Juluka / éVoid - Décembre 1984 - Durban Pavilion Centre Exhibition Hall (Durban)
« Fin décembre, au Pavilion Centre de Durban, festival rock ! Wouaouh ! Et en plus, avec, hormis quelques groupes locaux copiant Bowie au mieux et Duran Duran au pire, Juluka et éVoid, les deux groupes les plus populaires – et les meilleurs – du pays ! Point négatif : le lieu, un vaste hangar métallique a la sonorisation approximative, et bien entendu, la marée humaine qui a déferlé pour l’occasion (ce sera dur de s’approcher de la scène pour prendre quelques photos, mais au moins, tout cela restera bon enfant…). Curieusement, Juluka, qui est quand même LE groupe important du pays, et joue en plus ce soir sur son terrain (la province du Natal est au cœur du territoire zoulou…), passe avant éVoid. Effet de mode ?
Les musiciens de Juluka – groupe multi-racial, soulignons-le, ce qui n’est pas évident dans un pays où, hormis dans le Natal justement, les lois de l’apartheid sont encore opérantes - sont de retour d’une tournée canadienne, qu’ils nous présentent comme triomphale (le Canada est apparemment depuis 1982 un pays où Juluka rencontre un vrai succès public, alors qu’en Europe, paradoxalement à cause du boycott anti-apartheid, ils n’existent tout simplement pas…), et retrouvaient cet après-midi avec beaucoup de plaisir leur public. Chantres d’une unité sud-africaine sans barrières raciales, mais aussi farouchement nationalistes, ce qui peut surprendre le spectateur européen, Johnny Clegg et Sipho Mchunu, son alter ego black, qui m’a semblé néanmoins légèrement en retrait au cours de ce set, terminent la plupart de leurs chansons irrésistibles par de brillantes démonstrations de danses traditionnelles zoulous : délire dans la salle, et plaisir général. Juluka prouve brillamment qu’on peut être un groupe politiquement engagé et pertinent tout en donnant avant tout du plaisir. Bravo !
Puis, lorsque Juluka quitte la scène sous un tonnerre d’applaudissements, les frères Windrich, Erik et Lucien, annoncent que éVoid s’exile en Angleterre, du fait de l’isolement culturel de l’Afrique du Sud ! …Venant ainsi a posteriori justifier l’anathème jeté par Johnny Clegg contre les jeunes blancs qui ne se sentent pas africains (on saura en fait un peu plus tard que les frères Windrich veulent surtout échapper au service militaire, on les comprend…). Mais qu’importe, ce concert d’adieu (?) fut grandiose, surtout grâce à la ferveur du public (adolescent et féminin), et éVoid rejouera son très beau Taximan une deuxième fois en rappel… Alors, good bye, éVoid, et merci ! »