The Reverend Horton Heat - Jeudi 8 Avril 2010 - Sala Penélope (Madrid)
« Ce soir, double plaisir : une nouvelle salle à découvrir, la Sala Penélope dans le quartier de Moncloa, et la perspective d'une soirée à écouter de la vraie musique de sauvage, rockabilly et psychobilly à gogo, avec une pointe de country "rural" au mieux (la dernière tendance du Reverend Horton Heat). Le public qui attend avec moi devant l'entrée est inhabituel et ravissant : cheveux colorés, cuirs cloutés, t-shirts gore, tatouages style jailbait, rouflaquettes rockab', la faune dérangée, les vrais punk rockers de Madrid sont de sortie, et c'est réjouissant !
La Sala Penélope est une salle de taille raisonnable, disons un tout petit peu plus grande que le Trabendo à Paris, avec une scène relativement haute (à la bonne hauteur pour s'appuyer en fait, mais n'oublions pas que je suis un nain !), mais curieusement agencée en largeur : je veux dire que cette scène, très longue et assez profonde, est placée dans la longueur de la salle. Bref, du confort pour les musiciens, et surtout un trio comme celui du RHH !
La soirée commence néanmoins assez mal, car il n'y a plus trace de Supersuckers, apparaissant pourtant en première partie sur le billet... Ce qui nous vaudra une longue attente de deux heures assez mortelles, jusqu'à ce que The Reverend Horton Heat monte sur scène, à 22 h 00 précises. Je me suis placé à gauche, devant un petit ampli que je suppose être celui de Jim Heath, le Reverend, même s'il est curieusement invisible, caché (pour des raisons de son ?) derrière son étui ouvert, étui que le Reverend utilisera d'ailleurs comme porte-manteau durant toute une partie du set. Le trio sur scène a un look à première vue anodin, tranchant avec l’apparence bien "déchirée" d'une partie des spectateurs (déjà torses nus, piercés, tatoués, et formant rapidement un "mosh pit" au centre de la salle maintenant bien remplie) : à droite, le contrebassiste, Jimbo Wallace, a tout du voyou « cuir et chaînes » tout droit sorti de "Graine de violence", mais avec trente ans de plus, et passera le concert à nous faire sourire, rire même, tout en assurant diablement bien à la contrebasse. Devant moi, Jim ressemble à mon tonton polonais avec trente ans de moins : pur redneck texan au look traditionnellement rockab', tout de noir vêtu avec des pantalons larges très 50's et une superbe veste noire bordée de flammes rouges (comme la contrebasse de Jimbo). Derrière, le batteur - originaire, lui, du Tennessee, nous l'apprendrons par la suite - ressemble à n-importe quel american boy nourri aux hamburgers, cheveux longs blond filasse, casquette de baseball à l'envers, mais se révélera un cogneur redoutable.
Beaucoup de puristes (ce que je ne suis pas) prétendent que la formule "d'or" du rock, c'est le power trio : guitare + chant, basse, batterie... Et je ne suis pas loin de partager cet avis... sauf qu'il faut assurer techniquement pour enchaîner sans failles rythmique et solos à la guitare, sans arrêter de chanter en plus ! Mais croyez-moi, Jim Heath "assure", et ce soir sera l'une des démonstrations techniques les plus impressionnantes que j'aie vues depuis très, très longtemps : à quelques dizaines de centimètres de sa superbe Gretsch orange (une pensée pour mon ami Vik...), je n'en perds pas une miette, tant le Reverend déroule un jeu d'une fluidité et d'une (véritable) grâce impeccable. Le son est excellent, très, très fort, et malgré la petite taille de l'ampli de guitare, j'aurai à la fin des 1 h 40 du set les oreilles déchirées par les attaques incisives du Reverend. Il n'y a guère que la voix, retransmise par la sono un peu trop loin sur ma gauche (du fait de la largeur de la scène) qui ne sera pas toujours parfaitement audible.
L'une des étrangetés du concert du Reverend, c'est son découpage en quatre parties musicalement un peu différentes, séparées par des "entractes" de quelques minutes durant lesquelles le trio ne quitte pas la scène plongée dans l'obscurité, bien que sur la sono redémarre (à faible volume) la musique d'ambiance : est-ce pour reprendre ses esprits et récupérer un peu tant le set est intense ? C'est possible, et pas forcément désagréable, sauf que la tension retombe inévitablement, obligeant à mon avis le groupe à retrouver à chaque fois un nouvel élan...
Bon, quatre sets distincts donc, le meilleur ayant été à mon avis le troisième, le plus "dur", ouvert par la seule chanson lente de la soirée, le menaçant Dark Day avec son "twang" hypnotique (reéverb’ à fond !), et conclu par un morceau tellurique (d'après mon ami Gilles B, il s'agirait de Calling In Twisted, mais je ne saurais vous le certifier, la setlist ne semblant que globalement indicative...), moment presque heavy metal et pure extase sensorielle, l'une des émotions musicales les plus fortes que j'aies ressenties ces derniers mois ! Avant cela, la première partie a été "garage punk / psychobilly" et particulièrement féroce, un uppercut en plein estomac du public ; la seconde, consacrée à 5 titres de l'hilarant dernier album country du Reverend, drôle et décontractée : Jim nous a donc fait un cours très docte sur les cactus du Texas, pendant que l'impayable Jimbo mimait la forme des dits cactus (Ain’t No saguaro in Texas), et nous avons aussi appris que c'était Jimbo qui était l'auteur du texte désopilant de Please Don't Take the Baby to the Liquor Store (les reproches timides d'un mari à sa femme qui aime trop la picole et néglige ses enfants), le tout se clôturant par l'épique mise en boîte des Death Metal Guys, accusés à demi sérieusement de toutes les perversions possibles... La quatrième partie du set a été la plus rockabilly, et a sérieusement déchaîné la belle bande de demeurés qui s'agitait en hurlant au milieu de la salle : c'est le moment où j'ai été copieusement arrosé de bière par mes voisins qui battaient le rythme en martelant leurs bouteilles sur la scène... mais le tout dans une atmosphère assez bon enfant...!
Un rappel que j'ai trouvé longuet et un peu décevant, avec étalage des prouesses techniques du trio (le solo de batterie ? Noooooon ! Si !), mais qui exprimait surtout la difficulté qu'ont ces musiciens passionnés à se séparer de leur public - amoureux, fou d'eux, littéralement - à la fin d'un concert. D'ailleurs, la dernière note jouée, le trio n'a pas quitté la scène pendant que les roadies rangeaient le matériel, restant au contact de la foule à serrer les mains, à distribuer mediators et baguettes, ou tout simplement à s'imprégner de cet amour insensé des fans. Je dis insensé car les regards hallucinés des tarés qui m'entouraient, dont certains semblaient sortis directement des égouts madrilènes, tenant des propos hébétés dans un halo alcoolisé, aurait de quoi rebuter n'importe qui : mais pas un Texan ! Non, Jim a tenu de longues minutes les mains tendues de tous ces maniaques, plongeant son regard clair de cowboy au plus profond du vôtre en vous serrant les doigts pour faire passer une sorte de passion furieuse, à la fois inquiétante et terriblement humaine.
Je suis ressorti de ce concert littéralement exceptionnel, hors du commun (1 h 40 de morceaux joués entre 150 et 200 km/h, ce n'est pas une chose qu'on voit tous les jours, croyez-moi, même quand on est un rock'n'roll motherf***r !) les jambes flageolantes, le cerveau explosé et le cœur en joie. Ce matin, juste avant d'écrire ces lignes, j'ai lu dans El Pais un article qui déplorait la mort du rock, soit disant tué par MySpace et Facebook, par les dérives des "stars" étalant leur intimité devant des millions de "faux" amis voyeurs : moi, je n'ai pas peur, car tous ces millions de décérébrés qui s'ébaubissent devant les clips de Lady Gaga ou la dernière cure de désintox de Britney Spears n'ont jamais rien eu avoir avec le rock. Nous n'étions que quelques centaines à entremêler nos doigts hier soir avec le Reverend, mais je peux vous certifier que le rock étant bien vivant encore, ce jeudi 8 avril 2010, à Madrid. »
La setlist du concert de The Reverend Horton Heat :
Reverend Horton Heat's Big Blue Car (Lucky 7 – 2002)
Now, Right Now (It’s Martini Time – 1996)
I'm Mad (Smoke ‘em If You Got ‘em – 1990)
Callin' in Twisted (Revival – 2004)
Indigo Friends (Revival – 2004)
Galaxy 500 (Lucky 7 – 2002)
Bales of Cocaine (The Full Custom Gospel Sounds of the Reverend Horton Heat – 1993)
It's Martini Time (It’s Martini Time – 1996)
Big Little Baby (The Full Custom Gospel Sounds of the Reverend Horton Heat – 1993)
Psychobilly Freakout (Smoke ‘em If You Got ‘em – 1990)
Ain't No Saguaro in Texas (Laughin’ & Cryin’ with the Reverend Horton Heat – 2009)
Drinkin' and Smokin' Cigarettes (Laughin’ & Cryin’ with the Reverend Horton Heat – 2009)
Rural Point of View (Laughin’ & Cryin’ with the Reverend Horton Heat – 2009)
Please Don't Take the Baby to the Liquor Store (Laughin’ & Cryin’ with the Reverend Horton Heat – 2009)
Death Metal Guys (Laughin’ & Cryin’ with the Reverend Horton Heat – 2009)
Girl in Blue (Spend the Night In the Box – 2000)
Big Sky (Liquor In the Front – 1994)
Baddest of the Bad (Liquor In the Front – 1994)
Five-O Ford (Liquor In the Front – 1994)
I Can't Surf
Wiggle Stick (The Full Custom Gospel Sounds of the Reverend Horton Heat – 1993)
400 Bucks (The Full Custom Gospel Sounds of the Reverend Horton Heat – 1993)
Jimbo Song (Space Heater – 1998)
The Devil's Chasing Me (The Full Custom Gospel Sounds of the Reverend Horton Heat – 1993)
Encore:
Big Red Rocket of Love (It’s Martini Time – 1996)