Aerosmith - Lundi 1er Novembre 1976 - Pavillon de Paris (Paris)
Cette année, les fans de rock qui cogne n’ont pas eu encore beaucoup de raisons de se réjouir, si ce n’est du fait de l’explosion d’Aerosmith, un groupe qui a transformé mon été 1976 en fournaise, grâce à la fougue avec laquelle Tyler et Perry actualisent l’héritage stonien en le durcissant – un peu “hard” c’est vrai, pour moi qui n’aime pas vraiment le hard rock, mais bon, “Rocks”, c’est vraiment jouissif !
Pas question donc de manquer le passage d’Aerosmith à Paris, pour ce qui sera donc mon premier concert dans la capitale depuis mon arrivée en Septembre. Le Pavillon de Paris, Porte de Pantin, est une sorte de hall relativement lugubre en ce mois de novembre, mais la foule bigarrée qui l’envahit et qui a clairement envie d’en découdre me fait oublier la tristesse du décor.
La soirée commence assez mal avec Phoenix, un groupe anglais inconnu au bataillon, qui va se faire virer manu militari à coups de canettes. Eh les mecs, on est en 1976, et à Paris : ici, on ne plaisante pas avec le rock’n’roll, ça c’est sûr !
Ensuite Aerosmith déboule, et c’est le raz de marée ! Mama Kin ! Pure décharge d’adrénaline, son infernal – dans tous les sens du mot, vraiment pas très clair en fait... -, énergie démentielle, démultipliée par la ferveur du public. Même si je n’ai découvert que récemment toute la discographie d’Aerosmith, j’ai l’impression d’entendre une succession de chansons monstrueusement efficaces, de diamants “rock” - comme sur la pochette de l’album “Rocks” – qui nous vengent de tant de trucs mous et prise de tête écoutés ces dernières années... Oui, Aerosmith, c’est une œuvre d’utilité publique, ça devrait même être remboursé par la Sécu tellement ça fait du bien. Tout le monde autour de moi saute en l’air, le plancher de l’Hippodrome semble prêt à craquer, mais on s’en moque tous (un peu...).
Sans vouloir s’éterniser sur le sujet, on pointera le fait que les mecs d’Aerosmith ont un certain style, entre classe Rock et mauvais goût assumé : Steven Tyler est vêtu d’une sorte de combinaison moulante par forcément très sexy, mais dans laquelle qu’il se sent visiblement à l’aise pour sauter partout. Plus élégant quand même, le coup des foulards enroulés autour du pied de micro… Joe Perry rattrape le coup en se la jouant, très décontracté, “fils prodigue de Keith Richard”. On remarque aussi l’abondante chevelure blonde, quasi blanche de Tom Hamilton, un bassiste beaucoup plus expansif sur scène que la majorité de ses congénères…
Alors que le son s’améliore un peu au fil des morceaux, on en arrive à Sweet Emotion, l’une des tueries suprêmes de “Toys In the Attic” (Sweet Emotion / Walk this Way / Toys in the Attic, réparties judicieusement tout au long de la set list, qui constituent probablement le trio de tête de toute la discographie d’Aerosmith à date…) : une chanson fantastique, avec cette alternance de riffs hard efficaces et de pauses mélodiques, la voix de Tyler faisant merveille dans les deux registres, avec un beau dialogue finale entre les guitares de Perry et Whitford. Dream On est le seul moment calme du set, et même si on aime cette chanson spectaculaire et un peu caricaturale dans son emphase, il faut bien dire qu’on n’est pas là ce soir pour ça. Walk this Way est peut-être le titre le plus immédiatement efficace d’Aerosmith – et pourtant l’un des moins traditionnellement hard / rock’n’roll du groupe : « Just Gimme a Kiss … Like This ! » Le Pavillon de Paris tout entier danse. Petit bémol de ma part sur le traitement « robotique » de la voix, mais je ne suis pas fan de ce genre d’effets…
Toutes les chansons sont jouées sur un tempo plus rapide que sur les albums, sauf il me semble Same Old Song and Dance, qui s’avère du coup moins intense, jusqu’à ce qu’un magnifique solo de Joe Perry élève la chanson vers les sommets
C’est Train Kept a Rollin, l’un de mes titres préférés, qui lance la dernière ligne droite du set : après un démarrage pas aussi surpuissant que je l’espérais, ce classique des classiques décolle par la seule grâce des deux guitares entremêlées… décollage interrompu par un solo de batterie – heureusement très court –, avant la fameuse conclusion accélérée qui fait basculer la salle – et moi y compris – dans l’hystérie. Dernier solo tranchant et incendiaire à la fois de Perry, dernier couplet : « Train kept a-rolling all night long / With a heave, and a ho… ». Fabuleux !
Et puis, c’est enfin… Toys in the Attic, en version sur-speedée, Tyler tournoie autour de son micro. Perry est l’incarnation du super guitariste killer, Wham ban thank you ma’am ! Tyler balance son pied de micro dans tous les sens… et c’est fini. Le Pavillon de Paris n’est plus qu’un gigantesque hurlement.
On sort de là littéralement essorés, et on ne fait même pas attention aux rangées de flics qui surveillent avec leurs chiens que les voyous que nous sommes se dispersent sans encombre dans les rues sombres de Paris. Je viens d’assister à ce qui aura été sans doute au second meilleur concert de ma vie… après celui des Who à Gerland.
Décidément, 1976 est une année qui va bien se finir, je le sens !
Les musiciens de Aerosmith sur scène :
Steven Tyler : chant, harmonica
Joe Perry : guitare, chœurs
Brad Whitford : guitare
Tom Hamilton : basse
Joey Kramer : batterie
La setlist du concert de Aerosmith :
Mama Kin (Aerosmith – 1973)
Write Me a Letter (Aerosmith – 1973)
S.O.S. (Too Bad) (Get Your Wings – 1974)
Lick and a Promise (Rocks – 1976)
Big Ten Inch Record (Bull Moose Jackson cover)
Sweet Emotion (Toys In the Attic – 1975)
Rats in the Cellar (Rocks – 1976)
Dream On (Aerosmith – 1973)
Lord of the Thighs (Get Your Wings – 1974)
Last Child (Rocks – 1976)
Walk This Way (Toys In the Attic – 1975)
Sick as a Dog (Rocks – 1976)
Same Old Song and Dance (Get Your Wings – 1974)
Train Kept A-Rollin' (Tiny Bradshaw cover) (Get Your Wings – 1974)
Get the Lead Out (Rocks – 1976)
Movin' Out (Aerosmith – 1973)
The Peter Gunn Theme (Henry Mancini cover)
Toys in the Attic (Toys In the Attic – 1975)
Les photos illustrant cette chronique ne sont pas celles du concert de Paris, mais d'un autre concert de la même tournée...