Amy Winehouse - Lundi 29 Octobre 2007 - Zénith (Paris)
« On passera sur l'arnaque honteuse du transfert dans les dernières semaines du concert d'Amy Winehouse de l'Olympia au Zénith, opération rapace qui ne fait honneur ni à l'organisateur, ni à Amy. Au lieu de la belle mezzanine de Bruno C, nous voici donc parqués avec Vincent et les deux Gilles dans le "carré d'or" (ah ah) d'un hangar. Dehors il pleut pour nous rappeler que la Toussaint est une période sans pitié, et nous dedans, nous avons décidé de rire de tout cela.
Au lieu d'un DJ pendant 1 h 30 comme on nous en avait menacés un moment, nous aurons une véritable première partie, le même groupe allemand qui a joué au mariage de tante Simone et que votre belle-mère, enthousiasmée, a commandé pour la Bar-Mitzvah du petit.
Ils jouent du Bon Jovi, du Foreigner et de l’Emerson, Lake and Palmer comme s'ils étaient tombés dedans petits. Très professionnels, et même efficaces par moments : un coup de pop influence country and western, un coup de chœurs "je rêve que je suis U2 dans un stade", c'est-à-dire à peu près n'importe quoi. Ils s'appellent Raemon, une information fondamentale que je vous conseille d'oublier immédiatement. Putain de rock'n'roll ! Comme il fait chaud, on va boire un petit coup avec Vincent, qui me parle de sa passion pour les lapins de garenne qui parlent (ndlr : véridique !). Il y a une queue interminable devant les toilettes des filles ; il paraît que le stand de merchandising d’Amy vend des strings léopard. Bref, presque une soirée comme une autre au Zénith.
Ce qui va définitivement être différent ce soir, c'est ce à quoi on va assister : comme prévu, Amy Winehouse ne s'intéresse pas plus que cela au fait de chanter, et le peu d'égards qu'elle manifeste pour cette voix immense que la nature lui a donnée est tour à tour fascinant (comment peut-on chanter aussi bien en y mettant aussi peu de conviction ?) et rageant (pourquoi se faire suer, nous spectateurs, à assister à ces moments embarrassants de semi-débâcle ?). Jouer de la soul sans y mettre la moindre âme est sans doute le comble de l'ironie, mais je doute que la pauvre Amy, entre le brouillard de l'alcool et de la came, et l'absence visiblement complète de confiance en elle-même dont elle fait preuve, la savoure bien, cette ironie.
Derrière Amy, un groupe ultra-professionnel joue du jazz bon teint et réussit à rattraper les maints dérapages de la donzelle, voire à la remplacer quand elle disparaît en coulisses - soit à peu près à chaque chanson ! Le summum du ridicule est atteint quand Amy s'empare d'une guitare, dont elle ne sait visiblement que faire, et que son guitariste - avec lequel elle vient de passer plusieurs chansons à faire des "messes basses" - vient derrière elle, lui murmurer des instructions (?) pendant qu'elle chante, en pilotage automatique total.
Bon, dans les gradins, je me fais prodigieusement suer à écouter cette musique froide, et je décide d'aller voir de plus près ce qui se passe sur scène. De près, c'est encore pire, Amy est complètement flippée, visiblement en pleine angoisse, et, après une version incohérente de Back to Black où elle n'essaye même plus de chanter, se ridiculise complètement pendant la partie "cool" du show : elle ne se souvient plus du prochain morceau, puis elle en oublie les paroles, puis elle retourne dans le fond, sans doute tirer sur un joint pour se calmer les nerfs. Le pire, c'est que, à côté des gens consternés qui, comme moi, la huent, il y a visiblement tout un tas de gens qui trouvent ça très bien...
Arrive le moment où le groupe prend la main, sur deux reprises molles de chansons pourtant merveilleuses des Specials : Wondering now et Monkey Man, dont Amy ne souvient d'ailleurs plus non plus des paroles. Mais les choristes, superbes, dégagent une vraie énergie, et on a tous envie d'oublier notre pitié pour la naine aux jambes de sauterelle et aux gros seins qui ne fait maintenant plus rien sur la scène hormis essayer d'imiter ses choristes, et de danser un peu après ces 20 dernières minutes d'ennui profond. A partir de là, et après une suuuuuuuper longue introduction des musiciens (petit solo par ci, petit solo par là) pour laisser sans doute assez de temps à Amy d'aller prendre des amphétamines, le show se redresse, et les derniers titres, jusqu'à l'évident triomphe de Rehab, permettront au moins au concert de ne pas se terminer en désastre.
Je dois dire que je sors de là, sinon surpris (car, au-delà du rituel folklorique toujours plaisant de la déchéance des stars, les abus ont rarement produit de l'art, contrairement à la légende), tout au moins déçu : ce soir, je n'ai pas entendu de musique, nous avons juste assisté au triste gâchis d'une voix sublime : je n'avais plus envie de rire quand je suis sorti du Zénith. Il ne pleuvait plus, mais après qu'un couple de jeunes junkies complètement au bout du rouleau se soit vautré et ait presque gerbé sur Clément dans le métro, et que finalement on apprenne que quelqu'un s'était jeté sous les voies, interrompant le trafic de la ligne 9, il m'a fallu une heure et demie pour rejoindre la Rue du Ranelagh où j'avais laissé ma moto : une longue marche qui m'a laissé tout le loisir de méditer sur les vanités de l'existence, et les mille et une façons de sombrer dans la déchéance. Putain de soirée ! »
Les musiciens d’Amy Winehouse sur scène :
Amy Winehouse (Vocals, guitar?)
Dale Davis (Bass)
Hawi Gondwe (Guitar)
Xantone Balqc (Keys)
Henry Collins (Trumpet)
James Hunt (Saxophone)
Francis Walden (Baritone)
Heshina Thompson (Backing Vocals)
Zalon Thompson (Backing Vocals)
La setlist du concert d’Amy Winehouse :
Addicted (Back to Black - 2006)
Just Friends (Back to Black - 2006)
Tears Dry On Their Own (Back to Black - 2006)
He Can Only Hold Her (Back to Black - 2006) / Doo Woop (That Thing) (Lauryn Hill Cover)
Love Is Blind (Frank - 2003)
Cupid (Sam Cooke Cover)(D.Ed. Back to Black - 2006)
Back To Black (Back to Black - 2006)
Some Unholy War (Back to Black - 2006)
We’re Still Friends (Donny Hathaway cover
Cherry (Frank - 2003)
Wake Up Alone (Back to Black - 2006)
Love Is A Losing Game (Back to Black - 2006)
Hey Little Rich Girl (The Specials Cover)
You're Wondering Now (The Specials Cover)
Monkey Man (The Specials Cover)(Japan Ed. - Back to Black - 2006)
You Know I'm No Good (Back to Black - 2006)
Me And Mr. Jones (Back to Black - 2006)
Rehab (Back to Black - 2006)
Encore
Valerie (The Zutons Cover)(D.Ed. Back to Black - 2006)