The Joy Formidable - Mardi 22 Février 2011 - Moby Dick Club (Madrid)
« Ce soir, je suis content : je vais enfin voir l'un des groupes préférés de mon ami Gilles B, The Joy Formidable, je suis avec Juan Carlos au Moby Dick Club qui, malgré un son pas toujours parfait - un peu à l’image de la Maro à Paris - est une salle très sympathique, et en plus la température a remonté à Madrid, ce qui n'est pas du luxe après un hiver pluvieux et froid.
Les portes ouvrent tard ce soir, à 21 heures, mais je suis le premier à pénétrer dans la salle, pour me placer sur la droite, suivant les précieux conseils de Gilles. J'espérais ne pas avoir droit à des "teloneros" ce soir, c'est loupé, on devra en passer d'abord par Balthazar... Sauf que je n'avais pas vu le (B) sur l'affiche derrière le nom du groupe ! Et le (B), c'est pour Belgique, ce qui, tout de suite, rassure. Et de fait, Balthazar, c'est tout simplement impressionnant : une musique qui paraît surgie de nulle part, à laquelle on a bien du mal de trouver des influences, ce qui est formidable à mon avis. Trois guitaristes, un batteur superbe de sécheresse bondissante, une claviériste-violoniste jolie et sympathique (elle s’appelle Patricia et ne laissera pas notre ami Juan Carlos indifférent, on échangera quelques mots en français, il se trouve que le groupe est originaire de Gent !), pour une musique déstructurée et dissonante, et pourtant curieusement agréable, excitante même quand tout le monde chante en chœur ou quand la petite troupe semble s'affoler et entrer en transe. Chaque morceau nous surprend avant « de nous emballer en s'emballant », c'est à la fois ambitieux formellement et simplement réjouissant... Quelle belle surprise, quel joli groupe ! J'aime particulièrement le style vocal du chanteur principal et moustachu, quelque part comme un Dylan qui aurait trop écouté de hip hop. Sinon, pour essayer – quand même - de situer musicalement Balthazar, je tenterais un Talking Heads élevé au houblon et prompt à lever sa chope de bière, un XTC épileptique des débuts sans la pop, bref de la post-new wave sans rien de new wave. Je ne saurais pas vous dire mieux. 35 minutes et une belle découverte, et aussi la confirmation que la Belgique est aujourd'hui l'un des pays les plus "rock" d'Europe.
Pendant le changement de matériel, on nous fait un coup inédit au Moby Dick Club, celui de baisser un rideau entre nous et la scène, ce qui est non seulement ridicule, mais fortement déplaisant quand on a comme Juan Carlos et moi le nez collé à la toile nauséabonde ! Et en plus, la plaisanterie va durer plus d'une demi-heure !
Quand le rideau se lève, ma bonne humeur se dissipe : JC et moi sommes au ras de la batterie, placée juste devant nous, sur la droite et au ras de la scène. Et en plus, un membre de l’équipe technique du groupe vient d’emblée s’installer devant Juan Carlos, pour « protéger » le batteur d’assauts intempestifs du public sans doute... J’avais dû mal comprendre les instructions de Gilles, ou alors la scène est tellement petite que la batterie est forcément ainsi disposée, je ne sais pas… Mais bon, la joie - formidable - revient vite quand on se rend compte combien The Joy Formidable, c’est du brut et du sans concession ! Le niveau sonore est tétanisant, et me rappelle les heures épiques de My Bloody Valentine à Londres dans les années 90 (le genre de « plaisir » - si, si, pour moi, c’en est un ! – dont les Français sont désormais privés, du fait de la réglementation absurde de ce maudit pays…), et ce malgré la taille apparemment modeste des amplis de Ritzy, la blonde guitariste qui a conquis le cœur de Gilles B., et de son compagnon, le bassiste Rhydian. Il faut dire aussi que, à moins d’un mètre des fûts de Matt, le batteur qui cogne comme un sourd, l’impact sur nos tympans est redoutable, et le seuil de la douleur physique sera même atteint avant la fin du set de 55 minutes. Deux choses frappent d’emblée sur scène : d’abord les deux impressionnantes platines de boîtes d’effet devant Ritzy et Rhydian, qui annoncent qu’on n’est pas là pour rigoler, mais pour une bonne vieille overdose de bruit ; ensuite, bien entendu, Ritzy elle-même, minuscule bout de blonde platine, vêtue de manière très sexy ce soir, mais dont l’attitude des plus déterminée, voire virile, à la guitare, contraste furieusement avec son apparence. Je ne dirais pas que Ritzy est réellement mignonne, elle peut même par instants être un peu effrayante avec ses rictus « possédés », mais elle incarne clairement une sorte d’idéal féminin pour tous les fans de rock
bruitiste. En plus, elle a l’air de constamment s’amuser, qu’elle vienne au contact de Rhydian avec lequel elle a de courts échanges très physiques, ou qu’elle s’avance au contraire vers la batterie pour prendre des poses de « guitar hero(ïne) », renversée en arrière de manière spectaculaire. Le seul aspect négatif ce soir, c’est que les voix sont constamment noyées dans le maelström sonore – mis à part lors d'un morceau plus calme, 9669 – et qu’il est de ce fait plutôt difficile, quand on ne connaît pas les morceaux, de se faire une idée claire de leurs qualités. Comme ça, je dirais que mon impression est que la musique de The Joy Formidable est assez… euh… standard, entre noisy pop un peu planante par instants et fureur « grunge », avec quelques « hooks » comme sur Austere, le morceau qui a apparemment la faveur du public avec ses « Ah Ah Ah ». Non, ce qui transcende le tout, c’est vraiment l’énergie incroyable que le trio dégage, le côté « jusqu’au-boutiste » de la prestation scénique qui est assez enchanteur, il faut bien le dire. Pour moi, qu’importe si les compositions ne me touchent pas particulièrement, j’ai tout simplement l’impression d’assister à un « vrai » concert de rock, pas à un spectacle convenu comme tant de groupes qui se prétendent « sauvages » en donnent de nos jours : The Joy Formidable, c’est pour de vrai, et quand la musique s’élève par instants pour atteindre des sommets de brutalité, on frôle le grand concert. Dommage qu’il y ait dans la set list un petit passage à vide au milieu, avec quelques flottements dans l’ambiance, qui empêchent le sentiment d’excellence absolue. Le dernier morceau, Whirring, se termine dans une véritable apocalypse sonore, Ritzy et Rhydian bidouillant leurs pédales d’effets pendant que leurs instruments deviennent fous appuyés contre les amplis : c’est un GRAND moment… même si physiquement, on arrive à la limite de ce qu’on peut supporter soniquement parlant. The Joy Formidable reviendra pour un bref rappel, avec A heavy Abacus, une conclusion sans doute trop « traditionnelle » par rapport à ce qu’on vient de vivre avec Whirring.
Le temps de reprendre un peu nos esprits avec Juan Carlos, nous nous dirigeons vers le stand de merchandising, pour y constater que 1) le nouvel album de The Joy Formidable n’y est pas disponible 2) la jolie Patricia de Balthazar n’y pas non plus, ce qui attriste Juan Carlos. Le temps d’acheter le CD de Balthazar (« Applause »), et nous retournons au fond de la salle, devant la scène, pour discuter et nous faire prendre en photo avec Ritzy. Comme prévu, je me présente comme un ami de Gilles, le « parisien », un nom qui a l’air en effet de « dire quelque chose » à la blondinette atomique (LOL). Voilà une belle soirée qui se termine, nous sommes complètements sourds, Juan Carlos m’avoue finalement avoir préféré Balthazar à The Joy Formidable : petite nature, va ! »
Les musiciens de The Joy Formidable :
Ritzy Bryan – Vocals, Guitar
Rhydian Dafydd – Bass
Matt Thomas – Drums
La setlist du concert de The Joy Formidable :
The Everchanging Spectrum of a Lie (The Big Roar – 2011)
The Magnifying Glass (The Big Roar – 2011)
Austere (A Balloon Called Moaning – 2009)
The Greatest Light Is the Greatest Shade (A Balloon Called Moaning – 2009)
Greyhounds in the Slips (Single – 2010)
Buoy (The Big Roar – 2011)
Cradle (A Balloon Called Moaning – 2009)
9669 (A Balloon Called Moaning – 2009)
Whirring (A Balloon Called Moaning – 2009)
Encore:
A Heavy Abacus (The Big Roar – 2011)