The Divine Comedy - Mercredi 25 Janvier 2017 - Les Folies Bergère (Paris)
« Comme souvent, voici un démarrage assez lent de la nouvelle année puisque le premier concert qui m'intéresse est le 25 janvier... Sauf que, cette année, un doute m’envahit : suis-je de plus en plus en décalage par rapport aux musiques à la mode, R&B, hip hop, électro, etc. ? Mais au moins l'année commence en véritable fanfare puisque c'est la Divine Comedy de Neil Hannon que je vais pouvoir applaudir ce soir, dans le précieux et vieillot petit écrin des Folies Bergère... Une salle où je ne suis pas venu depuis… 1986 quand même (!!), c'était pour un très beau set solo de Costello... Malheureusement, avec les places assises et numérotées ce soir, je n'ai pu assurer que le quatrième rang, tout à droite de la scène, sur un... strapontin ! Je me dis que ce sera probablement difficile pour les photos, mais bon, l'émotion musicale devrait être là, d'autant que le dernier "double" album - un peu schizo - de Neil ("Foreverland" / "In May") est une belle réussite.
Même en arrivant à 19h30, trente minutes seulement avant le début des hostilités, la salle rouge est quasi déserte, et les quelques spectateurs présents semblent tous avoir dépassé la quarantaine. Soit le genre de truc qui me déprime facilement, du fait des doutes que j’ai déjà mentionnés plus haut...
20 h : une jeune femme entre sur scène et entame – les poings sur les hanches, l’air furibard -, a capella, une ballade folklorique qu'on situe rapidement du côté de la verte Irlande. Sa voix forte et légèrement "aigre" évoque immédiatement la splendeur oubliée de Paula Frazer, de Tarnation, ce qui n'est pas rien... Elle s'appelle Lisa O'Neill, vient de Dublin et, malgré son air disons austère - une sorte de grimace de dégoût tord son visage aux moments les plus forts de ses chansons -, il s'agit visiblement d'une artiste plutôt fantaisiste et pince-sans-rire, quand elle nous raconte son premier saut en parachute ou la manière dont elle a fait revivre Elvis dans sa cuisine. Malheureusement, on ne peut pas dire que ses compositions soient réellement transcendantes, malgré l'intensité avec laquelle elle nous les offre. Au final, 30 minutes qui auraient pu être bien meilleures vu la singularité de l'intro, et qui ont viré au folk un peu routinier.
Ce qui est sympa ce soir, c'est qu'on profitera d’une Divine Comedy en version "electric band", soit une configuration que je n'ai pas vue depuis pas mal d'années (d'où encore plus de regrets de ne pas avoir assisté au concert avec cordes à la Maroquinerie, par pure stupidité : je pensais qu'il s'agissait d'un set acoustique solo !).
20h50 : cinq musiciens s’installent devant le grand poster de "Foreverland", nous aurons droit à deux claviers, une guitare, une basse et une batterie pour essayer de recréer la complexité des albums de The Divine Comedy. Chose amusante, tout le monde porte des vestes militaires à brandebourgs, pour rester dans le ton de l’album. Mais quand Neil Hannon entre à son tour, stupéfaction et… hilarité : il est vêtu de pied en cap en Napoléon Bonaparte ! Le groupe attaque Sweden, un titre peu entendu du mémorable album "Fin de Siècle", et l’on réalise tout de suite que cette soirée sera synonyme de plaisir : la voix de Neil est évidemment impeccable, et le groupe assure… on va dire correctement derrière : s’il n’est pas question de transcender les chansons, au moins il y a de l’énergie et même de l’enthousiasme (pas très visible sur les visages des musiciens, néanmoins, il faut bien l’admettre…). Le son est excellent, même s’il aurait mérité d’être plus fort. Sweden impressionne par sa majesté, avant que Neil n’entame la revue des titres de "Foreverland", avec l’hilarant How Can You Leave Me On My Own – mais sans les braiments de l’âne (même s’il me semble qu’il y a un âne en peluche quelque part sur scène…). Le ton est donné, la setlist de la soirée va alterner fantaisies drolatiques et morceaux plus ambitieux, sans néanmoins jamais aller trop loin dans la pure émotion – ce que regretteront sans doute certains fans. Il faut dire qu’avec une discographie aussi riche, et une palette d’humeurs aussi colorée, il est difficile de visiter en un peu moins de deux heures tous les styles de Divine Comedy !
Premier grand titre de la soirée, The Frog Princess, du chef d’œuvre qu’est "Casanova", premiers frissons, même si Neil s’amuse du fait qu’il joue ce titre à Paris, en multipliant les mini-citations de la Marseillaise au mélodica, et en symbolisant la chute du couperet de la guillotine par un blackout complet. Amusant… Quittant son tricorne qui lui tient chaud, Neil nous confie que sa manière à lui de s’amuser, c’est bien sûr de « s’habiller comme Napoléon pour donner des concerts ! ».
« Les fascistes sont de retour, il est temps pour nous d’établir un pacte ! », déclare Neil avant d’entamer la superbe valse de The Pact : nous applaudissons tous, même si cette mini-profession de foi, discrète et ironique, de la part de notre musicien Irlandais préféré n’a rien de surprenant… c’est quand même la première fois que je l’entends sortir de sa réserve souriante "d’entertainer". L’heure est grave… The Pact me fait tourbillonner le cœur, avant que The Divine Comedy nous offre le plus beau titre de "Foreverland", le magnifique To The Rescue. Un moment tout simplement parfait…
Ah oui, j’ai oublié de dire que, plusieurs spectateurs n’ayant pas fait leur apparition, je n’ai pas eu à occuper le strapontin, je dispose donc d’une vue parfaite sur la scène, et je suis en bout de rangée, ce qui devrait me permettre de gagner le premier rang dès que tout le monde se lèvera, ce qui arrivera à coup sûr.
Neil profite du final instrumental de The Certainty of Chance pour aller se changer et nous revenir en tenue typique de banquier, chapon melon, cravate fine et parapluie à la main : c’est le moment de nous moquer ensemble de la classe politique / financière britannique avec The Complete Banker et Bang Goes the Knighthood ! En repensant au scandale de la crise, il y a sept ou huit ans de cela, on est bien obligés d’admettre que les choses ont encore empiré depuis ! A noter la touchante pudeur de Neil, qui nous ayant gratifié du double doigt d’honneur anglais à la fin de The Complete Banker, s’excuse ensuite en disant « I did not mean that, I was only acting ! »…
Generation Sex secoue un peu le public, que je trouve personnellement un tantinet amorphe par rapport à la qualité du concert : en regardant autour de moi, je vois finalement peu de gens qui chantent les paroles des chansons. Mais où sont les fans, les vrais ? En tous cas, le bouleversant Our Mutual Friend lui permet de vernir s’asseoir parmi les spectateurs, dans une fauteuil vide : « Good band ! », remarque-t-il en regardant ses musiciens ! Mais ce sera Funny Peculiar, qu’il interprétera avec sa girlfriend Cathy Davey, qui nous offrira le meilleur gag de la soirée : la mappemonde qui trône sur la gauche de la scène dissimule en fait un bar, que Neil ouvre, et qu’il utilise pour confectionner des cocktails qu’il distribue à chacun de ses musiciens : encore une idée farfelue de notre amuseur romantique ! A Lady of a Certain Age, avec son texte magnifique sur le vieillissement et la vie qui passe, même pour les plus riches, est un autre sommet du concert.
At the Indie Disco, Neil empoigne – enfin – sa guitare électrique (même s’il dit « être trop vieux pour ça ! »), et la température monte d’un cran dans les Folies Bergère : tout le monde se met debout, j’en profite pour courir au premier rang, soit un bien meilleur endroit pour terminer le set qui entre dans sa dernière ligne droite : du tube – en France – que fut Alfie jusqu’à l’irrésistible National Express, le concert se termine logiquement par sa phase la plus expansive… ce qui, on le sait, n’est pas le plus facile pour Neil, qui est toujours un (tout) petit peu coincé, et ne se lâche pas facilement. On le verra pourtant ce soir avec des attitudes rock’n’roll qui montrent son plaisir d’être là.
Magnifique premier rappel – les musiciens sont à peine sortis de scène qu’ils sont de retour, surprenant tout le même – avec le génial Assume the Perpendicular, injonction à la résistance qui sonne encore plus pertinente aujourd’hui, et une spectaculaire version très théâtrale de A Drinking Song, avec un Neil Hannon en pochard, verre de gin tonic (je crois…) à la main, plus vrai que nature.
Le second et dernier rappel comportera deux bijoux, le doux-amer Charmed Life, et le toujours fantastique décollage à la verticale qu’est Tonight We Fly, un moment de jubilation intense, qu’on aimerait à chaque fois bien plus long.
Voilà, ça aura été sans doute le concert le plus accompli de The Divine Comedy que j’aie vu, avec une setlist brillantissime de 26 chansons, nous offrant 1h55 de plaisir, de bonheur, voire même de franche hilarité. Bref, tout ce qui nous manque cruellement dans notre vie quotidienne en ce début 2017 plombé par les menaces politiques autour de nous.
En rentrant chez moi dans le froid tranchant de cette fin janvier, je me dis que The Divine Comedy, c’est quelque part (en plus de l’anti-morosité, évidemment…) l’anti-Trump, l’anti-FN, l’anti-Brexit en un seul cadeau musical enchanté : pas de politique au premier degré, non, mais l’intelligence et l’humour sont sans doute la meilleure façon de répondre aux extrémistes de tous bords. De continuer à vivre. Merci, Neil ! »
La setlist du concert de The Divine Comedy :
Sweden (Fin de Siècle – 1998)
How Can You Leave Me on My Own (Foreverland – 2016)
The Frog Princess (Casanova – 1996)
Catherine the Great (Foreverland – 2016)
Bad Ambassador (Regeneration – 2001)
Napoleon Complex (Foreverland – 2016)
The Pact (Foreverland – 2016)
To the Rescue (Foreverland – 2016)
The Certainty of Chance (Fin de Siècle – 1998)
The Complete Banker (Bang Goes the Knighthood – 2010)
Bang Goes the Knighthood (Bang Goes the Knighthood – 2010)
Generation Sex (Fin de Siècle – 1998)
Our Mutual Friend (Absent Friends – 2004)
Funny Peculiar (with Cathy Davey - Foreverland – 2016)
A Lady of a Certain Age (Victory for the Comic Muse – 2006)
Songs of Love (Casanova – 1996)
At the Indie Disco (Bang Goes the Knighthood – 2010)
Becoming More Like Alfie (Casanova – 1996)
Something for the Weekend (Casanova – 1996)
I Like (Bang Goes the Knighthood – 2010)
National Express (Fin de Siècle – 1998)
Encore:
Assume the Perpendicular (Bang Goes the Knighthood – 2010)
A Drinking Song (Promenade – 1994)
Absent Friends (Absent Friends – 2004)
Encore 2:
Charmed Life (Absent Friends – 2004)
Tonight We Fly (Promenade – 1994)
Chronique déjà partiellement publiée à l'époque sur le blog www.manitasdeplata.net