The Cure - Samedi 6 Avril 2013 - Arena Anhembi (São Paulo)
« Pourquoi aller voir The Cure en 2013, qui plus est dans un espace immense et en plein air ? Parce que, une fois encore, le choix de concerts à São Paulo n'est pas large ? Parce que Robert Smith, même bouffi par l’alcool et les années, a promis de jouer au moins 3 heures ? Parce que The Cure, même s'ils ne font plus de disques vraiment passionnants depuis 15 ans, ont été l'un des groupes les plus forts de la "new wave", et ont réussi, à la différence de tant d'autres, à conserver leur intégrité pendant trois décennies ? Parce que la dernière fois que je les avais vus, à Bercy, il y avait eu plus d'une heure (sur trois, quand même...) merveilleuse ? Un peu de tout cela, je suppose... J'imagine cette soirée comme une sorte d'adieu entre The Cure et moi, ce qui est rare parce qu'en général on ne sait jamais à l'avance quand ça s'arrête un groupe, un peu comme une histoire d'amour, non ? En fait, il va s’avérer que Robert Smith va brillamment déjouer mes plans !
En tout cas, tout se présente bien : contre la modique somme de 200€ environ (gurgl !!), Julio et moi faisons partie des privilégiés qui ont accès à la partie de la piste juste devant la scène, et en arrivant deux heures avant, j'ai réussi à m'assurer le premier rang, la barrière, sur la gauche, sous la sono, en quelque sorte ma place idéale... sauf qu’il s’avérera que le concert sera filmé et que la grue (la louma ?) de la caméra gênera beaucoup pour les photos...
Avant The Cure, nous devons nous payer deux premières parties d’un peu moins d’une demi-heure chacune : d’abord, à 18 heures, Lautmusik, un groupe de Porto Alegre tout-à-fait insignifiant qui joue un rock gothique / shoegaze bruyant sans aucune personnalité, avec une chanteuse qui ne sait ni chanter ni se tenir en scène ; ensuite, à 19 heures, alors qu’on pensait que The Cure feraient leur apparition, nous avons droit à Herod Layne, un combo paulistano, assez intéressant par contre, proposant un post rock bruitiste et instrumental (évidemment !) intriguant. Mais l’attente paraît bien longue jusqu’à 20 h 10, heure à laquelle Robert Smith et The Cure entrent en scène...
30.000 fans brésiliens (de tous les âges, avec pas mal de parents accompagnant leurs jeunes ados d’enfants, ce qui est sympathique et montre que le groupe a encore une vraie pertinence aujourd’hui...) en transe accueillent leur idole, qui n’est ici au Brésil que pour la troisième fois en plus de trente ans... L’intro du set est pourtant tous sauf « accueillante » : il faut attendre Lovesong en quatrième position pour qu’un titre plus connu soulage l’attente du public ! Le son est parfait, et permet de voir que la formation actuelle du groupe, avec en particulier l’arrivée de Reeves Gabrels, l’ancien complice de Bowie, à la guitare, sonne assez différemment du Cure « traditionnel »... plus clair, plus nerveux, plus rock : dès le début, et c’est là que Smith va me « cueillir », il est évident que The Cure ne proposera pas ce soir un show « nostalgie » avec crowdpleasers et retour vers le passé, mais au contraire un véritable concert, à la richesse musicale inattendue.
La set list est centrée sur une période pas forcément idéale de The Cure, les albums allant de « Kiss Me Kiss Me Kiss Me » à « Wish », et constituée en large majorité de morceaux un peu obscurs, qui sembleront ce soir mis en lumière par l’interprétation solide que le groupe va en donner. Pendant plus de trois heures (trois heures quinze au total, en fait) et 40 morceaux, The Cure va exiger de son public de l’attention, de la concentration, et ne va lui offrir que peu de moments « faciles », hormis le second rappel, qui va aligner les hits et les aussi les morceaux les plus bizarres de l’histoire du groupe, généralement peu joués sur scène au cours des années : je ne me souviens pas avoir jamais vu jouer Dressing Up, de « The Top », un album psyché et acide que j’adore, personnellement, ou Hot Hot Hot, la seule tentative funky de Robert Smith !
Evidemment, pour faire passer la pillule entre deux attaques soniques ou nerveuses, Smith saupoudre son set de morceaux plus « aimables », comme les inévitables Just Like Heaven, ou Lullaby (belle version, d’ailleurs...) qui réveillent la foule. Moi, je me débats avec la grue devant moi pour essayer de faire quelques photos potables, et j’essaye surtout d’ôter de mon esprit l’idée saugrenue que Robert Smith ressemble de plus en plus à une version « avec rouge à lèvres » de Depardieu ! Le genre d’idée qui fait mal... Non, je préfère regarder Simon Gallup, avec son look et son attitude « Clash circa 1980 », qui ne fait toujours pas son âge (52 ans), et est un vrai régal de bassiste, avec un son redoutable et un jeu de scène excitant ! Gabrels, lui, a évidemment pris un coup de vieux depuis les années « Tin Machine », mais va prouver sur les morceaux plus durs de la fin du concert (The Hungry Ghost, excellent, et Wrong Number, qu’il a d’ailleurs co-composé...) que sa réputation de guitariste fin et créatif n’est en rien usurpée.
Au sein d’un concert-fleuve aussi exigeant, chacun trouvera ce qu’il sera venu y chercher : pour moi, je me souviendrai d’une belle version heavy de Shake Dog Shake (« The Top », encore !), et d’un A Hundred Years toujours aussi malaisant après toutes ces années, avec des citations des guerres aillant émaillé l’histoire du XXème siècle...
Le premier rappel au bout de deux vingt est curieux, composé sans aucune concession de trois morceaux un peu anonymes de « Kiss Me Kiss Me Kiss Me », mais le second – et long – rappel apportera la conclusion que tout le monde attendait : l’enchaînement en continu des singles les plus accrocheurs, en alternance avec les petits délires pop psychédéliques qui ont agrémenté la longue carrière du groupe, va évidemment fédérer la foule. Ils ne sont pourtant pas tous bien interprétés, ces singles, l’approche très rock du groupe ne leur allant pas toujours bien, mais cela ne fait rien, on adore tous ré-entendre Lovecats ou Close to Me, non ?
Après une version assez quelconque de Boys Don’t Cry, Smith va clore la soirée avec deux tueries magnifiques, 10 :15 Saturday Night et Killing An Arab, nous laissant tous K.O... Bien joué, Robert ! Malgré le poids, ta voix reste toujours aussi touchante, émouvante souvent, toujours aussi marquante en général, et on adore quand tu t’énerves sur les chansons qui te permettent d’exprimer ta douleur, et on adore aussi quand tu danse comme un gros nounours ravi sur tes chansons les plus enfantines. Bien joué, parce que, honnêtement, je n’ai pas eu ce soir l’impression de voir un groupe en bout de course, regardant avec nostalgie dans le rétroviseur, mais au contraire une musique toujours vivante. Pas un adieu, donc ? ».
Les musiciens de The Cure :
Robert Smith – voix, guitare
Simon Gallup - basse
Reeves Gabrels – guitar
Roger O’Donnell – claviers
Jason Cooper - batterie
La setlist du concert de The Cure :
Open (Wish – 1992)
High (Wish – 1992)
The End of the World (The Cure – 2004)
Lovesong (Disintegration – 1989)
Push (The Head on the Door – 1985)
In Between Days (The Head on the Door – 1985)
Just Like Heaven (Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987)
From the Edge of the Deep Green Sea (Wish – 1992)
Pictures of You (Disintegration – 1989)
Lullaby (Disintegration – 1989)
Fascination Street (Disintegration – 1989)
Sleep When I'm Dead (4:13 Dream – 2008)
Play for Today (Seventeen Seconds – 1980)
A Forest (Seventeen Seconds – 1980)
Bananafishbones (The Top – 1984)
Shake Dog Shake (The Top – 1984)
Charlotte Sometimes (Standing On the Beach – 1986)
The Walk (Japanese Whispers – 1983)
Mint Car (Wild Mood Swings – 1996)
Friday I'm in Love (Wish – 1992)
Doing the Unstuck (Wish – 1992)
Trust (Wish – 1992)
Want (Wild Mood Swings – 1996)
The Hungry Ghost (4:13 Dream – 2008)
Wrong Number (Galore – 1997)
One Hundred Years (Pornography – 1982)
End (Wish – 1992)
Encore:
The Kiss (Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987)
If Only Tonight We Could Sleep (Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987)
Fight (Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987)
Encore 2:
Dressing Up (The Top – 1984)
The Lovecats (Japanese Whispers – 1983)
The Caterpillar (The Top – 1984)
Close to Me (The Head on the Door – 1985)
Hot Hot Hot!!! (Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987)
Let's Go to Bed (Japanese Whispers – 1983)
Why Can't I Be You? (Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987)
Boys Don't Cry (Boys Don’t Cry – 1980)
10:15 Saturday Night (Three Imaginary Boys – 1979)
Killing an Arab (Boys Don’t Cry – 1980)
Chronique déjà partiellement publiée en 2013 sur mon blog manitasdeplata.net