Slaves - Mercredi 2 Novembre 2016 - Trabendo (Paris)
« Bien agréable ma foi de retrouver le Trabendo, pour la première fois depuis... juin 2009 ! (Merde alors, tempus fugit !). Une excellente salle pour les "vrais" concerts de rock qui bougent et font du bruit. L'entrée a changé, elle se fait désormais via une passerelle qui surplombe le petit bâtiment rouge, mais sinon la géométrie un peu curieuse de la salle - avec la scène décalée sur la droite - est toujours la même. Ce soir, il y a une chose exceptionnelle ici, une barrière de sécurité pour éloigner le groupe des assauts du public que l'on a sans doute prévu très remuant. Pourtant, alors que la salle se remplit très, très doucement, je vois plutôt des jeunes femmes – public typique des concerts de rock anglais - et des vieux crabes comme moi, sans doute séduits par ce flash-back de l'épopée punk britonne circa 77 (nostalgie, nostalgie...). Je me poste quand même par prudence à l'extrême gauche, ce qui devrait me protéger un peu au cas où le moshpit soit particulièrement agressif ce soir...
Slaves, c'est une découverte quand même assez tardive pour moi, mais leur premier album, "Are You Satisfied?", a été l'un des petits plaisirs roboratifs de ces derniers mois, avec des mélodies vigoureuses et un esprit punk anglais rafraîchissant. Le second album m'a paru toutefois moins inspiré : la vieille malédiction des seconds albums aurait donc encore frappé ?
20 h pile, ponctualité anglaise oblige. Life : ils sont de Hull, Yorkshire (une ville qui restera éternellement dans le cœur des vrais rockers pour avoir été le berceau des fantasbuleux Housemartins, rappelons-le aux amnésiques et aux incultes !), et ils jouent du punk rock, by the book. Avec beaucoup (trop) de self-consciousness pour qu'on prenne au sérieux leur (fausse) brutalité et leurs anathèmes contre l'Angleterre, "pays de merde". Bon, c'est loin d'être désagréable, c'est plutôt bien joué (est-ce une qualité, d'ailleurs ?), c'est même plaisant : les types en noir, les crachats, les poses "déstructurées", les pas de danse parodiques, les admonestations, tout ça. Ce n'est malheureusement pas si énergique que cela le voudrait, et surtout, surtout on ne croit pas une seconde à leur spontanéité, à leurs convictions. Je ne pense pas qu'ils iront trop loin, et qu'on dira un jour : "ah, Hull, la ville des Housemartins et de Life ! ". Non, non...
Il y a autre chose d’assez amusant ce soir, c’est qu’il y a une véritable foule de photographes qui se pressent entre la scène et la crash barrier : c’est la foire d’empoigne, et je sens l’ami Robert assez désabusé par rapport à cette situation… Sans parler du fait assez ridicule qu’on a l’impression pendant la première partie qu’il y avait plus de photographes que de spectateurs dans la salle ! Bon, quand arrive 21 heures, le Trabendo s’est quand même à peu près complètement rempli, et je suis satisfait de ma position dans mon coin gauche, juste devant les fûts de Isaac, qui sont placés au ras de la scène : je pense que je ne souffrirai pas trop de l’assaut des slammers !
21 h 00 : Précédés par une introduction enregistrée qui me semble loucher du côté hip hop, le duo de Slaves entre sur la scène du Trabendo, et le public, désormais bien compact et bien remonté, explose de joie : Isaac martèle ses fûts avec une assurance martiale tout en vociférant dans son micro, tandis que Laurie balance la purée avec sa guitare punky bien lourde et bien distordue. Première réaction : bon dieu, ça fait du bien ! Le son est fort, mais pas excessivement, malheureusement… et surtout l’énergie est bien là ! Quelle différence avec le “punk rock by numbers” de Life ! Avec Slaves, on retrouve la bonne vieille urgence du discours militant de nos chers Clash, modernisé grâce à l’intégration de sonorités heavy metal et d’un phrasé rap… mais le fond du discours reste le même : l’appel à prendre son destin en main (“Take Control !”) dans un pays – l’Angleterre – ou le libéralisme sauvage datant de l’époque Thatchérienne continue à être la règle.
Au troisième morceau, Isaac est déjà torse nu, il faut dire qu’il se démène comme un forcené sur son kit, et que le rythme ne faiblit pas. Les exhortations à la révolte fusent, mais dans un esprit bon enfant, sans réelle agressivité, ce qui fait que les nombreux pogos qui font rage au centre de la fosse restent quand même assez civilisés : pas de déclenchement de vraie bagarre comme c’est souvent le cas dans ce genre de concerts, tandis que les slammers, échouant à franchir l’espace entre la barrière et la scène, ont tendance à tourner tranquillement en rond sans venir menacer nos crânes au premier rang. Il faut quand même attendre le grandiose Sockets, le morceau qui invoque le plus les mânes du Punk ’77, pour que la folie explose vraiment dans la salle. The Hunter est le sommet suivant, un morceau redoutable, un peu plus complexe que la moyenne, avant que Cold Hard Floor, sur lequel Isaac tient la basse et Laurie part en vrille sur sa guitare, vienne montrer que Slaves a aussi le potentiel d’évoluer au-delà de sa formule basique actuelle…
L’irrésistible Cheer Up London, avec son refrain addictif et hilarant (« You’re dead, already dead ! », si, si !) met tout le monde en joie, avant qu’Isaac ne descende s’asseoir dans la fosse au milieu de ses fans, pour un unique moment de calme avant le déchainement final : Where’s your Car, Debbie ?, pour ceux qui savent, les fans de la première heure (je n’en suis pas, je l’avoue en toute humilité…) et surtout le magnifique Hey en conclusion hystérique, une grande chanson, qui permet – enfin – à Slaves de basculer dans le chaos. Trois minutes de bonheur punk, qui finalement engendrent un certain regret : ce set a été sans doute un peu trop maîtrisé pour son propre bien, Slaves ayant la capacité de retrouver la folie intégrale des grands groupes furieux du passé, mais reste un peu en deçà. A moins que ce ne soit ce concert particulier, excellent, qui a manqué d’un soupçon de déraison…
En tous cas, après un peu moins d’une heure de musique – mais c’est la règle quand on joue avec ce niveau d’intensité –, on ne peut que s’estimer satisfaits par Slaves. Espérons qu’ils résisteront à l’usure du succès et du temps, et qu’ils restent longtemps pour nous fournir notre dose régulière d’énergie et de colère ! »
Les musiciens de Life sur scène :
Mez – Vox
Loz – Bass
Mick – Guitar
Stew - Drums
La setlist du concert de Life :
Sugar God
Go Go Go
Rare Boots
Euro Millions
Membership Man
Ba Ba Ba
In Your hands
Popular Music
Les musiciens de Slaves sur scène :
Laurie Vincent (guitar, bass, vocals)
Isaac Holman (drums, bass, vocals)
La setlist du concert de Slaves :
Intro
How's Amelia? (Sugar Coated Bitter Truth EP – 2013)
Spit It Out (Take Control – 2016)
Gary (Skit) (Take Control – 2016)
Play Dead (Take Control – 2016)
Hypnotised (Are You Satisfied? – 2015)
Dave (Skit)
Despair and Traffic (Are You Satisfied? – 2015)
Rich Man (Take Control – 2016)
Sockets (Are You Satisfied? – 2015)
Lies (Take Control – 2016)
The Hunter (Are You Satisfied? – 2015)
STD's/PHD's (Take Control – 2016)
Take Control (Take Control – 2016)
Fuck The Hi-Hat (Take Control – 2016)
Cold Hard Floor (Take Control – 2016)
Cheer Up London (Are You Satisfied? – 2015)
Steer Clear (Take Control – 2016)
Where's Your Car Debbie? ("Where's Your Car Debbie?" single – 2014)
Hey (Are You Satisfied? – 2015)
Cette chronique a été partiellement publiée à l'époque sur mon blog manitasdeplata.net