The War on Drugs - Lundi 6 Novembre 2017 - Bataclan (Paris)
« The War on Drugs, c'est un groupe que j'ai envie de voir sur scène depuis une paire d'années, leur épique “Lost in the Dream” ayant quand même bien enflammé la planète rock en 2014-2015. “A Deeper Understanding”, le nouvel album, s'est avéré moins spectaculaire, mais peut-être plus profond, plus personnel que le précédent, qui revisitait de manière indie les cavalcades lyriques de Springsteen et les élans poétiques de Dylan. Mais, entre les montages obsessionnels en studio d'Adam Granduciel (The War on Drugs, c'est lui, et personne d'autre, depuis le départ en 2008 de Kurt Vile...) et un concert en format groupe, il y a un écart que je me réjouis et m’inquiète (un peu) de voir comment il sera comblé ce soir...
Je suis à peine entré dans le Bataclan et installé confortablement à la crash barrier, un peu sur la gauche, que The Barr Brothers (de Montréal, et a priori rien à voir avec Jean-Marc…) entament leur set. Avec une bonne demi-heure d'avance sur l'horaire annoncé sur les billets puisqu'il n'est que 19h26. Et nous ne sommes encore qu'une petite cinquantaine dans la salle, même si le concert de The War on Drugs est sold out ce soir... il y a d'ailleurs sur scène une accumulation assez incroyable d'instruments, de micros et d'amplis puisque les deux groupes sont plutôt bien équipés ce soir... Bon, la musique des Québécois n'est pas inintéressante, très seventies, dans un esprit folk assez rudimentaire malgré l’électricité, et avec de longs morceaux un peu atmosphériques illuminés par de belles parties de guitare… Parties de guitare qui sont quand même le principal attrait du groupe. La voix du leader, Brad Barr, qui parle français mais chante en anglais, est assez belle, plutôt douce, et évoquera un peu celle de Don McLean sur le morceau le plus acoustique du set. La grande faiblesse du groupe c'est l'absence de compositions marquantes, de mélodies un peu accrocheuses... qui, conjuguée à un niveau d'énergie assez bas, résulte dans une douce torpeur qui nous envahit peu à peu. Pas tout à fait de l'ennui, non, mais quand même... il n'y a pas de quoi s'exciter outre mesure...
20h30… et Adam Granduciel lance son set. Il est accompagné de pas moins de cinq musiciens, dont un batteur courageux puisque condamné à frapper comme un damné pour reproduire les beats métronomiques de l'album, et un bassiste au swing irrésistible, qui, placé pas trop loin de moi, assurera toute la soirée une rythmique spectaculaire et superbe ! Sur certains morceaux, nous aurons donc droit à trois claviers, sur d'autres à deux guitares, et régulièrement à des cuivres. Mais la grande caractéristique de The War On Drugs en 2017, c'est cette masse sonore compacte, au sein de laquelle on distingue assez peu le rôle de chaque instrument, et qui est reproduite magistralement sur scène. Mes appréhensions se sont donc vite envolées, et ce d'autant que le niveau sonore est élevé - en tout cas au premier rang - malgré les nouvelles normes qui me semblent être entrées en vigueur. D'ailleurs, derrière moi, je repère quelques spectateurs fragiles se bouchant les oreilles !
Bon, et Granduciel, alors ? Eh bien, avec son look de bûcheron canadien - cheveux longs en broussaille et chemise à carreaux rouge -, il évoque un Neil Young jeune, surtout lorsqu’il se tient voûté sur sa guitare pour en tirer ces sons déchirants et volcaniques qui le caractérisent. Il est en tout cas plutôt speed, l’ami Adam, loin de l'attitude laid back de Kurt Vile... La voix est impeccable, même si Adam est clairement concentré sur sa guitare, qui est le centre du spectacle ce soir : Adam changera d'instrument à chaque morceau, sauf dans la dernière ligne droite du set, et il est entouré de racks fort imposants de pédales d'effets.
La setlist sera composée ce soir en quasi-totalité de chansons des deux derniers albums, ce qui me va bien puisque je ne connais que ceux-là. “Lost in the Dream” sera interprété dans l’esprit du nouvel album, avec un son moins clair, plus surchargé, ce qui alourdit mais aussi complexifie les chansons. On démarre avec un enchaînement de six chansons du dernier album, dont le mini-tube Pain, qui illustre le fait qu’il y a régulièrement des mélodies superbes derrière la déferlante rock de The War on Drugs. Mais c’est l’accélération de An Ocean in Between the Waves qui change tout, qui matérialise ces montées en intensité caractéristiques du groupe : des cris de satisfaction, d’encouragement commencent à s’élever du public, et autour de moi tout le monde “headbangue” les yeux dans le vague… C’est LE trip ultime au cœur des grands espaces intimes de The War on Drugs, et puis le Bataclan bascule dans l’extase quand la guitare de Granduciel s’embrase. Putain ! Quelle puissance ! Quelle émotion ! Tout le monde hurle, et ça continue, ça monte, ça monte, et ça ne s’arrête pas ! Durant une petite dizaine de minutes, The War on Drugs est tout simplement ce qui se fait de mieux dans le domaine du Rock pur et dur en 2017. C’est aussi pour moi le meilleur moment à date de cette saison 2017-2018, et je me dis que, ça y est, c’est bon, je tiens le concert de l’année…
… Ce ne sera malheureusement pas tout-à-fait le cas, car le set va aligner les chansons superbes – comme par exemple Strangest Things, ma préférée, ou comme l’acoustique Buenos Aires Beach, seule rescapée du The War on Drugs des débuts – sans retrouver de telles hauteurs. Finalement, on a l’impression d’assister à un concert en permanence “au taquet”, mais qui reste à un niveau d’intensité constant sans réussir à exploser.
Il faudra attendre Under the Pressure (il me semble…) pour vivre une nouvelle explosion sonique, dans un crescendo éprouvant et envoûtant. Le Bataclan est en transe, le bonheur se lit sur tous les visages dans les premiers rangs. Je suis heureux de retrouver ces sensations dans cette salle qui m’en a déjà offertes tellement : comme si la malédiction du 13 novembre 2015 avait fini par être levée, exorcisée par la bonne musique et la joie d’être ensemble à vibrer dessus… Cette explosion, on l’imagine finale, parce qu’on a déjà bien dépassé l’heure et demi rituelle : et puis non, Granduciel enchaîne encore plusieurs morceaux, pour finalement arrêter net quand on arrive pile aux 120 minutes.
Pas de rappel, mais cela ne me gêne pas beaucoup que le groupe ne sacrifie pas à ce rituel devenu avec les années un peu absurde… Nous avons de toute manière été gâtés ce soir, peut-être même un peu au-delà de nos attentes.
Vous aimez le rock qui décoiffe mais qui parcourt nos espaces intimes à grand pas ? Si vous n’étiez pas là ce soir, c’est vraiment dommage pour vous ! »
Les musiciens de The War on Drugs :
Adam Granduciel – vocals, guitars, harmonica
David Hartley – bass guitar
Robbie Bennett – keyboards, piano, guitars
Charlie Hall – drums
Jon Natchez – saxophone, keyboards
Anthony LaMarca – guitar, keyboards
La setlist du concert de The War on Drugs :
In Chains (A Deeper Understanding – 2017)
Holding On (A Deeper Understanding – 2017)
Pain (A Deeper Understanding – 2017)
An Ocean in Between the Waves (Lost in the Dream – 2014)
Strangest Thing (A Deeper Understanding – 2017)
Nothing to Find (A Deeper Understanding – 2017)
Knocked Down (A Deeper Understanding – 2017)
Buenos Aires Beach (Wagonwheel Blues – 2008)
Red Eyes (Lost in the Dream – 2014)
Thinking of a Place (A Deeper Understanding – 2017)
Under the Pressure (Lost in the Dream – 2014)
In Reverse (Lost in the Dream – 2014)
Eyes to the Wind (Lost in the Dream – 2014)
Burning (Lost in the Dream – 2014)
You Don't Have to Go (A Deeper Understanding – 2017)