Black Lips - Jeudi 12 Novembre 2009 - Joy Eslava (Madrid)
Quand je pense à de la musique dangereuse, pour être honnête, il ne me vient pas à l'esprit Rammstein - pour citer un groupe formidable que j'ai vu cette même semaine -, mais plutôt Black Lips : les excités qui peuplent leurs concerts parisiens sont infiniment plus effrayants que des hordes de hardeux vêtus de noir faisant le signe du diable en secouant leur longue chevelure sale ! Mais qu'allait-il en être à Madrid, je me le demandais ?
20 h 30, un groupe d'Espagnols plutôt rigolos sont sur la scène de la Joy Eslava. Ils s'appellent Wau y Los Arrrghs !!!(un nom de groupe à classer au top des meilleurs, je trouve), et ils ont tout compris du "garage rock", entre Fleshtones et Cramps. Une fois le matériel à peu près organisé - pendant ce temps-là, pour s'occuper et nous occuper, le chanteur (Juanito Wau ?) au style nerd lunetard passe-partout raconte des blagues d'une voix rauque qui laisse bien présager de son chant (je ne comprends pas tout, mais bon, tout le monde se fend la poire autour de moi), nos amis attaquent 40 minutes d'un excellent set déjanté et décontracté, mais pas anodin : dès le troisième morceau, le chanteur a la bouche, puis la moitié du visage couvert de sang - je n'ai pas eu le temps de voir ce qui s'est passé, un coup de micro dans le nez ou les lèvres, ou les dents ? Il a une dent cassée devant, tout cas ! Mais cela ne le gène pas outre mesure, et il nous livre une prestation impeccable, descendant à deux reprises chanter au milieu des danseurs, se livrant à toutes les facéties possibles sur scène, bref un digne émule de Zaremba ou de Lux Interior. J'aime de plus en plus l'Espagne ! Le set finira par un hommage à l'un des fondateurs du genre (du moins à ce que je comprends) qui viendra sur scène chanter avec le groupe une chanson visiblement connue de tous (Morrer ?). Même si les chansons ne sont pas toutes mémorables, loin de là, voici une bien belle première partie, tout à fait pertinente entre outre par rapport aux Black Lips.
Ce soir, je me suis prudemment placé un tantinet en retrait, sur les marches de droite qui me permettent de surplomber légèrement la foule, à moins de 2 mètres de la scène. Je n'ai pas trop le courage de passer à nouveau "dans la lessiveuse" comme la dernière fois !
21 h 45 : les Black Lips entrent en scène, et ils ont (encore) changé de place, ce qui fait que je me retrouve à nouveau en face du même guitariste, Cole Alexander : pas de problème, je pourrai à nouveau observer sa technique de lancer et rattrapage de glaviots par la bouche (cette fois-ci, il s'en accrochera un bien gras sur le sourcil, qui mettra un certain temps à tomber !), ses roulades tout en jouant, et ses changements de couvre-chef, du chapeau style police montée canadienne à la casquette de prolo bolchévique ! Au centre, Jared Swilley, le bassiste désormais sans moustache, reste lui extrêmement concentré et efficace... C'est d'ailleurs étonnant de voir le groupe jouer aussi calmement pendant au moins la première demi-heure, alors que le public saute dans tous les sens. Je trouve globalement les chansons mieux jouées, mieux chantées, tandis que la seule folie sur scène vient du batteur, Joe Bradley, une sorte de dément complètement déchaîné. Quant au public, il s'amuse surtout, et je constate avec soulagement qu'il ne semble pas y avoir de vrais trublions dans la salle, l'ambiance restant largement bon enfant (il faut dire que le public est largement féminin). Hippie, Hippie, Hoorah passe sans déchaîner la même ferveur qu'en France, ce qui est quand même logique. C'est le terrible Bad Kids ("Niños malos", annonce Cole) qui fait basculer - enfin - le concert dans la folie, au bout de 45 minutes : envahissement de la scène, Jared qui surfe sur les bras des spectateurs tout en jouant, le chaos, tout bien. A partir de là, l'ambiance est montée d'un cran, et les dix dernières minutes sont superbes, tout le monde a la banane. Quelqu'un a offert un joint à Jared, mais il l'enfourne dans sa poche en ignorant les briquets allumés qui lui sont tendu... On clôture le rappel, au bout d'une courte heure, avec un rockabilly efficace.
Voilà, c'était les Black Lips, toujours réjouissants, dans un concert certainement moins dangereux, justement, que ceux de Paris. Je ne me plaindrai pas, personnellement, que les "bad kids" soient restés chez eux ce soir, et ne nous aient pas gâché la fête !