Parquet Courts - Lundi 27 Juin 2016 - Gaîté Lyrique (Paris)
« J’ai eu un peu de retard au démarrage avec Parquet Courts, mais, tranquillisez-vous, depuis je me soigne : il s’agit quand même de l’un des meilleurs groupes de Brooklyn en activité – bon, à moitié texan, convient-il d’ajouter à ma décharge… -, et l’on sait bien combien Brooklyn est un petit coin de la planète généreux en talent musical ! En plus, sur disque, Parquet Courts, c’est un peu le rêve humide de tout fan de la scène musicale new yorkaise de ces 50 dernières années, une sorte de jam idéale entre le Velvet et les Ramones, avec une bonne louche de Television / Richard Hell… Et plus récemment, même si ça n’a pas forcément grand’chose à voir, quelque chose du Pavement de la meilleure époque. En fait, c’est de la musique aussi intelligente (certains diront "intello", en particulier parce que les textes sont largement plus ambitieux que ceux de 99% des groupes actuels) que brutale (punk forever !). Il était donc grand temps de les découvrir en live : c’est ma mission de ce soir, à la Gaîté Lyrique, une salle que j’aime décidément bien.
Les Parisiens seraient-ils en train d’être de plus en plus basés ? Toujours est-il qu’en me pointant 45 minutes avant l’ouverture des portes, je suis le seul. Et le premier ensuite à entrer dans la salle… ce qui évidemment simplifie la vie. Je me place un peu sur la droite, ne sachant pas a priori où jouera Andrew Savage : mauvaise pioche d’ailleurs, il sera de l’autre côté. Philippe me rejoint quelques minutes plus tard, la soirée peut commencer…
…et commence d’ailleurs à 20h avec un groupe français, Beat Mark, qui fait une sorte de new wave à peine modernisée : deux claviers au milieu, deux guitares de chaque côté, des vocaux mixtes qui peuvent évoquer les B-52’s ou X (en étant très gentil, tout de même), et derrière, une fille à la batterie qui frappe comme un bûcheron. Honnêtement, la musique de Beat Mark correspond tout-à-fait à ce que j’aime, mais je n’arrive pas à m’intéresser à tout cela pendant les longues 40 minutes de leur set. Les compositions ne sont pas folichonnes, les voix – sous mixées – sont banales, mais surtout le duo des chanteurs n’y met aucune conviction : c’est plutôt un festival de clins d’œil aux copains et à la famille dans le public de la part de la chanteuse, et une oscillation autiste perpétuelle de la part du chanteur, qui leur servent de jeu de scène. C’est un peu court, malgré la bonne volonté des guitaristes qui font un boucan, ma foi, bien agréable. Au final, Beat Mark est plus anodin qu’autre chose.
21h10, le quatuor de Parquet Courts entre sur scène, pour ce qu’ils annoncent être le dernier set de leur tournée. Deux constatations : les Parquet Courts, en adéquation complète avec les principes qu’ils défendent, sont sur scène comme à la ville, et dégagent une sympathique impression d’une bande de slackers venus ici avant tout pour rigoler ; ensuite, la configuration scénique est particulière, puisque c’est le bassiste, Sean Yeaton, qui est plein centre, alors que les deux chanteurs-guitaristes-compositeurs, Andrew Savage – petite peste au chant agressif - et Austin Brown – grande asperge décontractée - sont de chaque côté, se relayant donc derrière le micro suivant les chansons. Mais cela fait finalement du sens, car la basse grondante et impressionnante de Sean, qu’on ne perçoit pas autant sur les albums, est la magnifique colonne vertébrale de la musique de Parquet Courts, sur laquelle les guitares tricotent leurs accords biscornus et leurs soli saturés.
Le set commence par six morceaux d’affilée du dernier album, "Human Performance", et on comprend tout de suite que le respect des originaux n’est heureusement pas la tasse de thé des Frères Savage and Co. (oui, le batteur est le frangin d’Andrew…) : si les enregistrements studios peuvent être accusés d’être un peu trop fidèles au gospel du Rock de la Big Apple, sur scène, on jette tous les codes par-dessus bord, et on joue instinctif, voire régulièrement – dans la seconde partie du set – sauvage, justement. Parquet Courts expédie d’ailleurs rapidement les deux titres un peu plus "commerciaux" - si l’on ose dire – de l’album, Dust et Berlin Got Blurry, mais tous les titres sont finalement joués dans le même bon esprit : riffs de basse saignants – Sean fait le clown quasiment en non-stop sur scène, virevoltant comme une (grosse) ballerine, faisant moult révérences précieuses, au éclusant beaucoup de bières, et faisant des interventions assez strange au micro entre les chansons -, mélodies bringuebalantes traversées de soli stridents, vocaux sous-mixés, enchaînements abrupts entre les chansons…
Dans la salle, sans que ça soit tout-à-fait l’hystérie des grandes soirées punks, n’exagérons rien (on n’est pas chez les Black Lips, quand même…), il y a un petit mosh pit qui s’agite bien, et quelques slams bon enfant pour animer la soirée. On en arrive au superbe One Man No City, à mon avis sommet de l’album, qui va permettre à Austin Brown, devant nous, de nous gratifier d’un long solo "velvetien" du plus bel effet. A partir de là, le set s’emballe (même si Austin Brown nous gratifie d’un long récit de leurs déboires dans les transports en commun français en temps de grève… logiquement un sujet d’étonnement pour des Américains parcourant la France…), et Parquet Courts enchaînent les brûlots punks des albums précédents, à la plus grande satisfaction d’un public désormais bien chaud. Le concert s’achèvera avec des délires expérimentaux et bruitistes de Content Nausea, la tentative de musique improvisée et hors des sentiers battus, que le groupe avait publié en 2014.
Pas de rappel malheureusement – malgré les protestations du public qui en re-demande -, après une heure et dix minutes d’un set bien tassé, parfois décontracté, parfois intense, qui prouve qu’on a bien raison de suivre Parquet Courts, groupe sincère, original, perpétuant avec ténacité une certaine culture rock new yorkaise qui ne vieillit décidément pas. »
Les musiciens de Parquet Courts sur scène :
Andrew Savage : vocals, guitar
Austin Brown : vocals, guitar, keyboards,
Sean Yeaton : bass
Max Savage : drums
La setlist du concert de Parquet Courts :
Outside (Human Performance – 2016)
Dust (Human Performance – 2016)
Paraphrased (Human Performance – 2016)
Berlin Got Blurry (Human Performance – 2016)
I Was Just Here (Human Performance – 2016)
Captive of the Sun (Human Performance – 2016)
Master of My Craft (Light Up Gold – 2012)
Borrowed Time (Light Up Gold – 2012)
Yr No Stoner (Light Up Gold – 2012)
Dear Ramona (Sunbathing Animal – 2014)
One Man No City (Human Performance – 2016)
Pathos Prairie (Human Performance – 2016)
Human Performance (Human Performance – 2016)
Bodies Made Of (Sunbathing Animal – 2014)
Black and White (Sunbathing Animal – 2014)
Vienna II (Sunbathing Animal – 2014)
Keep It Even (Human Performance – 2016)
Psycho Structures (Content Nausea – 2014)
Light Up Gold II (Light Up Gold – 2012)
Sunbathing Animal (Sunbathing Animal – 2014)
Content Nausea (Content Nausea – 2014)
Chronique déjà partiellement publiée sur mon blog manitasdeplata.net