Arcade Fire - Samedi 20 Novembre 2010 - Palacio de Deportes (Madrid)
« Même si une vie, ça peut paraître long (bientôt 38 ans qu’elle a été « sauvée » par le rock’n’rol, oui, cher Lou, ma vie), il n’y a pas tant que ça de groupes ou d’artistes qui comptent vraiment dans une vie, une vingtaine peut-être ? Je ne dresserai pas de liste ici, ce n’est pas le propos, je veux juste dire que, depuis 2004-2005, Arcade Fire s’est hissé dans cette liste, à force d’albums incomparables et de concerts dévastateurs. Arcade Fire, peut-être le seul groupe actuel qui fasse encore éclore en notre coeur la petite flamme de l’excitation un peu puérile qui nous emplissait, dans les années 70 ou 80, quand nous entrions dans une salle de concert. L’événement de l’année à Madrid, en tout cas, et ce, quelle que soit la force de la concurrence, très rude en 2010 (pensons seulement à !!! ou à These New Puritans au cours de ces dernières semaines). Pour cet événement, les amis sont venus de France – Solange, Jean-Pierre et Gilles B., dans un périple « Arcade Firien » à travers l’Espagne et la France – comme de Madrid – Luis, Juan Carlos, Inés, Sophie... Il ne manque que Yannick à l’appel, mais il sera à Barcelone le lendemain soir. Pour cet événement, notre petite bande n’est malheureusement pas seule, il y a environ 12.000 personnes qui viennent célébrer avec nous le groupe le plus novateur et le plus enchanteur de la décennie, dans l’arène du Palacio de Deportes...
Même en arrivant relativement tôt – Juan Carlos se pointe le premier à 17 h 30 – le premier rang est loin d’être assuré, car les différentes entrées du Palacio de Deportes sont déjà occupées. Nous attendons patiemment les 19 h dans la queue qui s’étire Calle Goya, et nous lançons de toutes nos forces dans la course vers la scène à travers le labyrinthe du Palacio quand les portes s’ouvrent. Juan Carlos se perd dans les couloirs, je suis finalement le premier à toucher la barrière devant la scène, malgré le service d’ordre qui a visiblement reçu des instructions strictes d’empêcher les fans de courir... Beaucoup trop sur la gauche, mais au premier rang quand même. Il ne reste plus qu’à attendre...
20 h 20 : cinq minutes de retard seulement pour les canadiens punks de Fucked Up, malgré le fait qu’ils ne sont arrivés que voici moins d’une demi-heure... ! Ceci dit, ils auraient mieux fait de ne pas venir du tout, tant leur punk hardcore est peu inspiré et rapidement pénible. Les membres du groupe (trois guitares quand même !) ont tous un look on ne peut plus ordinaire, sauf le chanteur, hurleur obèse qui, forcément, attire les regards. J’appellerais ça le syndrome Beth Ditto, mais en tous cas, c’est sympathique de voir ce genre de physique – que d’aucuns ont le droit de trouver repoussant – exhibé sans complexes, et non sans un vrai sens du spectacle (voir lorsque le « monstre » s’enroule son fil de micro autour de la tête). Dommage donc que la musique soit aussi inintéressante, voire désagréable. Et cette plaisanterie trop longue va durer près de 40 minutes quand même, ce qui est une vraie épreuve pour notre bonne volonté. Un dernier morceau un peu meilleur (plus rapide), et les voilà partis. Je suis fatigué à l’avance à l’idée que je vais devoir les revoir demain à Barcelone. Je suis aussi inquiet, car le son s’est avéré particulièrement mauvais, avec une voix peu audible, et beaucoup de distorsions. Tout cela ne laisse rien présager de bon.
21 h 45 : quinze minutes de retard pour Arcade Fire, et le public madrilène, nous y compris, est relativement de mauvaise humeur dans ce Palacio de Deportes plein comme un œuf. Une mauvaise humeur qui ne peut que disparaître instantanément quand le groupe attaque Ready To Start : si le son est presque aussi mauvais qu’on le craignait – les voix sont audibles, mais l’ensemble des instruments est noyé dans un brouhaha distordu, avec de plus, là où nous sommes placés, une basse qui couvre exagérément tout le reste -, toute la beauté et la force d’Arcade Fire explose dès les premières minutes, et tous les doutes s‘envolent. Brillance des chansons, toutes mélodiquement impeccables, énergie exaltée portant presque chaque titre à l’extase, générosité intacte d’un groupe de musiciens qui donnent depuis six ans le meilleur d’eux-mêmes, et semblent avoir gardé la fougue et la foi de leurs débuts, Arcade Fire, contre toute attente, reste le groupe exceptionnel qu’il a été depuis le début. Pas d’usure, pas de redite, pas de faux semblants, un groupe véritablement hors du commun. Et le public madrilène ne s’y trompe pas, qui entre en transe depuis les premiers accords, et y restera durant les 93 minutes qui vont suivre...
La première demi-heure sera un véritable rouleau compresseur d’émotions fortes : Month Of May tellurique, Laika qui nous rappelle que « Funeral » est une mine inépuisable de sensations fortes, No Cars Go en premier « crowd pleaser » qui permet à tout le monde de chanter en chœur et en levant les bras au ciel (un exercice très bon pour la santé et le moral, que nous répéterons à satiété ce soir), puis Haiti – pour finir le sprint d’ouverture – avec la belle Régine en transe pour son pays (un euro de chaque entrée est donnée à un fond d’aide à l’ile martyre). J’oserais dire qu’on est déjà tous comblés, alors qu’il reste une heure de set, mais c’est le moindre qu’on puisse attendre d’Arcade Fire, non ?
On entre alors dans la partie plus « mesurée » du concert, que chacun apprécie plus ou moins en fonction de ses goûts : pour Juan Carlos, le Sprawl II très eighties de Régine l’a ravi, alors
que pour moi, j’attendais plus le menaçant et pixiesien Rococo. C’est en tout cas la partie du concert où la médiocrité du son fait le plus souffrir, car la beauté des chansons ou de la voix de Win sont constamment mises en danger par le manque de confort acoustique et les basses démesurées. Dommage... mais ce ne sera pas suffisant toutefois pour nous priver de notre plaisir. Le plus beau moment de cette partie du set restera indubitablement une version bouleversante de Crown of Love, que je ne souviens pas avoir jamais entendu joué de manière aussi sublime.
Tunnels nous fait pénétrer alors dans la dernière partie du set, celle où l’on attend le « miracle Arcade Fire », la grande communion barbare et primitive. Pour moi, ce soir, ce sera Keep The Car Running qui me fera le plus d’effet, un morceau imparable, mois évident peut-être que d’autres, mais absolument parfait ce soir. Juan Carlos et moi tombons dans les bras l’un de l’autre : c’est le bonheur ! La suite, la fin plutôt, sera conforme aux attentes : le public est à fond, le groupe aussi, dans un tourbillon incessant d’échanges d’instruments, de danses endiablées, d’avancées vers le public qui hurle de plus belle... L’enchaînement Power Out – Rebellion (Lies) fait encore monter la pression, et malgré que le son pourri ait transformé le grand happening de Rebellion en cacophonie générale, impossible de nier que le plaisir a été, une fois encore, total... Le rappel me paraît presque superflu après ça, avec une version une fois de plus décevante de Intervention, (seul moment un peu plus faible de la soirée avec Modern Man, lui aussi, trahi par l’acoustique), et l’évidence Wake Up, certes le symbole du triomphe Arcade Fire, mais une chanson qui me passionne moins que bien d’autres.
23 h 10 : les set lists nous échappent, mais nous arrivons à les photographier. C’est le moment des photos souvenirs, des embrassades, des grands sourires de satisfaction. Arcade Fire n’a a pas déçu ce soir, ni ceux qui les voyaient pour la première fois (Juan Carlos, Luis, Inés), ni tous les autres d’entre nous qui les portons dans notre cœur depuis tant d’années...
Demain : Barcelone ! »
La setlist du concert de Arcade Fire :
Ready to Start (The Suburbs – 2010)
Month of May (The Suburbs – 2010)
Neighborhood #2 (Laika)
No Cars Go (Neon Bible – 2007)
Haïti (Funeral – 2004)
Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) (The Suburbs – 2010)
Modern Man (The Suburbs – 2010)
Rococo (The Suburbs – 2010)
The Suburbs (The Suburbs – 2010)
The Suburbs (Continued) (The Suburbs – 2010)
Crown of Love (Funeral – 2004)
Neighborhood #1 (Tunnels) (Funeral – 2004)
Keep the Car Running (Neon Bible – 2007)
We Used to Wait (The Suburbs – 2010)
Neighborhood #3 (Power Out) (Funeral – 2004)
Rebellion (Lies) (Funeral – 2004)
Encore:
Intervention (Neon Bible – 2007)
Wake Up (Funeral – 2004)