The Black Box Revelation - Mercredi 2 Juin 2010 - Moby Dick Club (Madrid)
« Les Belges font mal, et on aime ça ! Sans encore adhérer sans restriction à la Belgophilie de mon ami Gilles, je dois avouer qu'il y a une énergie décomplexée qui caractérise la scène rock belge - quel que soit d'ailleurs le genre de musique dans lequel les groupes officient - qui tranche fort agréablement avec la pusillanimité française ou l'arrogance d'une musique anglaise qui s'auto-cite sans pour autant faire preuve de mémoire. Bon, The Black Box Revelation sont plus un groupe de scène - j'avais été très impressionné par leur tonitruante ouverture avant les Raveonettes - qu'un groupe d'albums, le dernier, "Silver threads" étant plus "agréable" que véritablement inspiré... Ce qui ne m'a pas empêché de faire du prosélytisme actif auprès de Juan Carlos et de Yannick, qui seront donc tous les deux ce soir avec moi au Moby Dick Club...
On est moins de dix dans l'accueillante coque du Moby Dick Club quand The Jet Set Chefs débutent leur set. Bon, autant être clair : c'est très mauvais. J'aime bien le principe : duo guitare à donf' et batterie en kit (qui se désintègre au fil du set) pour des éjaculations très précoces (1 minute et demi à deux minutes max par morceau) dans la lignée disons Sub Pop 90's (voir le t-shirt du chanteur) + Strokes + Wedding Present. J'aime moins l'incompétence crasse : guitare mal accordée, chant horriblement faux, batteur insuffisant, son de la guitare ultra-fort mais assez laid... Bref, on est dans l'amateurisme de troisième zone. Si ce n'avait été les problèmes techniques du batteur - divertissants - et quelques vannes (quand ils demandent quelle heure il est et que Juan Carlos leur répond qu'il leur reste 5 minutes, je surenchéris en leur disant qu'ils auront bien le temps de nous faire trois ou quatre morceaux, les mecs se marrent...), on se serait furieusement ennuyés. Passons...
Pour qui aime la guitare électrique, le mur du son, les boulons qui volent, il fallait être l'une des 50 personnes ce soir (oui, pas plus, quelle honte !) à assister aux 70 minutes incendiaires de The Black Box Revelation. Son parfait, extrêmement fort (illégal en France, nyark nyark) en dessous du seuil de la douleur mais capable de provoquer à la sortie de la salle d'inquiétants vertiges et autres symptômes de désorientation, intensité soutenue, virtuosité sidérante (aussi bien Jan Paternoster que Dries Van Dijck sont un régal pour les yeux aussi bien que pour les oreilles)… ce soir à Madrid, ça a été la fête du rock’n’roll. Départ sur les chapeaux de roue avec Run Wild, l’un des titres que j’aime le moins sur « Silver Threads », mais qui est absolument imparable sur scène, prouvant la distance entre album et live chez un groupe aussi « physique » que The Black Box Revelation. Paternoster enchaîne avec une version sismique de Where Have All The Mess Begun, et quand l’intensité monte encore à la fin du morceau, je me dis que ça y est, « on y est »… C’est alors que je remarque que je suis l’un des seuls à être collé à la scène, le maigre public se tenant à distance respectueuse, sans doute un peu effrayé par l’onde de choc produite par les trois amplis de Paternoster (dont l’un est curieusement orienté vers le mur du fond de la scène, sans doute une astuce pour créer une résonnance particulière). Paternoster alterne régulièrement entre trois guitares différentes, toutes les trois peu orthodoxes et magnifiques (mon ami Juan Carlos, fan de l’instrument, me dira à la fin qu’il n’en avait jamais vues de pareilles), tandis que Van Dijck déploie derrière ses fûts un jeu ample et spectaculaire : avec la même configuration que le groupe ( ?) précédent, le son a désormais une force, une complexité, une richesse telle qu’on se demande forcément pourquoi la plus part des autres groupes ont besoin d’être plus nombreux.
Le concert égrènera à partir de là la quasi intégralité de l’album, jusqu’au semi acoustique This Town Has Changed… avec Van Dick frappant ses peaux à main nues. L’intensité de l’ouverture est un peu retombée, mais, pour avoir vu le groupe il y a quelques mois, je sais que le vrai gros orage se prépare : I Think I Like You, premier single du groupe, met les fans dans la salle (eh oui, les cinquante personnes ou presque qui sont là connaissent visiblement bien le premier album de BBR) en transe, et à partir de là, on est parti pour une bonne vingtaine de minutes d’électricité échevelée. Paternoster vient chercher son public au bord de la scène (Yannick et Juan Carlos se reculent pour ne pas prendre un coup de guitare) et harangue les madrilènes qu’il trouve sans doute trop mous. Mon tube personnel du moment, Do I Know You, est enchaîné en souplesse, et je regrette un peu ce medley qui me prive de l’intro spectaculaire, mais bon… c’est un détail. C’est enfin I Don’t Want It, sommet de la soirée, synthétisant toute la puissance de BBR, avec un Paternoster en transe sur sa guitare, avec des accélérations qui font crier de joie le public, des riffs saignants, des solos qui déchirent les oreilles (j’ai noté d’ailleurs que Paternoster rajustait constamment ses bouchons d’oreille), bref tout ce que le putain de rock’n’roll doit être. On finit le set avec une longue version de Here Comes The Kick, un morceau qui, comme sur l’album, tranche avec le reste des titres : plus lent, plus « expérimental », il ne constitue certainement pas une conclusion à la hauteur de ce qui a précédé, même si je dois reconnaître qu’à certains moments délicieux, la guitare de Paternoster se rapprochait des sonorités apocalyptiques de celle de Neil Young… Quand on sait combien le son du Loner est inimitable, c’est un véritable exploit, sans doute possible techniquement grâce à l’impressionnant assemblage de pédale d’effets que Paternoster utilise…
BBR quitte la scène, et curieusement la sono diffuse immédiatement de la musique, indiquant qu’il n’y aura pas de rappel. Nous ne sommes pas nombreux dans la salle mais nous protestons tellement vigoureusement que la sono s’arrête et le duo remonte sur scène avec de grands sourires pour nous interpréter un ultime morceau que je ne connais pas, mais qui constituera une bien meilleure conclusion « sonique ». Jan et Dries discutent pendant les dernières mesures, l’un semblant vouloir continuer, l’autre pas, et le concert s’arrête finalement là, alors qu’on était tous bien chauds et bien déterminés à continuer… En photographiant la setlist que les raodies ont remis à un ami espagnol à eux, je me rends compte que nous aurions dû avoir droit à trois titres qui auraient terminé de manière bien plus appropriée ce très très beau set : est-ce la frustration de voir ce maigre public ? Est-ce la fatigue (il faut dire qu’il fait trente degrés à Madrid…) ? En tout cas, on aurait aimé ne pas quitter cette soirée avec un léger sentiment de « trop peu »…
Pour moi, ce set - qui aurait être presque pu être parfait - montre combien BBR est un groupe impressionnant, et un spectacle à ne pas manquer en live… Un spectacle que moi je ne manquerai pas, à l’avenir, c’est certain ! »
La setlist du concert de The Black Box Revelation :
Run Wild (Silver Threats – 2010)
Where Has All This Mess Begun (Silver Threats – 2010)
Gravity Blues (Set Your Head on Fire – 2007)
High On A Wire (Silver Threats – 2010)
5 O'Clock Turn Back The Time (Silver Threats – 2010)
Our Town Has Changed For Years Now (Silver Threats – 2010)
You Better Get in Touch With The Devil (Silver Threats – 2010)
Sleep While Moving (Silver Threats – 2010)
Love Licks (Silver Threats – 2010)
I Think I Like You (Set Your Head on Fire – 2007)
Do I Know You (Silver Threats – 2010)
I Don't Want It (Set Your Head on Fire – 2007)
Here Comes The Kick (Silver Threats – 2010)
Encore:
Set Your Head On Fire (Set Your Head on Fire – 2007)