Metronomy / The Lumineers / Cat Power - Samedi 29 Novembre 2014 - Popload Festival - Audio Club (São Paulo)
« Le problème avec l'organisation un peu à la bonne franquette du Popload Festival, c'est que le programme n'était pas disponible à l'avance, et que quand j'entre dans la grande salle de l'Audio Club, que je ne connaissais pas, et qui est assez superbe, je dois dire (scène à la bonne hauteur - enfin - et, comme à la Cigale par exemple, ballustrade sur le côté qui permet aux retardataires comme moi d'avoir une vue parfaite sur la scène à partir du côté gauche de la salle, tout en bénéficiant pleinement de la sono), Cat Power en est déjà plus qu'à la moitié de son set solo. Dommage, car j'avais envie de redécouvrir cet artiste sur laquelle j'avais fait l'impasse après un premier album qui ne m'avait pas enchanté plus que ça... Dommage parce que j'entends est très bien, en effet : seule à la guitare électrique, Chan Marshall égrène des chansons douloureuses et élégantes, avec une sincérité évidente, par moment même bouleversante...
Pas forcément facile de s'accrocher à des mélodies, et ce d’autant qu’elle interrompt les chansons pour se lancer dans de longs monologues pas toujours intelligibles, vu qu’elle parle loin du micro... Non, ce sont plutôt les textes et la manière dont ils sont offerts au public, dans une sorte de sacrifice permanent, mélancolique en diable, qui arrête le coeur. Le pire - ou le meilleur - sera d'ailleurs la fin du set, lorsque les roadies des Lumineers commencent à organiser la scène, alors que Cat Power a visiblement décidé de continuer à communiquer avec son public envoûté : « Vous pouvez enlever le piano, mais moi je reste là à paler avec eux », jettera-t-elle aux roadies. La douleur – mais aussi un certain état de confusion mentale - que l'on perçoit dans la voie de Chan alors qu'elle se voit forcée de terminer son set n'est pas feinte, et est presque embarrassante ! Elle nous quitte donc en distribuant des roses blanches à des jeunes femmes du premier rang, et sur quelques conseils vaguement new wave "d'auto ajuda" comme on dit ici (« Prenez soin des gens qui vous aiment, pas seulement de ceux que vous aimez... »). Très américain quand même, tout ça. Mais une artiste clairement "à vif" (était-elle particulièrement bouleversée par sa grossesse ? Non, il semble que Chan soit toujours comme ça...) qu'il faudra que je suive.
The Lumineers, je ne connais pas non plus, mais j'en ai l'image d'un truc assez grand public dans le genre indie folk. L'heure qui suivra me fera découvrir un jeune groupe sympathique, qui s'essaie - pas toujours avec un franc succès - dans le genre bal country à bouseux-town. Wesley Schultz, le chanteur, avec sa barbe et son chapeau, a un look roots americana que je trouve plus ridicule qu'autre chose, mais une voix intéressante qui peut évoquer un Dylan en nettement plus aseptisé (on aura droit d’ailleurs à une reprise assez piétonne de Subterranean Homesick Blues, comme quoi...).
The Lumineers font donc dans le traditionnel festif, mais pêchent avant tout de par leurs chansons, certes facilement mémorisables (beaucoup de « oooh oooh ooh » à reprendre en choeur !), mais pas vraiment top top, peut être trop simplettes, en tout cas du genre à flancher au mauvais moment, quand on attend une montée en intensité, ou quand on espère un peu de surprise. Certes sympathique, ce concert - qui bénéficiera pourtant de l'enthousiasme disproportionné d'un public paulistano conquis d'avance -, ne décollera malheureusement jamais. On a beau essayer toutes les configurations possibles sur scène et dans le public - joli effort quand Wesley et Jeremiah, le batteur (a priori ils sont les deux membres fondateurs du groupe), vont interpréter deux chansons au milieu de la salle - rien ne se passe vraiment, et ce jusqu'à un final un peu plus enlevé. Autour de moi, tout le monde a l'air content, mais ce n'est pas non plus l'hystérie, ce qui confirme que je ne suis pas seulement un pisse-froid qui refuse de se laisser entraîner dans la fête au village des cowboys. Bref, je n'ai pas l'impression au sortir du set que The Lumineers soit quelque chose de vraiment consistant... Un bon tiers du public quitte néanmoins la salle, prouvant que mon qualificatif péremptoire de "grand public" n'était pas complètement erroné...
... public remplacé rapidement par un nouveau public, plus clairement "engagé". A 23h30, Joseph Mount et son Metronomy sont là. .. et ils vont littéralement me souffler ce soir. Ce set de clôture d'une mini tournée sud-américaine va prouver que Metronomy a encore mûri depuis la dernière fois que je les ai vus à Madrid, et surtout que ce groupe est un véritable Dr Jekyl / Mr Hyde, passant d'une manière quasi magique de frêles chansons d'amour blessé à des tueries electro qui entraînent le public de l'Audio Club dans des moments de transe joyeuse. Plus intéressante encore est la manière dont les chansons de Metronomy évoluent entre les album et la scène, et au fil du temps. La plupart sont d'abord difficiles à reconnaître, puis retrouvent leur mélodie, leurs mots, mais nous offrant de nouvelles sensations sans que les anciennes en soient pour autant effacées. C'est passionnant, et c'est la marque d'un groupe désormais en pleine possession de ses moyens, offrant à son public émotion, plaisir et excitation dans une proportion toujours changeante. Le set de Metronomy est une suite de surprises, et une construction délicate de plaisirs subtils traversée de décharges électriques. Couronnement du set ce soir, et parfait exemple de cette alchimie, une version impressionnante de The Bay, qui atteignit la grandeur d'un Blue Monday, avec ce même mélange impérieux de fragilité et de splendeur.
Tous vêtus de manière semblable, comme à l'habitude, les quatre musiciens de Metronomy (auquel s’ajoute un cinquième luron, aux guitares et claviers) ont chacun un rôle dans la construction du "spectacle Metronomy", le plus impressionnant étant Olugbenga Adelekan, le bassiste très féminin, au jeu de scène élastique, à la voix incroyable, chargé de chauffer le public aux moments-clé du set. On remarquera ce soir l'étonnante rupture créée par l'interprétation très fidèle mais très inspirée de Here Comes the Sun, où Oscar Cash nous démontre qu'il pourrait bien être le George Harrison de Metronomy ! Auparavant, on aura chanté tous en choeur, des étoiles plein les yeux, sur une version de Love Letters infiniment supérieure à celle de l'album, ou sur l'inépuisable Corinne, avec sa mélodie accroche-coeur et irrésistible. On aura aussi tous joué du synthé avec deux doigts comme Joseph pour accompagner la ritournelle de Reservoir, et sauté en l'air en agitant des bras sur une réinterprétation rock de Boy Racers, et vibré de plein de manières différentes sur cette musique insaisissable mais toujours génératrice de bonheur... Joseph Mount, même incapable de dire autre chose que « Obrigado » en portugais, paraissait lui aussi parfaitement heureux de cette soirée, et la séparation au bout de 1h15 fut pleine d'émotion. Le groupe revint pour faire les kékés sur un morceau protopunk parfaitement réjouissant, petit cadeau supplémentaire à un public déjà comblé. (A noter que Olugbenga remit la set list personnellement à une jeune fille noire au premier rang, me faisant songer qu'il avait sans doute trouvé le public paulistano un peu trop blanc à son goût, ce qui n'est pas faux...).
Bref, une conclusion miraculeuse à un mois de novembre de concerts hors du commun pour une ville aussi isolée du monde que São Paulo. Et pour moi, l'envie de revoir Metronomy le plus vite possible ! »
Les musiciens de The Lumineers sur scène :
Wesley Keith Schultz - voice, guitar
Jeremiah Caleb Fraites - drums, percussion, voice, mandolin
Neyla Pekarek - cello, voice
Stelth Ulvang - piano, mandolin, accordion
Ben Wahamaki – bass
La setlist du concert de The Lumineers :
Submarines (The Lumineers – 2012)
Ain't Nobody's Problem (Sawmill Joe cover)
Flowers in Your Hair (The Lumineers – 2012)
Ho Hey (The Lumineers – 2012)
Classy Girls (The Lumineers – 2012)
Subterranean Homesick Blues (Bob Dylan cover)
Dead Sea (The Lumineers – 2012)
Duet (Falling in Love) (new song)
Charlie Boy (The Lumineers – 2012)
Darlene (Played in the crowd) (The Lumineers EP – 2011)
Flapper Girl (Played in the crowd) (The Lumineers – 2012)
Stubborn Love (The Lumineers – 2012)
Big Parade (The Lumineers – 2012)
Les musiciens de Metronomy sur scène :
Joseph Mount – vocals, guitar, keyboards
Oscar Cash – keyboards, guitar, vocals
Anna Prior – drums, keyboards, vocals
Olugbenga Adelekan – bass, vocals
Michael Lovett – keyboards, guitar
La setlist du concert de Metronomy:
Holiday (Nights Out – 2008)
Radio Ladio (Nights Out – 2008)
Love Letters (Love Letters – 2014)
Everything Goes My Way (The English Riviera – 2011)
The Look (The English Riviera – 2011)
I'm Aquarius (Love Letters – 2014)
Reservoir (Love Letters – 2014)
She Wants (The English Riviera – 2011)
Never Wanted (Love Letters – 2014)
Side 2 (Nights Out – 2008)
Corinne (The English Riviera – 2011)
A Thing for Me (Nights Out – 2008)
The Upsetter (Love Letters – 2014)
Here Comes the Sun (The Beatles cover)
Heartbreaker (Nights Out – 2008)
Boy Racers (Love Letters – 2014)
Month of Sundays (Love Letters – 2014)
The Bay (The English Riviera – 2011)
The Most Immaculate Haircut (Love Letters – 2014)
Encore:
You Could Easily Have Me (Pip Payne – 2006)