Elliott Murphy - Samedi 14 Mars 2009 - New Morning (Paris)
« Growing Old in Public. Elliott Murphy aura 60 ans dans deux jours et son rituel concert "d'anniversaire" au New Morning tient cette fois d'une vraie fête d'anniversaire. Car la famille est là : il y a Gaspard, le fils prodigue qui se rêve en guitare hero, comme à chaque fois, sur scène, et il est devenu un homme, il ressemble un peu à son père, aussi mignon que le Murph pouvait l'être quand nous étions encore adolescents, quand nous nous croyions - quelle arrogance ! - la nouvelle "Lost Generation", quand nous chantions Hollywood ("Hollywood / You gave me the best / I got this soundtrack of violence and sex / And now I don't know who to be / Cause every time I look in the mirror I see some movie star / You know it just doesn't look like me") ; il y a sa soeur, venue tout spécialement de New York pour le Big 6.0. de son "baby brother" qu'elle se souvient avoir entendu chanter dans sa chambre quand il n'avait encore que douze ans ; il y a Françoise, sa femme, qui sort de l'ombre pour interpréter - juste pour lui - la petite chanson d'amour de Marylin à JFK ("Poupoupidou !") ; il y a le Père, dont l'ombre plane sur tant de ses chansons, décédé alors qu'il était encore enfant, et avec lequel il parcourt éternellement dans une Cadillac rutilante les rues d'un New York qui n'existe plus, le jour de l'anniversaire d'Elvis (On Elvis Presley's Birthday, toujours la chanson la plus bouleversante que Murph puisse interpréter sur scène).
Mais il y a aussi les amis : Kenny Margolis, qui a enregistré un très beau message vocal diffusé dans un silence religieux ; Ernie Brooks, qui a écrit de New York que Gaspard lira au micro ; Olivier Durand, le seul guitariste de génie que la France ait eu - pour le moment - (son solo sur Rock Ballad, parmi tant d'autres, a été un Everest de sensibilité et de puissance retenue), le "partenaire" qui nous offrira le plus fort moment d'émotion de la soirée en n'arrivant plus à contrôler ses larmes... Et puis il y a nous, les fans, le public, que Murphy appelle, sans démagogie tant son beau visage ruisselle littéralement de bonté et de reconnaissance à ce moment-là, son "trésor". Le New Morning est plein pour fêter la soixantaine du plus beau des baladins des 70's, et sans doute faire le deuil somptueux de toutes ses illusions : comme l'écrit Ernie Brooks, citant le poète : "Tout ce que nous pouvons souhaiter au final, c'est un peu de bonheur décent", et cette soirée, parfaite, sera exactement ça, 3 h 05 de "bonheur décent", ou même un tout petit peu plus.
Le New Morning est donc plein de la famille, des amis et du public d'Elliott Murphy, et il y règne une atmosphère étrange de fête de famille ; il y a donc eu tous les discours, touchants ou ridicules, qui ont embarrassé "l'anniversariant", comme il se doit ; il y a même eu les cadeaux : on avait organisé pour le premier rappel des pancartes, que tout le public a brandi d'un coup, portant les noms des musiciens qui ont joué avec le Murph ("Jerry Harrison", "Brian Ritchie"...), de ceux dont il a croisé la route ("Patti Smith" - brandie fièrement par Patricia à mes côtés), mais aussi de ses nombreuses références (à ma droite, une belle femme d'une cinquantaine d'année portait : "Gatsby". Le Murph est d'ailleurs revenu au dernier rappel avec un étonnant t-shirt "The Great Gatsby / F. Scott Fitzegald"...). Le cercle de l'anniversaire se voyait donc élargi à tout ce monde imaginaire des poètes, des artistes, mais aussi des "beautiful losers" dont Murphy s'est toujours réclamé, et leurs fantômes se penchaient sur lui et sur nous avec une douceur exquise : logiquement, le concert s'est conclu sur une version unplugged de Anastasia, les fans faisant les "ouh ouh ouh" tous doux qui conjurent le spectre du sourire d'une fillette engloutie par le chaos de la révolution.
Il a même été élargi, d'un coup, à tout Paris, dont Murphy a finalement admis que, après vingt ans, c'était "SA ville" : la "City of Light" qui a fini par remplacer la "City of Night" dans le refrain de L.A. Woman (grande version électrique ce soir, plus tendue et plus sombre qu'à l'habitude...).
Mais Elliott nous a aussi fait des cadeaux à nous, et nous avons été gâtés ce soir : d'abord par une set list globalement parfaite, dépouillée des morceaux plus anecdotiques extraits des derniers albums qu'il se sent d'habitude forcé de jouer, promotion oblige. Non, ce soir, pour les 60 ans ("60 is the new 40", et c'est une bonne nouvelle, non ?) de Murphy, il n'y a que du bon, que dis-je ? de l'excellent, de Last of the Rock Stars à Green River, de Sonny (le rituel du battement des ailes d'oiseau dans le public) à You Never Know What You're In For. Ensuite, en gardant un niveau d'énergie élevé, étonnant même, tout au long des trois heures d'un set qui fut le plus rock, le plus électrique de Murphy de récente mémoire (Elliott lui-même semblait rayonner d'une énergie joyeuse ce soir, et nous pouvions un instant imaginer que cette énergie venait de nous, de notre amour). Enfin, en rejouant quelques chansons exceptionnelles, un peu oubliées ces dernières années, mais qui ressurgissaient pour nous redonner notre jeunesse passée mais éternelle, comme de vieilles maîtresses dont on serait toujours secrètement amoureux : j'ai cité Hollywood ou Anastasia, mais il y eut aussi A Change Will Come, Eurotour, et quelques autres. On aurait aimé entendre Isadora's Dancers ou Lost Generation ou Just a Story From America, mais il aurait fallu quatre heures ou plus, et à minuit cinq, nos vieilles jambes commençaient à flancher.
Je n'ai pas beaucoup parlé de moi (ce n'était pas mon anniversaire, après tout !), je me contenterai de dire que mon cœur s'est à nouveau serré sur Diamond By Yards, qui reste l'une des cinq chansons qui ont défini ma vision du monde quand j'avais dix-huit ans et que j'étais amoureux pour la première fois ("As I lay down with my lady / The sounds of the night keep us warm /... Midnight I surrender / I live beneath your ancient spell / You've been my lover since I can't remember / You save my life with the stories you tell"), que je me suis laissé emporter par la pluie rédemptrice de Let It Rain, ce grand moment d'inspiration, d'élévation, et qu'au final, je me suis dit que ça aura été ce soir plus que l'anniversaire d'Elliott : une célébration intense, à la fois douloureuse et gaie, de toute la beauté d'une vie, l'occasion unique de se remémorer de tout l'amour qu'on peut donner et recevoir, pour peu que l'on n'oublie jamais de croire en les lumières de la nuit.
Une vie rock'n'roll rêvée, quoi ! »
Les musiciens d’Eliott Murphy sur scène :
Elliott Murphy : Vocal & Guitar
Olivier Durand : Lead Guitar & Vocals
Alan Fatras : Drums, Percussions & Vocals
Laurent Pardo : Bass, Cello & Vocals
+
Gaspard Murphy : Guitar
Alain Cheneviève : backing vocals
Christine Lidon : backing vocals
Chris Mayne : backing vocals
La setlist du concert de Elliott Murphy :
The Valley Below (duo avec Olivier Durand) (Notes From the Underground – 2008)
O Wyoming (Beauregard – 1998)
A Touch Of Mercy (Lost Generation – 1975)
Green River (Strings Of the Storm – 2003)
Sonny (Beauregard – 1998)
Pneumonia Alley (Coming Home Again – 2007)
How's The Family (Aquashow – 1973)
Razzmatazz (Notes From the Underground – 2008)
Canaries In The Mind (Coming Home Again – 2007)
You Never Know What You're In For (Night Lights – 1976)
Last Of The Rock Stars / Shout / Rock Stars (avec Gaspard en invité)
Rain, Rain, Rain (New Song)
On Elvis Presley's Birthday (12 – 1990)
A Touch Of Kindness (Coming Home Again – 2007)
And General Robert E. Lee (Notes From the Underground – 2008)
Diamonds By The Yard (avec Gaspard) (Night Lights – 1976)
Encore:
What The Fuck Is Going On
L.A. Woman / Baby Please Don't Go / Spoonfull / I Got My Mojo Working / L.A. Woman (avec Alain Chenevieve, Christine Lidon, Chris Mayne, et Gaspard Murphy en invités)
Lecture d'un message de Kenny Montgomerry par Gaspard Murphy
Lecture d'un message de Kenny Margolis par Michelle Murphy
Happy Birthday To You (par Françoise “Norma Jean” Murphy)
Caught Short In The Long Run (Just A Story From America – 1977)
Drive All Night (avec Alain C, Christine L. et Chris M.) (Just A Story From America – 1977)
You're Sixty (version du vieux classique "You're Sixteen" adaptée pour l'occasion et chantée a cappela par Alain Chennevière)
Let It Rain (12 – 1990)
Encore 2 :
Change Will Come (Affairs – 1980)
Euro-Tour (Affairs – 1980)
Hollywood (Lost Generation – 1975)
Rock Ballad (Just A Story From America – 1977)
Encore 3 :
Anastasia (Just A Story From America – 1977)
Cette chronique a été partiellement publiée à l'époque sur mon blog loindubresil.com