Echo & The Bunnymen - Dimanche 2 Novembre 2014 - à la Sala HSBC Brasil (São Paulo)
« On court toujours le risque de devenir un vieux con, ou au moins le vieux con de quelqu'un, en s'accrochant plus que de raison à de vieilles habitudes, ou pire, de vieilles passions, alors qu'elles n'ont plus rien de pertinent. La musique est l'un des domaines où, nostalgie aidant (?), l'on tombe le plus facilement dans le panneau du « c'était mieux avant », alors que, rationnellement, ça ne l'était pas, bien sûr. Cela faisait encore du sens d'aimer Echo & the Bunnymen en 2002, l'année où je les ai vu en live pour la dernière fois, ici à São Paulo d'ailleurs (à quelques kilomètres du HSBC Brasil - où je suis ce soir - seulement...) : tous frais reformés, avec deux récents et brillants albums dans leurs bagages, Ian McCulloch, Will Sergeant et consors semblaient encore capables de bouffer le monde. Douze ans ont passé, sans un seul disque réellement digne de leur glorieux passé, et je ne peux guère justifier ma présence ici ce soir que par une fidélité un peu aveugle à de jeunes années... qui se sont évanouies depuis longtemps. Un vieux con, moi ? Le public autour de moi est pourtant bien plus jeune que moi, la trentaine disons, l'isolement culturel dramatique du Brésil faisant un événement de toute visite d'un groupe ayant été un jour un peu renommé... Même si, de fait, la salle mettra longtemps à se remplir ce soir, et si le concert ne sera a priori pas sold out.
20h20, vingt petites minutes de retard sur l’horaire prévu, Ian McCulloch, Will Sergeant et quatre acolytes qui n’ont aucune importance, qui n’intéressent personne, et qui ne feront rien de particulièrement intéressant non plus au cours de l’heure et quarante minutes qui vont suivre, entrent sur scène. Curieusement, il y a de la lumière sur les musiciens pendant le premier morceau, Meteorites, qui constitue une belle entrée en matière, mesurée et ample... Mais rapidement, on retrouvera l’obscurité habituelle des concerts de Echo & The Bunnymen, dramatique naturellement pour qui aurait envie, comme moi, de faire des photos, surtout depuis la droite de la scène où je suis placé ! L’ami McCulloch, dans son rôle bien connu d’emmerdeur public fera rapidement éteindre les grands écrans vidéo sur les côtés, histoire de bien passer les messages habituels : 1) le chef, c’est moi – 2) Echo, ça s’écoute, ça se regarde pas !
... Et on enchaîne avec une trilogie qui fait mal à la nostalgie : Rescue, Do It Clean et Never Stop. Malgré l’énergie efficace que dégage le groupe, la force des chansons qui n’ont vraiment pas vieilli, le son excellent comme toujours à l’HSBC Brasil, la voix intacte de McCulloch (d’ailleurs bien meilleure que sur « Meteorites », le nouvel album... !), et malgré les citations musicales qui agrémentent, dans le plus pur « style Echo » l’interprétation de Do It Clean, tout cela reste absolument froid, sans aucune magie. D’ailleurs le public paulistano, si prompt normalement à s’embraser, paraît très tiède, et le restera toute la soirée... Le pire est pourtant encore à venir, et même tout de suite : une reprise atroce de People Are Strange, avec un « pont » instrumental aussi laid que vraiment hors de propos, une interprétation « sing along » de Seven Seas qui prive la chanson de toute sa grandeur épique et romantique, puis une version hideuse, quasi funky, de Bedbugs and Ballyhoo, qui démontre l’inanité d’appeler le groupe sur scène « Echo & the Bunnymen » : non, on a droit ce soir – et depuis quelques années déjà – au spectacle d’un grand chanteur et d’un grand guitariste qui jouent ad lib pour un public déjà conquis de grands morceaux d’un passé bien loin derrière nous, accompagnés de musiciens professionnels qui n’ont rien, mais alors rien à voir avec ce que fut « l’esprit Echo ». Il faudra bien nous en contenter, car il n’y a rien d’autre à voir ou à entendre ce soir. Et il n’y aura clairement jamais plus rien d’autre non plus...
McCulloch sera quant à lui égal à lui-même ce soir : content d’être au Brésil (il aime le pays, on le sait), il se montrera plutôt souriant, caché derrière ses habituelles lunettes noires, et planté derrière son micro d’où il ne bouge quasiment jamais. Ses blagues, ou plutôt ses références à ses amis ou aux fans du groupe qui devraient être dans le public (dont l’incontournable Wayne Hussey, paulistano de résidence) sont la plupart du temps incompréhensible du fait de son accent liverpuldien à couper au couteau de Ian. Pourtant, on peut juger sa performance de ce soir comme « expansive », puisque Ian expédiera dans la foule des serviettes du groupe roulées en boule comme des ballons de foot, puis plus tard, partagera ses cigarettes... mais, plus sérieusement, nous offrira en ouverture de rappel un couplet de The Game, chanté a capella, pour répondre aux fans qui réclamaient cette chanson ! A noter aussi qu’il tiendra presque 40 minutes avant d’allumer sa première cigarette : du jamais vu !
Moi, dans mon coin, j’ai beaucoup de mal à rentrer dans le concert, et je n’ai guère que les magnifiques parties de guitare de Will Sergeant à quoi me raccrocher. Je regrette vraiment de ne pas avoir réussi à me placer en face de lui, le set aurait alors constitué un spectacle certainement plus intéressant... « Meteorites » n’est pas particulièrement mis à l’honneur ce soir, puisqu’on n’aura droit qu’aux (trop) évidents Holy Moses et Constantinople : une interprétation de Market Place en enchaînement avec un Over The Wall un peu plus dur aurait pu élever le set vers le niveau d’un « vrai » concert rock, plutôt que se contenter de l’interprétation polie des « standards » les plus évidents (ceux des quatre premiers albums...) du groupe ! D’ailleurs Ian et Will ne se risquent que très peu à jouer des morceaux postérieurs à la reformation de 1997, et c’est dommage : Nothing Lasts Forever avait pourtant bien belle allure en rappel, en medley avec une version « hommage » quasi intégrale de Walk On the Wild Side... qui m’a attristé en me rappelant que Lou Reed n’était plus avec nous.
Au final, ce soir, je dois admettre que même The Cutter, l’une de mes chansons préférées sans doute, ne m’a pas fait décoler, et que j’aurais fini par passer ce concert moyen par pertes et profits... s’il n’était pas arrivé, au cours des toutes dernières minutes du set, un vrai petit miracle : Ocean Rain, conclusion majestueuse - et couronnement de l’oeuvre de McCulloch / Sergeant - s’est mis d’un coup, contre toute attente, à décoler...
... Et j’ai senti mes yeux se mouiller, et deux larmes couler... Vieux con, va ! »
Les musiciens de Echo & The Bunnymen sur scène :
Ian McCulloch (vocals)
Will Sergeant (guitar)
Gordy Goudie (guitar)
Stephen Brannan (bass)
Jez Wing (keyboards)
Nick Kilroe (drums)
La setlist du concert de Echo & The Bunnymen :
Meteorites (Meteorites – 2014)
Rescue (Crocodiles – 1980)
Do It Clean (Crocodiles – 1980) / When I Fall in Love / Sex Machine
Never Stop (Songs to learn and Sing – 1985)
People Are Strange (The Doors cover)
Seven Seas (Ocean Rain – 1984)
Bedbugs and Ballyhoo (Echo & The Bunnymen – 1987)
Holy Moses (Meteorites – 2014)
Rust (What Are You Going to Do with Your Life? – 1999)
All My Colours (Heaven Up here – 1981)
Over the Wall (Heaven Up here – 1981)
Constantinople (Meteorites – 2014)
All That Jazz (Crocodiles – 1980)
Bring On the Dancing Horses (Songs to learn and Sing – 1985)
The Killing Moon (Ocean Rain – 1984)
The Cutter (Porcupine – 1983)
Encore:
The Game (A cappella) (Echo & The Bunnymen – 1987)
Nothing Lasts Forever (Evergreen – 1997) / Walk on the Wild Side (Lou Reed cover) / Don't Let Me Down / In the Midnight Hour / Coney Island Baby
Lips Like Sugar (Echo & The Bunnymen – 1987)
Encore 2:
Ocean Rain (Ocean Rain – 1984)