The Legendary Tigerman - Lundi 28 Mai 2018 - Café de la Danse (Paris)
« Nombreux sont les rockers qui ont un certain mal à placer le Portugal sur la carte musicale, reléguant sans vergogne le pays le plus à l'Ouest de notre continent à sa célèbre tradition du fado. Au milieu de ce panorama peu favorable à d'excitation rock'n'rollienne, émerge la silhouette singulière de Paulo Furtado, leader des mythiques WrayGunn, et ayant endossé depuis 2002 les oripeaux de l'homme-tigre de la légende, acte de foi - en format one-man-band - en un héritage d'un rock'n'roll / blues, que l'on peut aisément situer quelque part du côté de nos très chers Kills. Il était temps d'aller voir tout cela vivre sur scène à l'occasion du passage de The Legendary Tigerman au Café de la Danse.
Nulle surprise à nous retrouver ce soir entouré de Portugais manifestant leur solidarité nationale, et de quadra / quinquas avant fait définitivement vœux de fidélité à Elvis… quand il ne s'agit pas de quadras et quinquas portugais... Le Café de la Danse est devenu depuis mon dernier passage (9 ans déjà…) une salle tout à fait fréquentable avec la disparition des sièges de la fosse et une scène relevée à une hauteur décente. Mise à part la température excessive en ces jours de printemps orageux, tout va bien !
20 h : Kepa monte sur scène armé de deux dobros, d'un harmonica et d'une sorte de petite planche électronique lui servant de base rythmique. Il ruisselle déjà littéralement dans sa veste de velours trop épaisse (il s'en plaint en riant mais ne la quittera pas des - longues - 40 minutes qui vont suivre…), et attaque son set solo en sifflotant, puis en nous offrant une belle chanson mélancolique et de bonne tenue, alliant sonorités traditionnelles (le dobro, inévitablement) et ambiance cinématographique. L'animal est concentré, tout en retenue, chante et joue plutôt bien, et on se dit qu'on va passer un bon moment en sa compagnie. Malheureusement Kepa décide alors de se transformer en comique troupier, ou au moins en fantaisiste musical : blagues un peu déplacées (le comble étant atteint quand il compare le stand de merchandising de The Legendary Tigerman à un supermarché alors que lui tient une épicerie de quartier, forcément plus sympa...), grimaces clownesques, démonstrations interminables à l'harmonica présentées comme une sorte de numéro de cirque... rien ne nous sera épargné. Le public jubile d'ailleurs, à ma grande surprise ! Où est la musique là-dedans ? Pourquoi Kepa ne fait-il pas confiance à son propre talent de musicien ou même au charme - certes limité - de ses propres chansonnettes un peu absurdes ? Bref, c'est assez désagréable de futilité, et du coup c'est littéralement interminable...
21 h : Configuration groupe pour le projet de Paulo Furtado – ce qui est semble-t-il le cas depuis quelques années déjà -, et c'est évidemment très bien comme ça ! Paulo à la guitare et au chant, un peu caché derrière un volumineux double micro juste à ma droite, plus un trio basse - batterie - saxo qui va jouer serré et pugnace tout au long de la soirée. Paulo a un look un peu décati, vu que l'approche de la cinquantaine ne lui a pas fait plus de bien qu'à nous, et la moustache façon balais-brosse qu'il arbore désormais ne cadre pas très bien avec son habituelle arrogance de rocker bête de sexe et briseur de cœurs... Derrière The Legendary Tigerman, un grand écran sur lequel passent de petits films à l'esthétique Super 8 (façon clips artisanaux) célébrant les aventures d'un Paulo définitivement plus jeune. Et pourquoi pas ?
Le set commence bien avec The Saddest Girl on Earth, l'un des très bons titres de "Misfit", le nouvel album un peu irrégulier de Paulo. Son impeccable, approche rentre-dedans du groupe, enthousiasme général du public, tout va bien, même si l’on se rend vite compte que la voix de Paulo n'est pas particulièrement marquante. Avec ses célèbres lunettes et son style vestimentaire 50's, Paulo perpétue la légende de l'homme-tigre, entre Nashville et tous les garages du monde où se célèbre le culte du rock et du blues des origines. Paulo nous parle en français et en anglais, mais vu de près, on ne peut pas dire que l'homme irradie la sympathie et l'amour de son public, pourtant plus que bienveillant !
& Then Came The Pain, premier extrait de l'excellent album de duos "Femina" (datant déjà de 2009 !) permet à Paulo de nous prouver qu'il a toujours des contacts avec de belles femmes puisque Phoebe Killdeer (ex-Nouvelle Vague, pour ceux qui l’ignoreraient) fait son apparition sur scène pour recréer le duo original. Sexy et sympathique. Plus tard, Lisa Kekaula des Bellrays interprétera de sa belle voix soul The Saddest Thing To Say, mais en mode virtuel, le groupe accompagnant cette fois une vidéo de la puissante chanteuse ! Et enfin, nous aurons droit à l'apparition de la cultissime Maria de Medeiros, toujours aussi mignonne, pour une version malheureusement pas très bonne de l'increvable These Boots Are Made for Walkin'. Voilà donc pour "Femina"...
Les hauts - tel le jouissif et très garage "proto-Kills" (et hommage au film "Rumble Fish" de Coppola) Motorcycle Boy - et les bas - le poussif Holy Muse - rythment un set certes nerveux mais indiscutablement un peu creux. Et qui peine décoller. Et on entre déjà au bout d'une quarantaine de minutes dans la dernière ligne droite, avec des morceaux plus "funs" (Dance Craze...) et très, voire trop étirés, faisant la part belle à des duels fumants entre la guitare de Paulo et le saxo. Plutôt excitant a priori mais un peu lourd à la longue... même si heureusement le public (des premiers rangs) est maintenant à donf et contribue au spectacle. Paulo se vautre au milieu d'un solo et d'une pose acrobatique, et de près, je vois que ça ne contribue pas à sa bonne humeur... Il demande que l'on allume les lumières de la salle pour pouvoir exhorter les gens des gradins à venir danser dans la fosse : peine perdue ! Au bout d'une heure le set est bouclé et le rappel ne met pas le feu comme il le devrait. Devant l'insistance du public frustré, Paulo reviendra en quasi solo - accompagné en fait de son saxophoniste - nous interpréter A Girl Called Home, une "Misfit ballad" peu inspirée. Et c'est fini.
Petite déception donc que ce concert peu consistant, parcourant en mode pilotage automatique les codes éternels d'une musique qui a besoin de plus de folie et d'enthousiasme pour renaître. Soit Paulo n'est pas assez tranchant (comme le sont The Kills, justement), soit il n'est pas assez festif (comme savent l'être nombre de groupes de garage), mais ce concert n'a jamais créé l'évènement ni dans nos jambes ni dans nos cœurs.
« Stone cold coolness / Under darkened skies / Clock keeps ticking / It’s time for a gang fight / Small town boredom / No way to leave / Fight like a rumble fish / It’s time to kill / Danger! Danger! / She said / The Motorcycle Boy reigns »
La setlist du concert de The Legendary Tigerman :
The Saddest Girl on Earth (Misfit – 2018)
Child Of Lust (Misfit – 2018)
Naked Blues (Naked Blues – 2002)
& Then Came The Pain (with Phoebe Killdeer) (Femina – 2009)
Motorcycle Boy (Misfit – 2018)
Holy Muse (Misfit – 2018)
The Saddest Thing To Say (Femina – 2009)
Gone (Femina – 2009)
Fix of Rock N'Roll (Misfit – 2018)
These Boots Are Made for Walkin' (Lee Hazlewood cover) (With Maria de Medeiros) (Femina – 2009)
Dance Craze (True – 2014)
21st Century Rock 'N' Roll (True – 2014)
Encore:
Black Hole (Misfit – 2018)
Encore 2:
A Girl Called Home (Misfit Ballads – 2018)
Cette chronique a déjà été publiée à l'époque du concert, partiellement ou en intégralité, sur les blogs suivants : manitasdeplata.net et benzinemag.net