Lou Reed - Samedi 16 Avril 1977 - Palais des Sports (Saint Etienne)
Il faut vraiment aimer Lou Reed pour aller se perdre en un weekend morose dans la banlieue de Saint-Etienne, entrer dans une salle sans grâce comme le sont la plupart des “Palais des Sports” en France, et attendre aussi longtemps pour assister à un concert… qui au final s’avèrera une amère déception…
Je m’explique : d’abord “Rock’n’Roll Heart” est à mon avis le pire album de Lou Reed de tous les temps, peuplé de chansons faiblardes qui vont même jusqu’à swinguer, c’est dire… Ensuite, il est accompagné sur cette tournée par un groupe de musiciens de session qui conjuguent virtuosité inutile et agressivité mal placée, un groupe qui devrait lui mettre la honte, lui qui a quand même inventé le look t-shirt noir, cuir noir à l’époque du Velvet. Lou Reed se comporte quant à lui comme un entertainer de seconde zone, mettant en scène de manière emphatique ses chansons, et massacrant ainsi et les classiques du Velvet et les perles de son répertoire solo. La setlist nous promettait des merveilles (d’ailleurs, Lou ne nous jouera qu’une seule chanson du dernier album, Rock’n’Roll Heart, moment de quasi-chaos qui voit Lou tenter d’injecter de la soul dans sa musique), mais l’interprétation est à la fois trop ridiculement décalée et trop peu concernée, pour que la magie survive à un tel traitement…
Bien sûr, entendre le riff de Sweet Jane résonner dans le Palais des Sports est un véritable tremblement de terre émotionnel pour moi, mais je réalise très vite que rien ne fonctionne vraiment : le rythme est accéléré, la guitare et la rythmique swinguent, Lou lui-même a l’air de vouloir nous faire danser (hein ?), et, sur le refrain, des chœurs soul déboulent ! Je n’en crois pas mes oreilles.
Musicalement, on est dans le registre « lourd » qui avait fait le triomphe de “Rock’n’Roll Animal”, mais sans le jusqu’au-boutisme des tueurs Hunter et Wagner. Et puis ce sax vraiment à côté de la plaque qui vient ornementer les morceaux, ça fait quand même mal : transformer I’m Waiting for The Man en transe funky, c’est quand même le sommet de l’hérésie, non ?
Sur Rock’n’Roll, l’une des chansons les plus séminales qui soient, même si Lou cherche visiblement à mimer l’hébétude droguée de son style 1974-1975, et si son phrasé si particulier fait toujours mouche, les interventions du saxophone et des chœurs dédramatisent largement le morceau. Walk on the Wild Side est une véritable absurdité, Lou débitant son texte à toute allure sur un fond sonore incohérent, d’où émergent occasionnellement les fameux « Doo doo doo doo doo doo doo doo » qui servent de repère au milieu de la débâcle.
C’est néanmoins sur Lisa Says que le sentiment de torture – et de foutage de gueule aussi – est le plus révoltant : loin de la tremblante beauté de l’original du Velvet, on oscille entre l’outrance mélodramatique à la « Berlin » et la lourdeur hard, avec un insupportable passage jazzy au milieu.
La déception est amère, même si nous essayons malgré tout de prendre un peu de plaisir sur une longue version de Satellite of Love, l’une de nos chansons préférées. Nous sortons de ces 110 minutes de non-événement absolu totalement déconfits, je dois l’avouer. Pas sûr que j’aille revoir de si tôt Lou Reed en scène, je crois que préfère rêver sur ses albums !
Les musiciens de Lou Reed sur scène :
Lou Reed – vocals and guitar
Jeffrey Roth – guitar
Michael Fonfara – keyboards
Bruce Yaw – bass
Marty Fogel – sax
Michael Suchorsky - drums
La setlist du concert de Lou Reed :
Sweet Jane (The Velvet Underground song)
I'm Waiting for the Man (The Velvet Underground song)
Rock and Roll Heart (Rock and Roll Heart – 1976)
Heroin (The Velvet Underground song)
Rock and Roll (The Velvet Underground song)
Walk on the Wild Side (Transformer – 1972)
How Do You Think It Feels? (Berlin – 1973)
Lisa Says (The Velvet Underground song)
Vicious (Transformer – 1972)
Coney Island Baby (Coney Island Baby – 1975)
Berlin (Berlin – 1973)
White Light/White Heat (The Velvet Underground song)
Lady Day (Berlin – 1973)
Oh, Jim (Berlin – 1973)
Satellite of Love (Transformer – 1972)
Kicks (Coney Island Baby – 1975)
Les photos accompagnant cette chronique ont été prises lors d'autres concerts de la même tournée...