Nouvelle Vague - Jeudi 17 Septembre - Joy Eslava (Madrid)
Le set de Nouvelle Vague est prévu à 21 h 30, j'ai donc tout le temps de regarder la disposition du matériel, peu conséquent pour une scène assez spacieuse (et juste à la bonne hauteur, environ 1m10) : claviers à gauche, batterie au centre, guitare acoustique à droite, une paire d'amplis au fond, un seul pied de micro devant, presque en face de moi : on voit tout de suite que ce n'est pas ce soir que ça va allumer ! Je m'inquiète même pour le son, la sono accrochée en hauteur étant "au delà" de ma position. Justement, un type de la salle me demande de reculer de 30 cm pour me placer au dessous de la sono, au delà d'une sorte de "ligne imaginaire" tracée par les caissons : bizarre, mais bon, je ne crois pas que ça va particulièrement pousser ce soir !
21 h : un type entre en scène, le micro était pour lui... Il est français, vaguement métis, coiffé de dreadlocks (le look Yannick Noah, un peu...), plutôt souriant et drôle. Il se présente en franglais (visiblement, il n'a aucune notion d'espagnol) ; il s'appelle Gerald Toto, et armé de sa seule guitare acoustique et d'une voix superbe, il va essayer de couvrir pendant 20 minutes les conversations du public. Malheureusement, ses chansons ne sont pas passionnantes, c'est le moins qu'on puisse dire, et n'arrêteront pas les conversations ! Difficile de définir le genre de sa musique, sympathiquement autodidacte et intuitive dirait-on, entre bossa, folk saccadé et blues pâlichon, mais, vraiment, le seul intérêt du bonhomme, c'est cette voix, très pure, très claire, capable de changer de registre incroyablement vite. Bon, malgré l'humour gentil dont il fait preuve, je suis quand même content que cela ne dure que 20 minutes ! A noter aussi que pendant tout le set, le gugusse du service d'ordre s'évertuera à faire reculer les spectateurs s'aventurant sur les côtés derrière cette fameuse ligne imaginaire qui semble l'obséder. Je me demande comment ce genre de choses peut se gérer avec une salle un tant soit peu excitée !
La salle est maintenant bien remplie, jusqu'aux deux balcons, proche du maxi a priori. Il est 21 h 37, et Nouvelle Vague entrent en scène. Je ne sais pas exactement à quoi je m'attendais, mais certainement pas à quelque chose d'aussi "naturellement rock" - malgré les rythmes jazzy, bossa ou autres : c'est un vrai groupe sur scène, devant nous, avec guitariste (acoustique, assis et à casquette, mais bon, un guitariste quand même), un contrebassiste qui swingue, un batteur qui cogne dur, et un type derrière ses claviers (avec juste un tout petit iMac pour dire...), et surtout deux chanteuses. La première est toute dorée et chante comme une diva soul, avec une belle voix ample, tout en faisant le spectacle comme une rock star en devenir ; l'autre, en noir, fait la voix sexy et innocente qui fait triquer les messieurs pervers, et a tendance à plutôt faire le clown sur scène (comme quand elle annonce qu'on va tous "fuck together", avant de faire hurler au public madrilène un énorme "fuck" étiré...). Le concert commence d'ailleurs très fort, avec une version lugubre et bien sentie de 100 Years de Cure, histoire de bien expliquer qu'on n'est pas là (que) pour rigoler : "It doesn't matter if we all die...". Alors là tout de suite, moi qui ai presque détesté
le dernier disque pâlichon de Nouvelle Vague, je réalise deux choses : d'abord, Nouvelle Vague ne jouent pas QUE les titres de leurs 3 albums, mais piochent allègrement dans l'héritage "nouvelle vague", pour en célébrer et en distordre les plus belles pièces, et ensuite, même les titres que l'on connaît d'eux sont la plupart du temps réinterprétés de manière différente... Et c'est cet esprit iconoclaste et passionné à la fois - qui avait fait du premier album-concept de Marc Collin et Olivier Libaux un triomphe artistique comme commercial - qui règne toujours sur les concerts, et les protège du second degré comme de la "branchitude" détestable qu'on peut facilement associer aux disques. Non, un set de Nouvelle Vague, c'est avant tout du bonheur : celui de reconnaître après quelques secondes de surprise et de doute, des chansons qui font partie de notre vie, certaines évidentes (Ever Fallen In Love, de Buzzcocks, ou Love Will Tear us Apart, de Joy Division, qui conclue le set avant le rappel en grand singalong ému) et dont on sait bien qu'elles sont suffisamment immenses pour survivre à tout, même à la nostalgie, et d'autres, beaucoup plus surprenantes : ainsi, la gothique et donc très typée Bela Lugosi Is Dead (de Bauhaus) est un sommet de fascination et d'émotion, toute tendance à la dérision abandonnée, pour se concentrer seulement sur sa sublime noirceur.
J'observe régulièrement ce public madrilène nouveau pour moi, un public à la fois superficiel (beaucoup de conversations bruyantes qui troublent certains morceaux, le son étant bon mais pas excessivement fort) et pourtant très chaud, plus chaud sans aucun doute que le public parisien : je suis entouré de trentenaires (pour la plupart... peu de gens de ma génération) qui connaissent toutes les paroles des chansons et les chantent en rayonnant de joie... alors qu'ils n'avaient certainement pas encore l'âge de pogoter sur God Save the Queen (la version acoustique et anecdotique de l'album devient ce soir passionnante, et l'émotion s'empare de la salle sur le final repris en chœur, doux et triste : "No Future For Me, No Future For You") en 1977, ni même de danser le ska mélancolique de Friday Night Saturday Morning (The Specials). Je crois que c'est grâce à ce public, venu pour s'amuser en toute simplicité, et chanter et danser sur de grands morceaux de l'Histoire du Rock, que le set de ce soir décolle vraiment, dépassant l'exercice de style : Too Drunk
To Fuck (des Dead Kennedys) a une nouvelle vie après Camille, les deux chanteuses déchaînées s'en donnent à cœur joie en délirant ensemble sur scène, et Blister In The Sun (Violent Femmes) est un beau moment d'excitation - même si, bien sûr, cette grande chanson est délestée du poids d'angoisse que la voix de Gordon Gano lui conférait. Mais ce sera Gerald Toto, réapparu pour interpréter trois titres (plus un rappel) qui portera le set aux nues, avec une version magnifique de l'Israel de Siouxsee : grand moment vocal quand la psalmodie intense de la chanson se mue à notre stupéfaction en un chant de muezzin à vous en faire frissonner, dans un raccourci qu'il est impossible de prendre pour de l'inconscience. Là, pendant une dizaine de minutes ou presque, le projet Nouvelle Vague fait complètement sens, conjuguant profondeur et performance technique !
Au bout d'une petite heure et demi, le concert se termine, et c'est Gerald Toto qui revient seul avec sa guitare pour une très belle et très drôle interprétation sensuelle du Relax de Frankie Goes To Hollywood, qui sera la parfaite conclusion de ce beau concert. Malgré l'insistance du public, qui se refuse à quitter la salle (je n'avais jamais vu cela, après 20 minutes, quand je suis parti et que les techniciens avaient presque fini de démonter le matériel, les gens restaient là à réclamer plus...), Nouvelle Vague ne reviendront pas, en dépit d'une set list qui prévoyait d'autres titres. Sur la scène, traîne une feuille A4 sur laquelle quelqu'un a écrit "Thank You For the Best Concert Ever" : c'est certainement exagéré, mais, que ce mot ait été laissé par un membre du groupe ou du public, il traduit le plaisir qui a été pris ce soir, des deux côtés. »
La setlist du concert de Nouvelle Vague :
One Hundred years (The Cure Cover)
Master and servant (Depeche Mode Cover)(Nouvelle Vague 3 - 2009)
Dancing with myself (Generation X Cover) (Bande à Part - 2006)
Ever Fallen in love? (Buzzcocks Cover) (Bande à Part - 2006)
Road to nowhere (Talking Heads Cover) (Nouvelle Vague 3 - 2009)
Metal (Gary Numan Cover) (Nouvelle Vague 3 - 2009)
Human fly (The Cramps Cover) (Bande à Part - 2006)
Guns of Brixton (The Clash Cover) (Nouvelle Vague - 2004)
Too Drunk to Fuck (Dead Kennedys Cover) (Nouvelle Vague - 2004)
God Save the Queen (Sex Pistols Cover) (Nouvelle Vague 3 - 2009)
Don't Go! (Yazoo Cover) (Bande à Part - 2006)
Heart of Glass (Blondie Cover) (Bande à Part - 2006)
Israel (Siousie And The Banshees Cover) (Bande à Part - 2006)
Just can't get enough (Depeche Mode Cover) (Nouvelle Vague - 2004)
Blister in the Sun (Violent Femmes Cover) (Nouvelle Vague 3 - 2009)
All My Colours (Echo and the Bunnymen Cover) (Nouvelle Vague 3 - 2009)
Bela Lugosi's Dead (Bauhaus Cover) (Bande à Part - 2006)
Friday Night Saturday Morning (The Specials Cover) (Nouvelle Vague - 2004)
Love Will Tear Us Apart (Joy Division Cover) (Nouvelle Vague - 2004)
Encore
Relax (Frankie Goes To Hollywood Cover)
A l'époque, cette chronique avait été publiée sur les blogs suivants : http://www.loindubresil.com/archives/2009/09/18/15109587.html et http://concertsrnrm.blogspot.co.uk/search/label/NOUVELLE%20VAGUE