Devo - Dimanche 19 Novembre 1978 - Le Palace (Paris)
Sommes-nous humains ? Non, nous sommes « Devo » ! Sans doute l’une des phrases marquantes de cette année rock 1978. Grosse rumeur autour du groupe punk-farfelu d’Akron (capitale américaine du caoutchouc), inventeur du concept marrant de « devolution » (la désévolution…), et excitation générale dans les rédactions des journaux rock. Devo est-il le futur du rock ? Ou bien au contraire représente-t-il une autre manière d’être nostalgiques du beau passé de notre musique, ce qui est la théorie d’Yves Adrien ? En tous cas, le Palace, dans lequel je pénètre pour la première fois ce soir, lieu fameux des nuits parisiennes branchées, est bondé de jeunes gens modernes qui viennent voir de quoi il retourne : coup de bluff ou vrai groupe d’avenir ?
Nous arrivons malgré tout à assurer quasi le premier rang ce soir, ce qui est important vu le côté « visuel » indéniable de ce groupe particulier : les combinaisons (de papier) jaune, les couvre-chefs divers et variés – depuis des pots de fleurs retournés sur la tête jusqu’à des casques -, les lunettes futuristes, les musiciens alignés en rang d’oignon avec un air assez stupide face au public… Devo correspond bien à ce que nous attendions / craignions : une sorte de spectacle un peu au second degré – pas ce que je préfère personnellement – nourri de mélodies surf ou électroniques, sur des rythmes robotiques, (heureusement) régulièrement frénétiques !
Après une intro de sirènes hurlantes, le set démarre en trombe sur deux morceaux que je ne connais pas (de nouveaux titres pour le prochain album ?) mais qui ne déparent pas par rapport à ce que nous connaissons du groupe : le second (Pink Pussycat ?) étant assorti de cris d’animaux du plus bel effet ! Mais c’est évidemment la relecture décalée – et encore plus rapide que sur le disque - du Satisfaction des Stones qui lance l’ambiance, même si, personnellement, j’ai encore un peu de mal à me laisser aller : même si j’apprécie le déphasage volontaire du « show Devo » avec le débraillé et l’anarchie punk britannique, mon cœur balance plus en ce moment vers la libération des pulsions que vers la mise en scène ironique des mythes.
Nous avons ensuite droit à la quasi-totalité du premier album, et c’est à partir du furieux – et bien nommé - Uncontrollable Urge que le déclic se produit en moi, alors que le pogo se déchaîne dans la salle. Le synthé parodique de Mongoloid lance le titre le plus commercial de Devo, peut-être un futur grand classique ? « Are We Not Men? » clame Mothersbaugh : « We are Devo! », répondons-nous tous en chœur, bien évidemment ! L’hymne Jocko Homo résonne dans un Palace un peu trop rempli ce soir par l’élite branchée de Paris, qui est plus là pour observer LE groupe à la mode sur scène qu’un public rock « normal » décidé à bien s’amuser à tout prix. Le final robotique et accéléré de la chanson, le jeu des questions et réponses, font quand même exploser la salle. « Fabuleux », crie un mec à côté de moi !
Petit break avec un nouveau morceau inconnu,… même si on est encore « à fond la caisse ! ». Heureusement que la fin (déjà ?) du set principal est une tuerie, avec un Sloppy bien déjanté(« Ils sont complètement frappés ! »)
« All Right ! Don’t think this is music ! » : le rappel commence avec la formidable reprise robotique de Johnny Be Goode : Come Back Jonee, et s’envole – pour mon plus grand bonheur - avec le fantastique Gut Feeling, mon morceau préféré de l’album et qui sera donc le meilleur moment pour moi du set. La combinaison jaune de Mark Mothersbaugh a été lacérée, et au premier rang, les fans les plus énervés s’en sont arraché les morceaux : Rock’n’Roll ! En conclusion, la sono débite un drôle d’hymne quasi moyen-âgeux. « Duty Now for the Future, Paris ! »
« Voulez-vous Booji Boy ? » hurle Mothersbaugh en français. Mark porte le masque infantile de la nouvelle mascotte du groupe, et c’est donc Booji Boy (prononcez « Boogie Boy ») qui joue le second rappel ! Deux nouveaux morceaux, chantés d’une voix de fausset… ce qui n’est pas le meilleur moyen de faire basculer la salle d’hystérie, mais prouve que le groupe n’est jamais à court d’idées originales... Booji Boy termine le spectacle par un discours gentil clamant son amour pour nous, les Parisiens (… même si « les mots restent coincés dans sa gorge »),… et une sorte de crise de nerfs !!!
On sortira donc du Palace ce soir, après une trop courte heure de set, à la fois convaincus par la punkitude indiscutable du groupe et un peu interloqués par leur créativité : Devo est un groupe singulier, et cette singularité fait leur prix. Réussiront-ils néanmoins à tenir, à grandir, à passer à la vitesse supérieure, à ne pas paraître un éphémère coup de marketing ? Je suppose que nous le saurons à la sortie du second album…
Les musiciens de Devo sur scène :
Mark Mothersbaugh – voix, synthé
Bob Casale – guitare
Gerald Casale – basse, voix
Bob Mothersbaugh – guitare
Alan Meyers - batterie
La setlist du concert de Devo :
Wiggly World (new song)
Pink Pussycat (new song)
(I Can't Get No) Satisfaction (The Rolling Stones cover) (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Too Much Paranoias (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Praying Hands (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Uncontrollable Urge (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Mongoloid (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Jocko Homo (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Smart Patrol/Mr. DNA (new song)
Sloppy (I Saw My Baby Gettin') (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Encore :
Come Back Jonee (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
Gut Feeling (Slap Your Mammy) (Q: Are We Not Men ? A: We Are Devo ! – 1978)
DEVO Corporate Anthem (on tape)
Encore 2:
Red Eye Express (new song)
The Words Get Stuck In My Throat (new song)