le concert étant filmé ce soir pour Arte... ce qui a l'avantage d'offrir d'où je suis une excellente vue sur toute la scène.
20 h : Bon Voyage Organisation (mais où vont-ils chercher ça ?) nous attaquent avec des stridences free (clarinette) et une intro ridicule de leur chanteuse (?). Et c'est parti pour une courte de demi-heure de "voyage" funky et progressif à la fois, porté par une section rythmique impeccable et traversé de cris divers et variés d'instruments à vent ou de la chanteuse (?) à grande bouche. Bon, ça pulse bien, ce qui est loin d'être déplaisant, avec un côté rétro fin des années 70, mais c'est malgré tout terriblement anodin. Aussitôt entendu, aussitôt oublié.
Comme on pouvait s’y attendre, le public du Bataclan est « mélangé » ce soir, ou tout au moins on y trouve une représentation de toutes les tranches d’âges, des jeunes femmes qui se pâment pour Alex et Nick – et qui visiblement n’ont jamais entendu de leur vie This Town Ain’t Big Enough For the Both of Us, ou Number 1 Song in Heaven – jusqu’à des couples bien plus mûrs qui ne loupent jamais un passage des frères Mael en ville. Le mélange est aussi « politique » puisque les petits couples gays sont nombreux, alors que Clem me confirmera à la fin la présence de Frigide Barjot, la « militante chrétienne », comme à l’Alhambra lors du dernier passage de Sparks… (sans commentaire).
21 h : FFS sont là, et attaquent avec Johnny Delusional, une chanson dont j’ai mis un certain temps à percevoir la « grandeur », je l’avoue, et que je trouve ce soir totalement dévastatrice. L’impact émotionnel est immédiat, le frisson du grand concert me parcourt l’échine, c’est parti : le public est déjà aux anges, les voix de Russell et d’Alex sont impeccablement mêlées, ce qui permet de cacher en plus l’habituelle imprécision de ce dernier, le son est très fort mais clair, la soirée promet d’être parfaite. The Man Without A Tan, véritable pilule de bonne humeur, fait monter l’ambiance d’un cran, ça pogote déjà pas mal au centre, là où Virginie est allée s’aventurer. Russell, Alex et Nick sont un véritable « power trio », ils semblent tous les trois s’amuser comme des fous, et attirent tous les regards. Ron est évidemment égal à lui-même, imperturbable et pourtant impérial aux claviers qu’il assure tout seul contrairement au disque, puisque Nick sera quasiment toujours le seul guitariste, Alex se concentrant sur le chant : cette distribution des rôles change clairement le son de Franz Ferdinand sur scène, et contribue à l’illusion FFS, le sentiment d’avoir à faire à un groupe différent, et non pas simplement FF jouant avec Sparks, comme on pouvait le craindre. Néanmoins, je trouve Bob et Paul particulièrement renfermés, surtout par rapport à la jubilation de Russell et d’Alex, et je me demande si cette aventure musicale est tellement à leur goût !
Do You Want To, assénée sans trop de subtilité (ce sera la seule exception ce soir à un projet qui raffine clairement le spectre musical de Franz Ferdinand), fait exploser de joie toutes les ados et post ados qui sont là, il faut l’admettre, en espérant un set de Franz Ferdinand, un point c’est tout, et qui sortiront donc, je pense, un tantinet déçues une heure et quart plus tard. Russell se délecte visiblement de pouvoir participer à ce genre de grande effusion populaire, après tant d’années à officier devant un public passionné mais réduit. Little Guy From the Suburbs continue à être pour moins une énigme, puisqu’on n’y retrouve ni la grâce baroque de Sparks, ni la tension nerveuse de FF, et ne peut donc qu’être qualifiée de « chanson d’Alex » tant ce dernier paraît mettre du cœur dans ce récit inspiré paraît-il des souvenirs de Mesrine. Dictator’s Son est par contre un pur joyau aux éclats bizarres, et la version live tape vraiment fort : deuxième moment de plaisir intense pour une grande partie du public !
Things I won’t Get permet à Nick de pousser sa rengaine, ce n’est comme toujours pas très brillant (de méchantes gens autour de Clément, près de la console, se mettront apparemment à huer Nick à ce moment-là), mais Russell fournit l’aide technique et émotionnelle pour que tout se passe bien. So Desu Ne, hilarante chanson paradoxale (“Nothing but a Kenzo kimono on / Carrying a Hello Kitty Uzi”, ce genre…) est traitée loin du dance floor (Clément en sera déçu) comme une comptine pop aux claviers (tout le monde aux claviers, oui ! ce qui me permet une belle photo de groupe autour des keyboards de Ron). The Number One Song in Heaven est impeccable, avec cette fois un Alex qui semble ravi comme un gamin dans une boutique de friandises de pouvoir mêler sa voix à celle de Russell sur ce classique disco absolu. A la fin, les musiciens de lancent dans un passage aux percussions, de manière à nous offrir notre « Ron Moment » de la soirée, cet intervalle trop bref d’une danse surréaliste de Ron, grimaçant comme un dément, que les fans de Sparks connaissent bien et attendent toujours avec excitation.
On entre alors dans la dernière ligne droite du set, celle de haute intensité… Jugez-en : une version magnifique de Michael, où les claviers de Ron et la voix de Russell portent cette grande chanson de Franz Ferdinand encore plus haut. Nick en profite pour aller surfer avec sa guitare sur la foule, l’hystérie est tangible dans le Bataclan où la température atteint le niveau insoutenable coutumier. This Town Ain’t Big Enough est évidemment imparable avec l’énergie de Franz Ferdinand mise au service d’une telle chanson : sans doute LA version live parfaite de cet immense, cet impérissable morceau ! Police Encouters est un nouveau shot de joie simple, et Take Me Out provoque le raz de marée attendu dans la salle, avec Ron qui rajoute du clavecin par là-dessus. Piss Off est un au revoir parfait, à la fois drôle et saignant. Une heure seulement… Mais il nous reste heureusement le rappel.
Un rappel qui démarre dans la beauté et l’harmonie (vocale) avec un When Do I get to Sing My Way roboratif, suivi d’une excellente version de Call Girl, bien supérieure à celle de l’album du fait de la guitare funky de Nick, rendant le titre plus rêche, moins lisse. On se quitte avec une théâtralisation complice et hilarante de Collaborations Don’t Work, un morceau baroque qui prend tout son sens avec les luttes de pouvoir illustrées sur scène par les musiciens, un dernier grand moment. Et c’est fini.
Grande joie donc que cette soirée, à la fois originale – oui, le projet FFS aura bien été à date la chose musicale la plus excitante de 2015 – et parfaitement satisfaisante, tant techniquement (quel groupe cela fait !) qu’intellectuellement (quel étalage d’intelligence dans la construction des chansons, des textes, et dans leur interprétation !). Du coup, j’ai hâte de les revoir, et ça sera dans deux mois à Rock en Seine. »
Les musiciens de FFS sur scène :
Alex Kapranos – lead vocals, backing vocals, guitar
Nick McCarthy – guitar, keyboards, lead vocals, backing vocals
Bob Hardy – bass
Paul Thomson – drums and percussion
Russell Mael – lead vocals, backing vocals
Ron Mael – keyboards
La setlist du concert de FFS :
Johnny Delusional (FFS – 2015)
The Man Without A Tan (FFS – 2015)
Save Me from Myself (FFS – 2015)
Do You Want To (Franz Ferdinand cover)
Little Guy From The Suburbs (FFS – 2015)
Dictator's Son (FFS – 2015)
The Power Couple (FFS – 2015)
Things I Won't Get (FFS – 2015)
So Desu Ne (FFS – 2015)
The Number One Song in Heaven (Sparks cover)
Michael (Franz Ferdinand cover)
This Town Ain't Big Enough for Both of Us (Sparks cover)
Police Encounters (FFS – 2015)
Take Me Out (Franz Ferdinand cover)
Piss Off (FFS – 2015)
Encore:
When Do I Get to Sing "My Way" (Sparks cover)
Call Girl (FFS – 2015)
Collaborations Don't Work (FFS – 2015)