PJ Harvey & John Parish - Lundi 18 Mai 2009 - Bataclan (Paris)
« Tom Brosseau est un drôle d'oiseau, avec une voix d'ange dont il ne sait pas trop quoi faire ; il pourrait presque être un nouveau Jeff Buckley, tant sa voix est pure et forte à la fois, mais, seul à la guitare, il paraît surtout gauche, embarrassé et intimidé. Du coup, et faute sans doute de chansons conséquentes, on en est réduits à admirer la technique vocale, à sourire devant l'inspiration farfelue du bonhomme (écrire une chanson sur le fait d'avoir des rêves récurrents sur Dave Grohl, ça vous pose quand même quelqu'un, non ?). On s'ennuie un peu pendant la demi-heure du set, et puis, à la fin, il décide de nous chanter une "murder ballad", et il se lance rapidement dans un chant a capella tout à fait impressionnant : Tom se met à vibrer devant nous, transcendant enfin son blocage nerveux, et on se dit, impressionnés, qu'il y aurait peut-être quelque chose derrière cette fade douceur blonde et angélique, presque inquiétante. On n'en saura pas plus ce soir, mais ce genre d'énigme me va bien, après tout...
Bonne ambiance cool ce soir au Bataclan : le plaisir de retrouver Philippe D, puis de discuter un peu avec Michael, et avec Brigitte, qui nous dévoile sa vie secrète (enfin, secrète pour nous) de chanteuse-bassiste dans un trio de rock-punk-garage (enfin, d'après ce que j'ai compris). Le public est composé en très grande majorité de fans absolument enamourés de Polly Jean : on repère un tondu qui a même apporté un superbe bouquet de fleurs, et une grande partie des gens au premier rang avec moi ont assisté déjà à plusieurs concerts de la tournée. Du coup, j'ai presque un peu honte d'être moins passionné qu'eux : moi, PJ, sa musique me laisse un peu froid depuis un moment, et ses disques avec John Parish plus encore. "Moi, je suis là pour son âme !" (Brrrrrrr).
21 h 02, PJ Harvey est là, à quelques mètres de moi, en petite robe noire sur sa peau blanche, pieds nus, lèvres écarlates, et c'est quand même un beau moment d'émotion quand éclate Blackhearted Love : la voix est sublime, le chant parfait, et derrière, le son de John Parish & Co (dont Eric Drew Feldman, ex-Captain Beefheart, ex-Pere Ubu et ex-Frank Black, aux claviers, excusez du peu !) est impressionnant de classe et d'élégance, à la fois brutal et rond, sensuel et nerveux. Les musiciens, plus très jeunes, sont vêtus de costards sombres, et portent des feutres, le tout donnant une impression d'élégance folle.
Soyons clairs : si seulement les morceaux de John Parish étaient un tant soi peu inspirés, ça pourrait devenir facilement le concert de l'année, tant la voix de PJ Harvey nous fascine, nous hypnotise, nous immerge tous - le public qui reste silencieux, presque pétrifié, comme de peur de bouleverser l'équilibre parfait qui se réalise sous ses yeux - dans une extase infinie. Nous dérivons donc, portés par cette musique largement atmosphérique, planante, qui ne se laisse que rarement aller à la violence, malgré le tonnerre que peuvent déchainer à volonté les deux Fenders. C'est d'ailleurs l'autre bémol - léger - que je mettrais à mon appréciation enthousiaste de ce soir : le vrillant A Woman A Man Walked By nous est joué ce soir sans la furie tellurique de l'album, et PJ semble plus amusée que consumée de désir colérique quand elle crie : "I Want his Fucking Ass". La suite, (The Crow Knows...) instrumentale, est néanmoins magnifique, tandis que PJ, cambrée telle une danseuse de flamenco, se laisse entraîner par la musique dans une transe sensuelle. Un bouquet de roses rouges atterrit à ses pieds, avec un sens du timing parfait... Mais le moment le plus exceptionnel du concert, qui arrachera des cris de joie aux plus endurcis, sera l'interprétation disons "patti-smithienne" d'un titre de "Dancehall at Louse Point", dont j'ignore le titre (Vincent me souffle qu'il s'agirait de Civil War Correspondent...), soit un moment de pure perfection, qui voit PJ devenir pythie et gorgone à la fois : à ce moment-là, sa tenue de prêtresse antique fait sens absolu, nous sommes au centre d'une sorte d'incantation immémoriale, d'une force et d'une beauté suffocantes.
Voilà, le tout ne dure guère que 1 h 20, et le rappel ne sera pas un paroxysme, non, simplement une sorte d'échange radieux (oh, le visage transfiguré de Parish !) avant de se quitter. Michael récupère la set list, marquée comme celle d'hier a priori "Bruxelles 14 mai". Brigitte rêve d'avoir PJ chantant pour elle toute seule dans son salon. Quant à moi, je me dis que ce petit bout de femme au physique euh... particulier (gros nez, grande bouche, grosse tête, pas de seins, cage thoracique creuse, jambes épaisses et pieds encombrants... que voulez vous de plus ?) reste une incroyable incarnation de la féminité la plus triomphante, et que, plus prosaïquement, elle pourrait chanter l'intégralité des pages jaunes parisiennes qu'elle transformerait ça en brasier extatique. »
Les musiciens de PJ Harvey & John Parrish sur scène :
Polly Jean Harvey : Vocal & Guitar, Piano, Harmonica, Harpe, ...
John Parish : Guitare, Orgue, Percussions
Eric Drew Feldman : Keyboards & Bass
Giovanni Ferrario : Bass & Guitar
Jean-Marc Butty : Drums
La setlist du concert de PJ Harvey & John Parrish :
Black Hearted Love (A Woman a Man Walked By - 2009)
Sixteen Fifteen Fourteen (A Woman a Man Walked By - 2009)
Rope Bridge Crossing (Dance Hall at Louse Point - 1988)
Urn With Dead Flowers In A Drained Pool (Dance Hall at Louse Point - 1988)
Civil War Correspondent (Dance Hall at Louse Point - 1988)
The Soldier (A Woman a Man Walked By - 2009)
Taut (Dance Hall at Louse Point - 1988)
Un Cercle Autour Du Soleil (Dance Hall at Louse Point - 1988)
The Chair (A Woman a Man Walked By - 2009)
Leaving California (A Woman a Man Walked By - 2009)
A Woman A Man Walked By (A Woman a Man Walked By - 2009)
Passionless, Pointless (A Woman a Man Walked By - 2009)
Cracks in the Canvas (A Woman a Man Walked By - 2009)
Pig Will Not (A Woman a Man Walked By - 2009)
Encore
False Fire (B Side - Black Hearted Love - 2009)
April (A Woman a Man Walked By - 2009)