Jeff Buckley - Mardi 14 Février 1995 - La Laiterie (Strasbourg)
« En ce milieu des années 90 où l’on a tendance à chercher les nouveaux artistes qui vont redonner un coup de neuf à notre « vieux » rock, un « ange » est apparu, qui fait fondre tout le monde : Jeff Buckley. Un album étonnant, « Grace », qui mélange une « grâce » vocale absolue avec des citations musicales disparates (on parle beaucoup de Led Zep, mais bon, cela ne me semble qu’un épi-phénomène...)... et voilà tout le monde qui crie au génie. Et je vais pouvoir juger sur place, car Jeff Buckley est programmé à ma chère Laiterie, le jour de la St Valentin, en plus !
Première évidence quand le jeune homme entre en scène : il est aussi beau, aussi élégant, aussi infiniment romantique qu’on le dit. Et quand il attaque Dream Brother, on est comme foudroyé : la voix est incroyable, à la fois sensible comme celle d’une femme, et puissante... Une sorte de voix parfaite, dont Jeff joue comme d’un instrument avec une concentration extrême, tout son corps vibrant à l’unisson. Oui, même si la musique est bien « rock », grâce aux musiciens compétents qui l’accompagne, on sent tout de suite qu’on est un peu dans un « ailleurs » par rapport à la musique qu’on a l’habitude d’écouter : la preuve, un silence absolu règne dans la salle, tout le monde semblant totalement suspendu aux lèvres de « l’ange »...
C’est sans doute Lilac Wine qui sera - pour moi tout au moins – le summum de ce set, la magnifique chanson de Nina Simone paraissant avoir été écrite pour Jeff Buckley (... plus à mon avis que le Hallelujah de Cohen, que la « pureté » absolue des vocaux de Buckley dépouille de son ambiguïté si importante...).
Je dois dire que, peu à peu, cet aspect « performance » extatique, cet embrasement émotionnel, ces mimiques tourmentées de Buckley... et tout, et tout... me gâchent un peu le plaisir du chant parfait. Je suppose que Buckley a besoin de ça pour pouvoir chanter ainsi, mais ce soir, j’aurais aimé, moi, un peu plus de simplicité. Et puis, honnêtement, les chansons de « Grace » ne sont pas toutes fantastiques, loin de là, même si Buckley pourrait chanter le bottin que ça serait fascinant...
Ce qui fait que, au risque d’en choquer quelques uns, je suis sorti de la Laiterie impressionné par le chanteur, mais pas forcément bouleversé par l’artiste. Un très beau concert, oui, mais pas encore la magie des grands. Mais bon, ce n’est pas grave, Jeff Buckley est encore bien jeune, et il sera passionnant de le voir mûrir. »
La photo a été prise par Patrick M. lors du concert parisien trois jours plus tôt... Merci à lui...
La setlist du concert de Jeff Buckley :
Dream Brother (Grace – 1994)
So Real (Grace – 1994)
Grace (Grace – 1994)
Mojo Pin (Grace – 1994)
Lilac Wine (Nina Simone cover) (Grace – 1994)
Last Goodbye (Grace – 1994)
What Will You Say
Eternal Life (Grace – 1994)
Lover, You Should've Come Over (Grace – 1994)
Vancouver
Kanga-Roo (Big Star cover)
Je n'en connais pas la fin (Édith Piaf cover)(Live at Sin-é – 1993)
Rock Me Baby (B.B. King cover)
Hallelujah (Leonard Cohen cover) (Grace – 1994)