Baxter Dury - Jeudi 17 Mai 2018 - Casino de Paris
« Notre année 2017 avait été indiscutablement marquée par le récit homérique de la chute et de la récupération de Baxter Dury, purement et simplement largué par sa douce et tendre, et qui a pris le monde entier à témoin de la cruauté des femmes et de la méchanceté de la vie. On a beaucoup ri, mais aussi beaucoup dansé sur les mélodies retorses de son “Prince of Tears”, il était donc impensable de ne pas aller voir comment Dury Jr. allait faire revivre ce petit miracle de rage, de désespoir et d’humour sur scène… Le Casino de Paris, salle décadente et défraîchie paraissait d’ailleurs le lieu idéal pour accueillir ce psychodrame un peu sordide, et nous nous réjouissions donc à l’avance de cette soirée !
Paris a de faux airs estivaux - même si les températures restent vraiment fraîches, mais (en est-ce la conséquence ?), peu de Parisiens se sont décidés à venir biberonner ce soir en notre compagnie... Heureusement que l'on y retrouve des amis pour nos éternelles conversations sur le passé, le présent et l'avenir du Rock'n'roll. Et avec le “Blackstar” de Bowie sur la sono, il y a de bien pires manières de tuer le temps.
20h03 : un jeune homme sage et poli s'installe devant un clavier, accompagné par un batteur et un bassiste, et nous régalera 30 minutes durant de chansons mid tempo pas toujours très captivantes, et surtout chantée d'une voix qui est tout sauf convaincante. J’ai un flashback : mais oui, mais c’est bien sûr, j’ai déjà vu ce petit gars tout gentil, en solo, au Point Ephémère, il y a un peu plus d’un an de cela… et j’avais alors bien apprécié son set intimiste et plein d’émotions. Mais ce soir, Matt Maltese a vraiment du mal à placer sa voix (même si cela s’améliorera vers la fin…), et on pourrait même dire qu’il chante mal, ce qui est rédhibitoire pour un genre de pop douce, un peu soul parfois, basée sur des textes et des ambiances... suaves et sophistiquées. Si la fin du set voit une amélioration au niveau des compositions et de l’interprétation, et que le dernier morceau est enfin séduisant, on ne peut s’empêcher de penser que tout cela est vaguement anodin et dispensable. Une petite déception par rapport à ce que j’attendais de Matt.
Surprenant : c'est l'ami Jarvis Cocker qui s'installe discrètement en retrait, dans l'obscurité, pour nous offrir un DJ set étrange. Dans une ambiance spectrale créée par les lumières tantôt rouges, tantôt bleues, tandis que l'équipe de Baxter Dury installe le matériel, Jarvis nous offre une promenade étonnante, à travers des genres musicaux inattendus, voire improbables, en partant d'abord plutôt du côté des musiques américaines. Jarvis danse et s'amuse, sirote son verre de vin rouge, le public reste globalement indifférent. Les lumières s'animent, la musique devient plus dansante, il me semble que de plus en plus de spectateurs ont reconnu Jarvis… Qui nous fait explorer, chanson inconnue après musique absconse, sa riche discothèque personnelle. On termine sur un titre en français, lui aussi inconnu au bataillon. Dommage surtout que tout cela se soit un peu trop éternisé… Merci quand même, Jarvis...
21h45 : Le public a commencé à manifester bruyamment son impatience, et je me dis que le set de Baxter Dury sera forcément court, puisqu’il ne reste guère que 1h15 jusqu’aux 23 heures. Le personnage qui déboule alors sur scène ne correspond pas tout-à-fait à l’image de dandy décavé que je me faisais jusqu’alors de lui : certes, Baxter a revêtu le costume-cravate de circonstance, certes il porte une barbe de plusieurs jours, mais son attitude semble directement héritée de 1977, soit l’époque où son papa triomphait dans les charts. Oui, ce mélange d’ennui, d’arrogance, de provocation minable – les bisous bruyants, la bouteille de vin rouge, qui sera vite torchée, et le verre à la main, l’indifférence envers le public, les poses ravagées et excessives au micro : punk’s not dead ! Et la manière rageuse, avec une électricité un peu mauvaise, dont les titres – magnifiques – de “Happy Soup” sont balancés d’entrée de jeu, on est quand même assez loin du crooner cynique qui remonte la dune brûlante de la vie que “Prince of Tears” avait imposé. Et vous savez ? C’est très bien comme ça ! Je me prends au jeu, et je caresse un rêve étrange : et si Baxter nous offrait un petit hommage filial et sa version à lui de Sex and Drugs and Rock’n’Roll, ça aurait de la gueule, non ?
Pendant que Baxter écluse sa bouteille de rouge, tantôt au verre, tantôt au goulot, jetons un coup d’œil au groupe qui l’accompagne : dans le fond, à gauche un jeune guitariste dont le jeu flamboyant va littéralement illuminer les morceaux les plus nerveux ; au centre, le plus vieux pote de Baxter, à la batterie (combien d’années d’amitié, déjà ? Baxter nous l’a dit mais je ne m’en souviens plus…) ; à droite, un autre jeune en costard, grand échalas qui vient juste de se marier, apprenons-nous. Devant, trois claviers, Baxter étant entouré de deux jeunes et jolies créatures, dont Madelaine Hart, juste devant moi : elles sont surtout chargées d’assurer l’importante contribution vocale féminine aux chansons de Baxter. Et sur le brillant et hypnotique Porcelain, nous avons même droit à l’apparition au micro de Rose Elinor Dougall : « Porcelain boy / You're just a lonely motherfucker / Porcelain boy / I don't give a shit about you… »
Porcelain, justement, marque le début de l’interprétation intégrale de “Prince of Tears”, forcément le gros morceau de la soirée, qui ravit évidemment le public (même si le balcon du Casino de Paris est à demi vide, la fosse est bien pleine, complète paraît-il…)… et qui marque un basculement du concert pas forcément bénéfique. Car les petites vignettes absurdes, cruelles et drolatiques de l’album s’avèrent assez frustrantes sur scène : moins rock, trop courtes, faisant définitivement moins de sens, ces chansons aux mélodies pourtant bien troussées emportent le set vers un autre univers, moins rock, moins intense… même si Letter Bomb marque une tentative de Baxter de relancer la machine… euh infernale.
Au bout d’une heure à peine, le set principal est bâclé, et Baxter a abandonné la pose punk depuis un moment, et se révèle désormais affable et souriant… à mois que cela ne soit l’influence de la bouteille de vin rouge éclusée ? Aurait-il le vin joyeux, l’ami Baxter ? Toujours est-il qu’on aurait bien aimé que Miami, en conclusion, soit porté par une vraie rage… Car « I'm the turgid fucked-up little goat / Pissing on your fucking hill / And you can't shit me out / 'Cos you can't catch me / 'Cos you're so fat / So fuck ya / I'm Miami ! », accompagné de quelques glaviots bien gras millésimés 77, ça aurait quand même eu de la gueule, non ?
Le rappel commence bien, avec un Cocaine Man nerveux, mais se conclut trop vite avec Prince of Tears, bien trop évident et sans grande âme. Il est 23 heures, et la petite troupe plie bagages, alors qu’il me semble qu’un second rappel moins formel aurait permis de conclure la soirée sur une plus high note.
Bref, même si tout cela était loin d’être mauvais, une légère frustration nous envahit au moment de quitter la salle. Et un doute : Baxter serait-il plus un artiste à savourer sur disque qu’en live ? »
La setlist du concert de Baxter Dury :
Isabel (Happy Soup – 2011)
Listen (Prince of Tears – 2017)
Leak At The Disco (Happy Soup – 2011)
Happy Soup (Happy Soup – 2011)
Trellic (Happy Soup – 2011)
Picnic On The Edge (Happy Soup – 2011)
Porcelain (Prince of Tears – 2017)(with Rose Elinor Dougall)
Mungo (Prince of Tears – 2017)
Letter Bomb (Prince of Tears – 2017)
Almond Milk (Prince of Tears – 2017)
Oi (Prince of Tears – 2017)
Wanna (Prince of Tears – 2017)
August (Prince of Tears – 2017)
It's a pleasure (It’s a pleasure – 2014)
Palm Trees (It’s a pleasure – 2014)
Miami (Prince of Tears – 2017)
Encore:
Cocaine Man (Floorshow – 2005)
Prince of Tears (Prince of Tears – 2017)
Chronique publiée à l'époque du concert sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2018/05/20/live-report-baxter-dury-au-casino-de-paris-le-17-mai-2018/