Elvis Costello - Samedi 8 et Lundi 10 Novembre 1986 - Olympia / Folies Bergère (Paris)
« Le Maître est en ville, et dire que nous n’avons ni photographies ni enregistrements-pirate pour figer pour l’éternité les deux concerts totalement hors de commun qu’il va nous offrir ! C’est que mes potes, beaucoup moins fans que moi de Costello ne seront pas dans la salle… Heureusement, il y aura toujours les souvenirs qui reviennent quand on ferme les yeux…
Ce samedi, à l’Olympia, c’est tout simplement inimaginable : les Attractions jouent comme un combo post cold wave fracassé, soit du jamais entendu depuis 1976 et l’apparition d’Elvis (Costello…) : martelant et violentant les chansons « pop » classiques du répertoire (Accidents Will Happen en introduction, Clubland, Watching The Detectives…) au point de les rendre méconnaissables, les Attractions de 1986 sont un groupe méchant. Le concert est principalement articulé autour des déchirures du nouvel album, « Blood and Chocolate », l’un des plus brutaux d’Elvis, et on notera en particulier le sommet qu’est I Want You, la chanson la plus écorchée jamais écrite par Costello… Stupéfiant, jusqu’à la conclusion avec le classique Pump It Up, sans doute jamais encore aussi pertinent qu’au sein de ce répertoire de furieux ! S’il y avait un bémol à ajouter à ce commentaire, c’est que ce renouvellement par l’excès semble quand même un peu forcé, comme si Costello voulait à tout prix nous démontrer que, 10 ans plus tard, il n’a rien perdu de sa hargne : OK, la preuve est faite, maintenant tu peux revenir à ton meilleur rôle, Elvis, celui de grand song writer classique et de grand chanteur…
Justement, et c’est là l’intérêt de ces deux dates quasi-antinomiques, le concert du lundi nous permet de retrouver un Costello bien différent, décontracté, plein d’humour, chantant seul à la guitare et au piano (il sera rejoint par le virtuose Steve Nieve pour quelques morceaux, et aussi par son épouse, Cait « ex-Pogue » O’Riordan pour un intermède irlandais, bien sûr… ), avec application, tendresse et émotion, pour ses fans recueillis dans l’écrin précieux des Folies Bergères, ses plus belles chansons, réarrangées pour l’occasion : Green Shirt, Shot with his Own Gun, Inch By Inch, et une bonne dizaine de chansons de « King Of America », qui se prête bien entendu idéalement à ce genre d’exercice. On remarquera que, parmi la trentaine de chansons de ce long set, seulement deux ou trois se trouvaient aussi sur la setlist électrique du samedi, ce qui en dit long sur la richesse du song book d’Elvis après 10 ans seulement de carrière.
Au final, même si j’ai passé, paradoxalement pour moi qui aime le bruit, un meilleur moment dans les fauteuils de velours des Folies Bergère, à verser des larmes d’émotion et de joie sur les versions acoustiques des grandes chansons d’Elvis, cet exercice de grand écart est passionnant, et je ne suis pas sûr qu’il existe beaucoup d’artistes de la génération actuelle de rockers qui en soit simplement capables… Morale : Elvis Is King ! »
Pas de photos de ces deux soirées. Les images utilisées ici sont celles d'un concert d'Elvis à Londres 2 semaines plus tard.