The Nits - Lundi 11 Avril 1988 - New Morning (Paris)
« Voilà bien une soirée dont je n’attendais pas grand-chose : en 1988, avec leurs albums bien faits et vaguement fades qui n’intéressent plus grand monde, les Nits paraissent sur le déclin, surtout depuis le départ de M. Pieters, à lui seul moitié du groupe et responsable en particulier de cette atmosphère mi-baroque, mi-moderniste, vaguement hyper-réaliste et un peu ridicule qui était le principal charme du groupe il y a 4 ou 5 ans, au moment de l’apogée de sa célébrité en France…
Qui plus est, le New Morning, avec tables et chaises (!), à demi rempli seulement de quadragénaires tranquilles amateurs de jazz, avait quelque chose de profondément absurde pour accueillir une musique fondamentalement pop et fantaisiste…
Plus de deux heures et quart plus tard, je ressortais de là totalement conquis, et amoureux à nouveau de nos Hollandais volants : mais laissez-moi raconter cette longue soirée de bonheur…
D’abord, il y a Henk Hofstede (vocaux, guitare, banjo) : empâté, il a perdu son charme juvénile, mais il a aussi abandonné, semble-t-il l’idée présomptueuse de devenir le Costello batave… Toujours très ouvert aux influences rock anglo-saxonnes (avant-hier XTC, hier Costello et Joe Jackson, aujourd’hui Dylan et le country folk américain), il sauve tout grâce à sa voix d’or, et aussi, il faut bien l’admettre, grâce à la chaleur humaine qu’il dégage, générant en nous une sympathie instinctive…
Ensuite, il y a Robert Jan Stips (claviers et vocaux) : musicien de génie, parfois au risque de la virtuosité gratuite, mime et clown irrésistible, il est à la fois l’âme bizarre des Nits, l’architecture secrète de leur musique, et l’illustrateur baroque, ironique, qui vient enluminer la grande fresque de détails savoureux ou même spectaculaires. Grâce à lui, jamais le sérieux et la tristesse de la poésie « Nitséenne » ne triomphent sur le bonheur d’en rire ensemble…
Rob Kloet (batterie et percussions) : batteur hystérique et inspiré, à la frappe aussi précise que dévastatrice quand il le faut, il s’agite tel un lutin à l’œil malicieux, constamment hilare derrière la foudre et le tonnerre qu’il provoque…
En complément du trio « historique » des Nits, il y a désormais un élément féminin, Joke Geraets (basse et contrebasse) : dernière arrivée donc, avec son allure de grande jeune femme sage, elle reste légèrement en retrait, comme une adulte observant les gamins chahuteurs qui s’agitent autour d’elle. Elle est aussi, nettement, le vecteur d’un certain virage vers un rock plus classique, plus agressif par instants, qu’amorcent les Nits…
Débutant avec Cabins et ses sonorités sautillantes caractéristiques de l’époque révolue de M. Pieters, les Nits nous proposèrent un voyage complet à travers leurs différents styles musicaux successifs, enchaînant sans complexes et sans heurts les morceaux atmosphériques, quasi instrumentaux (comme els superbes Two Skaters et Moon and Stars, du dernier album..), les pièces baroques et fantaisistes (le très impressionnant et très drôle Port of Amsterdam), et les chansons rock ou country (In the Dutch Mountains, certainement l’une des meilleurs chansons des Nits). Peu de passages où Henk se laisse aller à son penchant pour les mélodies suaves et mélancoliques, juste quelques-uns de ces indispensables joyaux que sont Sketches of Spain ou In A Play. Enfin, trois rappels inoubliables, avec, entre autres, une reprise assez inattendue mais parfaite du The One I Love de R.E.M., juste après une cocasse imitation de Neil Young, mais aussi les indispensables Nescio (le seul titre de la période de gloire des Nits) et Adieu Sweet Banhof, avec son accordéon qui brise le cœur. On finira avec une version acoustique et enthousiaste de In The Dutch Mountains (un bis, donc…), à faire enfin se lever de leurs chaises tous les spectacteurs du New Morning…
Une soirée inoubliable…»
Les musiciens de The Nits :
Henk Hofstede: lead vocals, guitar, banjo, harmonica, big drum
Robert Jan Stips: keyboards, accordion, harmonica, vocals, marimba?
Rob Kloet: drums, stage percussion, pots & pans, backing vocals
Joke Geraets: electric and standing bass, backing vocals, percussion, steering wheel