Anna Calvi / The Pains of Being Pure At Heart / Wild Beasts (Día de la Música) - Samedi 18 Juin 2011 - El Matadero (Madrid)
« Moi, je n'aime pas les festivals. Trop de monde, trop chaud (c'est l'été, en général...), trop de galères pour arriver à être bien placé, trop peu de temps pour chaque artiste, trop peu de fans, dilués qu'ils sont au milieu de la masse, pour animer les sets des groupes moins connus, et au final trop de cirque et tout simplement pas assez de rock. Les copains essayent toujours de me convaincre d'y aller, je me défile systématiquement au dernier moment ! Mais bon, ce premier semestre rock à Madrid ayant été plutôt comateux, j'ai quand même pris une entrée ce samedi pour aller voir Anna Calvi qui ouvre plus ou moins un Día de la Música Heineken par ailleurs largement dédié à la scène musicale espagnole - qui ne me passionne pas outre mesure... Le fait est que je suis vraiment curieux de voir Anna Calvi en concert, avec tous les éloges qu'elle reçoit pour ses performances live, même de la part de gens qui, comme moi, n'ont pas été convaincus outre mesure par son premier album.
Juan Carlos et moi sortons plus ou moins en même temps du métro Legazpi, à deux pas du magnifique site du Matadero (les anciens abattoirs de Madrid) où a lieu le festival. Après un peu de confusion pour comprendre l'organisation du site, nous faisons la queue pour nous faire poser le bracelet-passe pour les 2 jours (en fait, je ne crois pas que je reviendrai demain, la programmation n'étant pas trop excitante...).
Débute alors une longue attente de une heure et quart devant la Grande Scène, sur la place centrale du Matadero : on tue le temps en conversant, Juan Carlos et moi, une Heineken à la main... Nous sommes d'ailleurs les seuls au soleil, placés plein centre. Tout le monde - enfin il n'y a pas trop de monde pour le moment - patiente assis à l'ombre... Pfff! Et ça se prétend rockers !
18 h 15: Un type de la télé nous annonce "l'une des artistes les plus prometteuses de 2011, une future grande, pour la première fois en Espagne : vous vous souviendrez du 18 juin 2011 !"... Acceptons en l'augure... Je dois dire quand même que moi, vieux routier basé, je sens un frisson qui me court sur l’échine, une excitation que j’avais presque oubliée : Anna Calvi sur scène ! Oui, elle est là, pour une intro solo (Rider To The Sea…) déjà époustouflante, sur la Fender Jaguar toute dépouillée, toute rayée. Tenue de scène "anti-conformiste" (je veux dire, pas « rock » pour un sou), sophistiquée, élégante, très soignée, pantalon noir, chemisier rouge, chignon serré qui configure une vraie sévérité à son visage de poupée gracieuse, Anna Calvi se pose d’emblée comme une artiste « à part ». Avec elle, deux musiciens seulement, un batteur au faux look de Ewan McGregor, et une seconde jeune femme discrète responsable de tout un tas d'instruments et de percussions destinés à étoffer les chansons un peu squelettiques d’Anna. A noter aussi l’appui d'un second guitariste qui interviendra sur trois morceaux, quand Anna Calvi se concentrera elle sur son chant (magnifique, lyrique, puissant, bien plus impressionnant que sur l’album…). Alors que je craignais l’effet « plein air », le son est excellent, fort et clair, il n’y aura pas de souci de ce côté-là... Premier moment d'extase, I'll be your Man, à en crier de bonheur !!
On reprend notre souffle avec la reprise très classe du Surrender de Presley, c’est une performance vocale remarquable que nous livre Anna, sur les traces du crooner de las Vegas. On frémit à nouveau avec l’intro (accordéon à soufflet) et l’amplitude que prend Desire sur scène… Puis, c’est Jezebel et l’excitation du public (encore maigre à cette heure, malheureusement…) qui monte… Et puis,… Anna nous annonce déjà la fin ! Non ! C’est peu, c’est trop peu ! Heureusement, le dernier morceau, c’est Love won’t Be leaving, avec au milieu, une partie de guitare – je n’ai pas envie d’appeler ça un solo, ça fait trop « guitar hero ») d'abord fascinante, puis peu à peu enthousiasmante, avant de devenir terrassante. Brutale puis fluide, puis sauvage, puis enflammée. Sous le soleil de Madrid, j'ai l'impression d'être en train d'assister à l'apparition de Jimi Hendrix à Woodstock ! C'est dire le niveau... Oui, comme le notait mon ami Gilles lors de son récent passage à Paris, c'est déjà un moment "classique" de l’histoire de notre musique, de l’histoire du rock. Wish You Were Here, mes amis, tous mes amis, pour vivre ça avec Juan Carlos et moi ! Et puis, et puis… Anna quitte la scène, 34 minutes seulement se sont écoulées, et il n'y a pas de rappel prévu ! Mais peu importe, ces 34 minutes de musique hantée, magique, auront parmi les plus belles vécues cette saison.
J’avais prévu de rentrer à la maison, mais il fait si beau. Juan Carlos et moi décidons donc de rester devant la grande scène, le Escenario rtve.es, pour le set de The Pains of Being Pure At Heart, prévu pour 19 heures. Une autre heure d’attente, mais le soleil est plus bas, on brûle moins, tout va bien...
The Pains of Being Pure At Heart, je vais être clair, je ne trouve pas que ce soit un groupe très intéressant : des jeunes gens propres sur eux qui jouent du noisy pop d'un autre âge, sorti tout droit des années 80 (Remember The Primitives ?), avec une efficacité et une puissance toute américaine, ce qui, au final, désamorce l'intérêt d'une musique faite pour être frêle, ou au moins maladroite. Je ne connais que le premier album, qui m’avais laissé un peu dubitatif, et je reconnaitrai donc que quelques morceaux assez jolis d'ailleurs… mais les nouvelles chansons restent clairement dans le même esprit... Et au final, malgré (ou peut-être à cause de) un son très fort, qui a tendance à tout laminer, toutes les chansons se ressemblent, elles s’enchainent sans qu’il se passe quelque chose de nouveau sur scène : résultat, au bout d'une demi-heure, on s'ennuie un peu, même s’il est impossible de trouver ça mauvais. C’est juste que, après la brûlure d’Anna Calvi, ce rock indie a un goût fade de redite. Autour de Juan-Carlos et moi, pourtant, le public - maintenant très nombreux - semble vraiment apprécier le concert. Mon esprit dérive gentiment, je dois reconnaître que l'organiste chinoise (Peggy Wang) est jolie et souriante, que Kip Berman a la voix blanche et la mine sombre comme il faut pour ce genre de musique, que le second guitariste et le bassiste jouent bien, rock et tout, mais… et après ?... Oui, j’ai déjà trop entendu tout cela pour y trouver encore de l'intérêt. Au bout de 40 minutes, The Pain of Being Pure At Heart se retirent, il n'y aura pas de rappel. Je sais que c’est un groupe que je ne suivrai pas plus loin.
Nous avons une dizaine de minutes pour nous rapatrier à toute allure vers la seconde scène, entradas.com, et ne pas manquer le début du set de Wild Beasts, un groupe que les copains et moi sommes avons totalement manqué, alors que le buzz se fait de plus en plus insistant. Cinq minutes pour téléphoner et rassurer nos moitiés quant à notre existence, cinq minutes pendant lesquelles la mini-Anna Calvi passe à côté de nous (rage ! désespoir ! j’aurais bien aimé une photo de fan !), et le set de Wild Beasts débute. Autant l’avouer, le démarrage est un peu déroutant, avec ces claviers, ces percussions plus night-club que tribales, cette voix bizarre de fausset (presque opératique par instants, néanmoins…) de Hayden Thorpe… On ne sait pas trop ce qu’on écoute, mais après le cruel bégaiement de The Pains Of being Pure At Heart, c’est un bonheur que d’être à nouveau dans l’inconnu. Peu à peu, on sent la musique prendre forme devant nous, une sorte d’esprit de fête règne sur le public, tout le monde se trémousse de joie, les rythmes me rappellent un peu mes chers Talking Heads, il y a des guitares qui soudain rugissent, il y a des mélodies pop, il y a surtout un « toucher » musical magnifique de la part des musiciens, une sorte de sensibilité, de précision dans l’interprétation qui élève cette musique bien au dessus de ce que nous écoutons couramment. Tous les fans se déchaînent sur le tube du groupe (Brave Bulging Buoyant Clairvoyants), et là c’est gagné : le set se termine par l’enchaînement de trois morceaux irrésistibles (dont Hooting & Howling and All The King’s Men, je crois, mais je ne peux pas être sûr…). 55 minutes d’un set impeccable et surprenant, une belle découverte, un beau groupe.
Il est 22 heures, Juan Carlos et moi quittons l’enceinte du festival alors que, curieusement, des centaines de personnes font encore la queue dans la rue pour y pénétrer, a priori pour profiter d’un groupe espagnol à la mode. Quant à nous, nous sommes plus que satisfaits de notre après-midi ! »
Les musiciens de The Pains of Being Pure At Heart :
Kip Berman – guitar, vocals
Kurt Feldman – drums, percussion
Christopher Hochheim – guitar
Alex Naidus – bass, background vocals
Peggy Wang - keyboards, vocals
La setlist du concert de The Pains of Being Pure At Heart :
Belong (Belong – 2011)
Heart In Your Heartbreak (Belong – 2011)
Stay Alive (TPOBPAH – 2009)
The Body (Belong – 2011)
Heaven's Gonna Happen Now (Belong – 2011)
My Terrible Friend (Belong – 2011)
This Love Is Fucking Right! (TPOBPAH – 2009)
Come Saturday (TPOBPAH – 2009)
Young Adult Friction (TPOBPAH – 2009)
Everything With You (TPOBPAH – 2009)