Blues Pills / Editors / Sum 41 / Iggy Pop / Foals - Dimanche 28 Août 2016 - Parc de St Cloud / Rock en Seine 2016
« Pas question d'arriver trop tard cet après-midi de dimanche (troisième et dernier jour de Rock en Seine 2016), car je ne tiens pas à manquer le groupe qu'est aujourd’hui Editors, après des années d'oubli (de ma part) et avec un nouveau line-up par rapport à la grande époque. Je débarque donc à la Grande Scène vers 14h45, je me place au premier rang sur la gauche, ayant repéré que le soleil n'atteignait pas encore ce secteur. Je suis en fait un peu moins bien placé que vendredi, un peu plus excentré mais il n'y a pas de quoi se plaindre : être à la barrière est une garantie de confort physique, ce qui est capital quand on compte passer plus de 9 heures au même endroit sans bouger…
Sur scène, les Suédois de Blues Pills ont entamé un set de classic rock très 70's qui s'avère loin d'être désagréable : certes il y a plus de transpiration que d'inspiration, mais la chanteuse (Scandinave blonde comme on les rêvait lors de notre adolescence) a la voix qu’il faut pour ce genre de musique, tandis que le guitariste soliste (un Français, paraît-il) assure très sérieusement. 35 minutes de tout petit plaisir avec un Heavy Rock à la fois intemporel (un genre de musique un peu oublié de nos jours, sauf des bikers tatoués) et plus très pertinent.
La pause en attendant Editors est une fois de plus sympathique, l'occasion de parler avec des fans belges et anglais qui ne sont pas non plus de toute jeunesse, mais dont la passion pour le rock live est intacte. Rassurant, non ?
16h05, Editors est là, et Tom Smith semble absolument inchangé depuis la dernière fois que je l'ai vu (en décembre 2009, quand même…). Immédiatement, il est pourtant clair que ce "nouveau" line-up (en fait sans Chris Urbanovicz, qui était le grand responsable du “son Editors”), aussi compétent qu'il soit, sonne beaucoup plus ordinaire qu’auparavant. Les vieilles chansons, dont on admirait la sombre beauté, comme Smokers... ou Racing Rats ne dégagent plus particulièrement de magie. Je me dis rapidement que ce sont sans doute les nouvelles chansons, moins extraordinaires pourtant, qui inspirent le plus Tom et son groupe - ce qui est somme toute logique. Bon, un autre bémol : la voix de Tom n'a plus cette splendeur sépulcrale qui nous faisait tous craquer, mais au moins il a conservé une indéniable ferveur dans son chant, qui lui permet de soulever les montagnes. Bref le set est beau, pas exceptionnel, et je me surprends à bien accrocher aux nouveaux morceaux. Clément et Virginie me rejoignent pour me passer une bière, ce qui est vraiment chou de leur part. Sur scène, Tom a entonné un long morceau qui m'est inconnu, très "bowien", mais finalement assez magique, qui fait clairement monter le set au niveau supérieur (a priori, il s’agit de The Pulse, qui rassure quant à l’avenir de Editors…). Et puis, c'est... Papillon, le formidable Papillon, qui enflamme enfin le public avec ses magnifiques décollages électro : oui, c’est enfin l'extase ! Le plus beau moment de Rock en Seine pour l'instant, les frissons, le délire, et tout ça. Comme quoi le bonheur, ça ne tient parfois qu'à une (très) bonne chanson ! Le final de Papillon, étendu pour faire monter l'excitation, se révélera d'ailleurs particulièrement efficace. Le concert se termine joliment avec Marching Orders, extrait du dernier album, me laissant avec l'envie d'écouter à nouveau ce groupe, malgré sa mutation. Oui, même si les albums d’Editors n'ont plus la classe d'autrefois, l'expérience live vaut la peine !
Une petite heure d'attente alors que le jeune public enthousiaste de Sum 41 s'entasse derrière moi. Pas de crainte à avoir néanmoins, le punk rock US des nineties est plus bon enfant que véritablement agressif : pas de débordements de violence anticipés !
17h45, alors que la foule est en plein délire, les punks de Sum 41 investissent en vainqueurs la Grande Scène, et démarrent une heure de set… totalement prévisible : la musique est un mélange incestueux entre le punk rock originel (voir le look du chanteur et du bassiste) - disons la tendance Gen X - et le metal le plus listener-friendly, sans une seule goutte d'inspiration. Quand ça va vite, on se laisse gentiment entraîner par les accélérations, mais quand ça ralentit, et que rien ne cache plus la nullité crasse des compositions et la voix de canard de Deryck Whibley, on s'ennuie ferme. Bon, je dis ça mais tous les petits jeunes ont l'air de bien s'amuser : il y a un mosh pit bien énervé au milieu du public, ça évacue à tout va les crowd-surfers, on chante en chœur et en agitant les mains les refrains pas finauds, on est dans le divertissement bas de gamme, mais le sympa quand même. D'ailleurs Deryck multiplie les attentions, faisant monter des fans sur scène, distribuant de l'eau ou prenant la pose pour les photos. Pas vraiment l'esprit punk, du coup ! Et que je te fais une démonstration du riff de Smoke on the Water, puis de Seven Nation Army (le problème est que là, la foule ne veut pas s'arrêter de chanter…). Et que je te joue une version metal de We will rock you (sic ! Pas punk pour un rond, ça, citer Queen !)... avant de terminer le set par deux "tubes", d’ailleurs extraits de leur tout premier album, que tout le monde connaît, et qui nous laisseront tout de même une bonne impression. Au final, tout cela ne vole pas bien haut, mais ce spectacle très américain est plus sympathique que je l'aurais imaginé.
On va attaquer la partie la plus sérieuse de la journée, le couronnement de Rock en Seine 2016, avec l'enchaînement de Iggy Pop et Foals : ça devient plus dense derrière moi, même si Clément et Virginie arrivent à se glisser pour une petite conversation sympathique sur les meilleures frites belges du festival.
19h45 : Iggy ! Iggy ! … Visiblement la grande attraction du festival car le terrain devant la Grande Scène est archi-comble quand le nouveau groupe de l'Iguane prend place sur une zone très concentrée au milieu de la scène : j'avais entendu parler de "petits jeunes", en fait la moyenne d'âge est plutôt de l'ordre de la quarantaine. J'avais entendu dire aussi qu’ils jouaient "dur", et ça, par contre, c’est bien vrai : on démarre avec une version impeccable de Wanna Be Your Dog, et moi, évidemment, je pars en vrille, vous me connaissez ! J'ai par contre l'impression désagréable que, autour, personne ne connaît les Stooges ! Quelle horreur quand même ! Iggy enchaîne avec The Passenger, puis Lust for Life : ça, ils connaissent les gens ! Du coup je me dis que l'Iguane a la classe folle de brûler d'emblée toutes ses cartouches, et qu'il pourra ensuite piocher ce qui lui chante dans sa longue discographie. Ce qu'il va faire, en nous proposant une set list inédite, variée et diablement excitante : la période Bowie y est prépondérante, culminant avec un rarissime et radical Mass Production, lente psalmodie indus qui interloque quelque peu le public. On peut juger de la classe du groupe, capable d'enchaîner sans baisse de régime ni incohérences la disco froide de Sister Midnight, le rockab hystérique de Wild One et la wahwah stoogienne incandescente de 1969 : ces types assez patibulaires sont des tueurs, qui jouent compact, serré et puissant. Il ne manque à mon bonheur qu'un niveau sonore plus élevé !
Et Iggy, me demanderez-vous ? Eh bien, je crois que ce set d’une heure dix, interrompu par une courte pause au bout de 50 minutes, est la meilleure performance vocale de l'Iguane que j'aie pu voir de ma vie : le chant était tout simplement magnifique, que cela soit dans les graves (Sister Midnight ou Nightclubbing...), ou dans le registre lave brûlante (Search and Destroy, terrible, qui semble avoir encore une fois laissé le jeune public de marbre...). Par contre, pour la première fois, on a pu se rendre compte que, physiquement, Iggy n'y arrive plus ! Boitant bas, souffrant visiblement du dos, Iggy tente de tout donner – comme toujours - à son public, mais doit finalement aller demander une chaise pour s'asseoir quelques instants (sur Nightclubbing !) ! A 69 ans, il est sans doute temps pour lui d’admettre qu'il a assez de pur talent pour ne plus autant s'investir physiquement dans ses sets ! Ceci dit, je dois admettre que son torse nu abîmé d'homme vieillissant est quand même un beau bras d'honneur à la dictature de la "beauté" stéréotypée qui règne de nos jours. Oui, Iggy est finalement vieux, mais il n'a jamais été aussi fort qu'aujourd'hui. Le set se termine d'ailleurs sur une excellente version du rare et radical Down on the Street (extrait du brûlant “Fun House”), un signe qui ne trompe pas : rock'n'roll will never die... du moins tant que nous avons encore Iggy ! D'ailleurs Iggy kidnappe littéralement une spectatrice peu vêtue qu'il a repérée lors de l'un de ses nombreux raids au contact de ses fans : ça, c'est rock'n'roll, non ?...
Le set d'Iggy terminé, une bonne partie du public s'en va et je passe par un moment de doute : était-ce bien raisonnable de programmer mes chouchous de Foals en tête d'affiche, surtout après un Iggy Pop qui aura forcément marqué les esprits ?
Eh bien, à 23h20, la réponse à cette question ne fait pas de doute : c'est un grand oui ! Car Foals vient de renouveler le miracle de l'Olympia, et est donc désormais l'un des meilleurs groupes “live” en activité. Littéralement monstrueux !
… Quelques minutes d'inquiétude donc quand le public d'Iggy déserte la grande scène et laisse beaucoup de vide, que les fans de Foals prendront un peu de temps à remplir à nouveau…. Et quand on constate un dispositif plus léger pour filmer (la louma est démontée, il ne reste plus qu'un cameraman sur le devant) : considèrerait-on à Rock en Seine que Foals n'est pas une véritable tête d'affiche ? Mais, dès leur tonitruante entrée sur scène, Yannis Philippakis - qui le semble avoir forci (bon nous aussi à la fin des vacances, hein ?) - et sa troupe, mettent les points sur les "i" : le son est au maximum (merci, merci !), le light show est magnifique, et surtout, bien sûr, la musique est tout simplement terrassante. Avec une set list assez similaire à celle de l'Olympia (un peu raccourcie bien entendu), Foals prouve dès les 10 premières minutes qu'il n'a pas aujourd'hui de rival sur la planète, quand il s'agit de cogner fort dans un bon esprit rock dur, puis de partir dans des explorations psychédéliques avant de faire danser tout le monde sur ses mélodies chatoyantes : jouer d’entrée de jeu la tuerie qu'est Snake Oil, puis dix minutes plus tard, le tube dance-friendly qu’est My Number, et puis encore partir sur l'un de ces délires furieux où les musiciens se regroupent, se concentrent, pour engendrer une de ces tornades électriques incroyablement brutales qui caractérisent Foals... permet de balayer rapidement la concurrence : même après un set aussi mémorable que celui d'Iggy Pop, Foals est intouchable. Yannis rayonne littéralement de joie de voir son groupe ainsi au pinacle, et remercie ardemment la France de son soutien (il s'excusera ensuite au nom de son pays pour le Brexit...) : on le comprend tant se dégage désormais de Foals une sorte de sensation de toute-puissance, un rayonnement qui est la marque des très grands.
Chaque morceau propose quelque chose de nouveau, de stimulant, d'indiciblement beau, et l’on se laisse bercer dans une sorte d’état extatique pendant une bonne demi-heure sans une seule faute de goût… jusqu’à une version inoubliable de A Knife in the Ocean, qui nous soulève littéralement l’âme – ah, ces ascensions sonores verticales ! – malgré son thème trivialement politique (la nullité et la malhonnêteté de nos politiciens, qu’ils soient français ou anglais, nous a expliqué Yannis…) : on entre alors dans la dernière demi-heure du set, celle des extases à répétition. Inhaler clôt le set principal de superbe manière, Yannis prenant de réguliers bains de foule, allant surfer sans crainte sur les bras amis (comme d’habitude, ce diable d’homme semble n’avoir peur de rien, et il a raison…).
Le rappel est la parfaite tuerie qu’on espérait pour clore Rock en Seine, le nirvana qui assoit la suprématie de Foals sur la concurrence. On attaque par les hurlements de damnés de What Went Down (The Cure rencontre les Black Keys dans un asile d’aliénés, serait ma définition de cette version infernale…), puis on tressaute frénétiquement sur le “math rock” de Cassius, vestige d’une époque où Foals cherchait sa voie dans l’avant-garde, avant de basculer dans l’hystérie générale (Yannis hurle : « Let’s be savage ! ») avec le fabuleux Two Steps, Twice.
Et c’est fini, avec 10 minutes d’avance sur l’horaire prévu, mais nul ne devrait se plaindre tant le set de Foals aura été exemplaire ce soir. Et pleinement satisfaisant.
Je remballe mes petites affaires, il est 23h20, la fatigue commence à se faire sentir, l’air est – enfin – un peu frais, j’envoie des messages à tous les amis qui n’ont pas pu / pas su être là ce soir pour être témoin du triomphe de Foals. Rock en Seine 2016 est fini. Vive Rock en Seine 2017 ! »
Les musiciens de Blues Pills sur scène :
Elin Larsson – vocals
Dorian Sorriaux – guitars
Zach Anderson - bass guitar
André Kvarnström - drums
La setlist du concert de Blues Pills :
High Class Woman (Blues Pills – 2014)
Astralplane (Blues Pills – 2014)
Black Smoke (Blues Pills – 2014)
Little Sun (Blues Pills – 2014)
Lady in Gold (Lady in Gold – 2016)
Little Boy Preacher (Lady in Gold – 2016)
Elements and Things (Tony Joe White cover) (Lady in Gold – 2016)
You Gotta Try (Lady in Gold – 2016)
Devil Man (Blues Pills – 2014)
Les musiciens de Editors sur scène :
Tom Smith – voice, piano, guitar
Russell Leetch – bass guitar, backing vocals
Edward Lay - drums
Justin Lockey – lead guitar
Elliott Williams – keys, backing vocals
La setlist du concert de Editors :
Sugar (The Weight of Your Love – 2013)
Smokers Outside the Hospital Doors (An End Has a Start – 2007)
The Racing Rats (An End Has a Start – 2007)
Forgiveness (In Dream – 2015)
Munich (The Back Room – 2005)
The Pulse (new song)
Ocean of Night (In Dream – 2015)
Papillon (In This Light and on This Evening – 2009)
Marching Orders (In Dream – 2015)
Les musiciens de Sum 41 sur scène :
Deryck Whibley – lead vocals, rhythm guitar
Dave Baksh – lead guitar, backing vocals
Jason McCaslin - bass guitar, backing vocals
Tom Thacker – lead & rhythm guitars, keyboards, backing vocals
Frank Zummo – drums, percussion
La setlist du concert de Sum 41 :
The Hell Song (Does This Look Infected? - 2002)
Over My Head (Better Off Dead) (Does This Look Infected? - 2002)
Fake My Own Death (new song)
Underclass Hero (Underclass Hero - 2007)
With Me (Underclass Hero - 2007)
Motivation (All Killer, No Filler - 2001)
Grab the Devil by the Horns and Fuck Him Up the Ass (Half Hour of Power EP – 2000)
We're All to Blame (Chuck - 2004)
Walking Disaster (Underclass Hero - 2007)
Pieces (with Smoke on the Water/Brain Stew/Seven Nation Army Intro) (Chuck - 2004)
We Will Rock You (Queen cover)
Still Waiting (Does This Look Infected? - 2002)
In Too Deep (All Killer, No Filler - 2001)
Fat Lip (All Killer, No Filler - 2001)
La setlist du concert de Iggy Pop :
I Wanna Be Your Dog (The Stooges – 1969)
The Passenger (Lust for Life – 1977)
Lust for Life (Lust for Life – 1977)
Five Foot One (New Values – 1979)
Sixteen (Lust for Life – 1977)
Skull Ring (Skull Ring – 2003)
1969 (The Stooges – 1969)
Sister Midnight (The Idiot – 1977)
Real Wild Child (Wild One) (Johnny O'Keefe & The Dee Jays cover) (Blah Blah Blah – 1986)
Nightclubbing (The Idiot – 1977)
Some Weird Sin (Lust for Life – 1977)
Mass Production (The Idiot – 1977)
Encore:
Repo Man (new song)
Search and Destroy (Iggy and The Stooges – Raw Power – 1973)
Gardenia (Post Pop Depression – 2016)
Down on the Street (The Stooges – Fun House – 1970))
La setlist du concert de Foals :
Snake Oil (What Went Down – 2015)
Olympic Airways (Antidotes – 2008)
My Number (Holy Fire – 2012)
Providence (Holy Fire – 2012)
Spanish Sahara (Total Life Forever – 2010)
Red Socks Pugie (Antidotes – 2008)
Late Night (Holy Fire – 2012)
A Knife In the Ocean (What Went Down – 2015)
Mountain at My Gates (What Went Down – 2015)
Inhaler (Holy Fire – 2012)
Encore:
What Went Down (What Went Down – 2015)
Cassius (Antidotes – 2008)
Two Steps, Twice (Antidotes – 2008)
Ces compte-rendus ont déjà été partiellement publiés, à l'époque, sur mon blog manitasdeplata.net