Teleman - Lundi 18 Avril 2016 - Point Ephémère (Paris)
« 2014 avait été pour moi “l’année Teleman”, grâce au merveilleux album “Breakfast”, mais je n’avais pas pu voir le groupe sur scène à l’époque, du fait de ma localisation brésilienne. Ce sera donc une lacune rattrapée ce soir, le quatuor londonien présentant son nouvel album, “Brilliant Sanity” au Point Ephémère, devant un public de quadras visiblement passionnés – autant que moi – par cette musique pop extrêmement soignée et, il faut bien le reconnaître, capable de générer un bien-être assez exceptionnel (“feel good music” ?). Pas de problème pour assurer le premier rang malgré une arrivée tardive, personne ne se bousculant outre mesure devant la scène. A côté de Clément et moi, un couple belge charmant engagé dans le suivi systématique de la tournée de Teleman, ou tout au moins de son axe Bruxelles (hier) – Paris (ce soir) – Lille (demain). Comme quoi, cette musique très contrôlée engendre la passion !
20h30 : Ce sera donc la seconde fois en quelques mois que je verrai Meilyr Jones, après la première partie de Richard Hawley, et l’étoile du jeune Gallois est en train de monter, lentement mais sûrement. Ce soir, notre grand échalas à la voix d’or est vêtu de manière un peu moins curieuse, mais c’est bien dans le même registre original et déconstruit qu’il opère, avec une gentillesse assez désarmante d’ailleurs. Soutenu par les mêmes accompagnateurs multi-instrumentistes, qui semblent être plus des copains qu’un véritable backing band (il suffit de voir la plaisanterie à répétition autour de Mr. Jones, que Meilyr fait passer des claviers aux bongos et aux cuivres pour trois présentations successives !). N’accompagnant pas a priori systématiquement Meilyr, il leur arrive de sonner un peu “disjoints”, et certains morceaux gagneraient sans doute à avoir une assise un peu plus solide en live. C’est une petite réserve seulement, tant il est vrai que la musique de Meilyr part dans tous les sens, refuse les structures faciles et les gros effets (malgré le “gag” d’un riff façon Smoke on The Water à un moment), et se perd parfois un peu dans des ambiances en demi-teintes un peu dépressives. Néanmoins, à la fin d’un set de 45 minutes généreux et varié, le potentiel du jeune homme est bel et bien confirmé, et le public du Point Ephémère applaudit généreusement. Dommage quand même que la logistique du merchandising n’ait pas suivi et que le premier album de Meilyr n’ait pas été disponible. Une occasion manquée.
Les trente minutes d’installation du matériel de Teleman vont s’avérer assez édifiantes : outre le fait que ce sont les musiciens eux-mêmes qui sont à la manœuvre (pas en soi une rareté pour un groupe pas encore très connu), c’est surtout l’incroyable attention aux détails et le perfectionnisme extrême des musiciens qui va nous frapper : il est clair que nous avons ce soir affaire à des musiciens “sérieux”, pour lesquels l’exactitude de chaque son compte… L’espèce de rigidité minimaliste qui faisait le charme un peu déviant de “Breakfast” est bel et bien confirmée, même si le nouvel album, un peu moins inspiré, recherche une décontraction vaporeuse qui se veut plus aimable. Quand tout est finalement prêt, le quatuor quitte la scène pour faire quelques minutes plus tard leur entrée officielle sur le thème de Twin Peaks : bien vu !
Il est presque 21h50, le set ne pourra pas être très long malheureusement, et de fait, Teleman ne jouera qu’une courte heure, forcément frustrante pour un groupe avec désormais deux albums très riches sous la ceinture ! Pour commencer, rappelons aux étourdis que Teleman, c’est quand même plus ou moins Pete and The Pirates, valeureux groupe de “brit pop” n’ayant jamais rencontré le succès qu’ils méritaient, ayant fait un reboot avec une musique plus originale, et avec un nouveau batteur, le japonais et peu riant Hiro. Thomas Sanders reste ce chanteur à la voix singulière, haute et féminine (j’ai entendu derrière moi quelqu’un dans le public commenter : « Ah, on sait maintenant que c’est pas une fille qui chante ! ») qui enchantait Pete and The Pirates : il me semble plus sec désormais, les années ayant passé, mais lui non plus n’est pas un joyeux drille : d’un sérieux et d’une concentration extrêmes, Thomas n’a rien d’un front man exubérant. En fait, hormis le souriant Pete Cattermoul devant nous, sur la droite de la scène, qui a un jeu de scène un peu plus traditionnel derrière sa basse, Teleman fait l’impression d’une bande de coincés de première, et je ne pourrai pas m’empêcher de sentir que cette rigidité est quand même préjudiciable à la parfaite dégustation de cette musique qui nous veut pourtant clairement du bien.
On attaque par le fameux Skeleton Dance, mais le son ne me semble pas encore vraiment équilibré, et le morceau paraît du coup, justement, décharné et maladroit, un peu un faux départ. On peut constater quand même que la voix de Thomas est aussi impeccable qu’espéré, il faut juste que le groupe trouve sa cohésion. Et ça va être chose faite immédiatement avec le redoutable Dusseldorf, morceau phare et irrésistible du nouvel album (Thomas a d’ailleurs l’air étonné qu’il se retrouve ce soir au quasi sommet de la setlist… et en effet, l’un des tous meilleurs morceaux dès le début, c’est un risque…) : frissons dans la nuque, bonheur pop absolu, une merveille… En fait, ce sera pour moi – malheureusement – le sommet de la soirée. Trop tôt, donc…
La setlist se concentre sur le nouvel album, dont les meilleures chansons seront jouées, et “Breakfast” se voit réduit à ses seuls “hits”, dans des versions d’ailleurs un peu différentes des originaux : mon morceau préféré, Steam Train Girl, sera par exemple joué dans une version plus nébuleuse, plus flottante, plus psychédélique, abandonnant un peu le riff ferroviaire (entre les Feelies et Johnny Cash) qui en constitue à mon avis le charme principal. Cristina, en rappel, sera réduite en longueur, sacrifiant la conclusion jouissive de l’album, et sera surtout l’occasion d’admirer la performance vocale de Thomas Sanders. En final, le très postpunk Not In Control prouvera bien que le style contraint et maniaque de Teleman ne permet pas à l’excitation “rock” de réellement se matérialiser : oui, un peu plus de folie aurait permis une conclusion en apothéose qui n’aura pas vraiment lieu.
Autre très beau moment de la soirée, un Strange Combinations – single irrésistible que je ne connaissais pas – et qui présente le côté le plus commercial et le plus ludique (dance floor !) de Teleman : c’est certes beaucoup moins ambitieux, mais dieu que c’est efficace, et que c’est gai ! Sinon, c’est donc la semi-découverte des nouveaux morceaux qui s’avèrera le plus passionnant, Drop Out confirmant son statut de mini-rocker de l’album, et en clôture de set, Glory Hallelujah entraînant avec son refrain martial les chœurs enthousiastes du public.
Je sortirai donc de ce concert - que j’avais tellement attendu - avec un sentiment de très légère (et sans doute inévitable) déception, pas partagée néanmoins par Clem qui a passé lui une excellente soirée. Teleman est clairement un groupe hors du commun par la qualité de ses compositions et par sa démarche artistique intègre, mais j’aurais aimé que les musiciens lâchent un peu la bride à leurs chansons et soient plus dans le plaisir ! A revoir de toute manière, et vite ! »
Les musiciens de Teleman sur scène :
Thomas Sanders (vocals, guitar)
Jonny Sanders (synths)
Pete Cattermoul (bass, synths)
Hiro Amamiya (drums)
La setlist du concert de Teleman :
Skeleton Dance (Breakfast – 2014)
Dusseldorf (Brilliant Sanity – 2015)
Brilliant Sanity (Brilliant Sanity – 2015)
23 Floors Up (Breakfast – 2014)
Strange Combinations (single – 2015)
English Architecture (Brilliant Sanity – 2015)
Tangerine (Brilliant Sanity – 2015)
Steam Train Girl (Breakfast – 2014)
Fall in Time (Brilliant Sanity – 2015)
Drop Out (Brilliant Sanity – 2015)
Glory Hallelujah (Brilliant Sanity – 2015)
Encore:
Cristina (Breakfast – 2014)
Not In Control (Breakfast – 2014)
Cette chronique a déjà été partiellement publiée sur mon blog manitasdeplata.net