Marianne Faithfull / The Nits - Vendredi 4 Juin 1982 - Olympia, Paris
« Il y a des soirées qui ne se passent vraiment pas comme prévu, et c’est là l’un des plus grands charmes de la musique « live », ce contingent de surprises. Je suis venu à l’Olympia ce vendredi soir pour voir enfin sur scène une légende vivante de la saga du Rock (avec une majuscule), la femme qui, dans l’orbite des Rolling Stones dans leur période la plus dépravée, a symbolisé le sexe et la drogue à elle seule : Marianne Faithfull. Et ce, à l’occasion de la sortie d’un album, oh certes pas grandiose, mais quand même assez entêtant, qui tourne en boucle sur ma platine depuis quelques mois, "Dangerous Acquaintances", composée de chansons tremblantes sur lesquelles la voix cassée de Marianne fait merveille. Car en 1982, Marianne fait de beaux disques calmes, vaguement moites mais pas vraiment sulfureux, et pose en femme mûre, qui a vécu mais est encore des plus sexy, cheveux mouillés et bouche pulpeuse. Oui, à l’Olympia, tout le monde – comme moi – est là pour voir Marianne, pour se repaître de sa réputation de déchéance (il y a d’ailleurs pas mal de journaleux et de branchés dans la salle de l’Olympia !)… Sauf que moi, ce vendredi, j’ai vécu un « petit grand choc » en première partie…
… la découverte d’un groupe néerlandais, The Nits, dont je pense qu’il va devenir rapidement l’un de mes groupes favoris. Il s’agit d’un quatuor de pop style new wave (je trouve personnellement des influences XTC très fortes, mais ça tombe bien, vu la passion que j’entretiens pour XTC !), un groupe a priori assez reconnu dans son pays, mais encore inconnu ailleurs. Comment vous décrire cette musique, qui m’a fait d’emblée une aussi forte impression ? Un mélange immédiatement passionnant de sons avant-gardistes, voire jazzy, et de mélodies pop accrocheuses… Et surtout des musiciens parfaits, dont j’ai admiré la technique impeccable – frôlant parfois l’exercice de virtuosité gratuite, ce serait le seul bémol que je mettrais à ce concert -, mais dont j’ai surtout aimé l’immense plaisir de jouer.
Il y a aussi ces parties vocales à deux, parfois très, très risquées : on est près du couac, de temps à autre, surtout de la part du second guitariste/chanteur, Michiel Pieters, qui ne me paraît pas avoir le talent de Henk Hofstede, le leader apparent du groupe (Cette configuration n’a pas été sans influencer la comparaison que je fais avec XTC, au sein duquel on retrouve un duo de chanteurs compositeurs à la dynamique / antagonisme similaire, Partridge et Moulding). Bref, tout cela est absolument stimulant et occasionnellement magnifique, et je sors de là en me disant que je vais m’empresser d’explorer la discographie de The Nits, en attendant de les revoir dans de meilleures conditions qu’en première partie !
Et c’est là que la soirée, divinement commencée, tourne mal : Marianne Faithfull, la légendaire vierge baisée par le diable (Jagger), la princesse ayant cristallisé les pulsions masturbatoires du cinéma underground des 60’s, celle qui revient littéralement de loin, de tout, de la mort presque… n’est plus qu’une fille ordinaire, fatiguée, dont la voix pour le moins limitée (c’est un doux euphémisme…) trahit à chaque instant des chansons pourtant belles, qui essaient de survivre au traitement que leur fait subir un groupe lourd, presque navrant (il faut entendre pour le croire comment le sublime Because the Night est littéralement cloué au sol par ces tâcherons…).
La setlist distribue à part égale le temps du concert entre les deux derniers albums de Marianne, ceux du "grand retour", et quelques reprises de bon goût ont été ajoutées, mais rien ne semble vraiment fonctionner ce soir, tout est poussif, peu inspiré. Figée, semblant même pétrifiée, ne sachant visiblement comment bouger, ni que faire de son corps, de ses mains, Marianne a tout de la nana devenue "star" et montée par erreur (bon, j’exagère, c’est vrai, mais il faut bien dire que sa tenue de scène est tout sauf sexy, non ?).
Bref, en quittant l'Olympia, je me suis dit que je n’écouterais plus les disques de Marianne Faithfull avec la même oreille… et que je n’écouterai peut-être même plus du tout les disques de Marianne Faithfull, d’ailleurs… A l’inverse, la soirée n’aura pas été perdue puisque j’aurai découvert The Nits ! »
Les musiciens de The Nits :
Henk Hofstede (vocals, guitar)
Rob Kloet (drums and percussion)
Michiel Pieters (guitar, vocals)
Robert Jan Stips (keyboards, backing vocals)
La setlist du concert de Marianne Faithfull :
Broken English (Broken English – 1979)
Sweetheart (Dangerous Acquaintances – 1981)
Intrigue (Dangerous Acquaintances – 1981)
For Beauty's Sake (Dangerous Acquaintances – 1981)
Tenderness (Dangerous Acquaintances – 1981)
Brain Drain (Broken English – 1979)
Witches' Song (Broken English – 1979)
Eye Communication (Dangerous Acquaintances – 1981)
So Sad (Dangerous Acquaintances – 1981)
Working Class Hero (John Lennon cover) (Broken English – 1979)
She's Got A Problem (new song)
For What It's Worth (Buffalo Springfield cover)
Guilt (Broken English – 1979)
Because The Night (Patti Smith cover)
The Ballad of Lucy Jordan (Shel Silverstein cover) (Broken English – 1979)
Why D'Ya Do It (Broken English – 1979)
Note : Les photos sont de Jean-Pierre V., que je remercie vivement d'avoir accepté que je les utilise ici.